L’auteure nous embarque dans un roman choral et immoral. Une fresque déjantée où chacun s’empare de l’addiction de l’autre dans une sorte de maelstrom déglingué, et touchant. Alcool, sexe, jeu, shopping… Ce ne sont pas les addictions qui surprennent, mais les victimes. Et surtout la résistance de chacun à toute prise en charge, aussi atypique soit-elle. Car malgré le zèle de Clarisse, psychothérapeute, c’est l’incroyable qui se produit. Celle qui pensait emmener ses patients à fédérer leurs stratégies pour sortir de leurs dépendances finit par basculer face aux rebelles. Plus la situation lui échappe, plus elle développe elle-même des addictions : « Je me gave de Tranxène…, je tombe en morceaux. Ils ont eu ma peau. » Les larrons, eux, se ruent dans une poly-addiction collective. Car c’est là, dans le groupe, qu’ils ont trouvé ce qui leur manquait : une sorte de famille et un dispositif qui les sort de la solitude et de la honte. Et si « derrière le plaisir une douleur se construit », comme l’écrit Nietzsche, encore faut-il lui préférer l’abstinence. Et la pondération. Ce qui n’est certes pas le cas des héros de cette histoire, dont le fil rouge reste un sujet grave traité sur un mode humoristique. Car, au fond, ce qui compte, c’est de trouver sa propre recette, aussi folle soit-elle.
Les ennemis de la vie ordinaire, Héléna Marienské, éd. Flammarion, 19 €