L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

RENCONTRE AVEC

CARRIÈRE

PARCOURS

C. T.  

Allez les filles, laissez votre copine et retournez en sport ! » À l’heure de la récré, la salle d’attente de l’infirmerie se remplie en quelques secondes. D’une voix posée mais ferme, Alexandrine Le Goff faite vite le tri entre les urgences. La quinquagénaire est, depuis treize années, infirmière à la cité scolaire Jean-Marie-Le Bris. Sur les 600 collégiens et 400 lycéens que compte l’établissement, elle enregistre chaque jour, entre 30 et 50 passages d’élèves de 11 et 22 ans. En plus d’une Segpa et des classes préparatoires aux concours paramédicaux, le lycée possède un internat. Unique infirmière scolaire permanente (une autre IDE scolaire l’accompagne les mardis et vendredis), Alexandrine Le Goff y a un logement de fonction et assure trois astreintes par semaine. En cas d’urgence, elle se déplace de 21 h à 7 h, en plus de ses horaires habituels de 7 h 45 à 17 h 45.

→ Respect et politesse. Un rythme de vie calé sur celui des élèves qui a séduit l’Idel et jeune maman d’alors. « Je ne voulais plus faire les week-ends, avoue-t-elle. Avoir ses vacances en même temps que ses enfants, s’est une réelle chance. » Lorsqu’elle rentre dans l’Éducation nationale, en 1991, Alexandrine Le Goff décroche un poste à Lyon, dans un lycée professionnel du quartier des Minguettes. Violences verbales et physiques sur fond de stupéfiants n’effraient pas la nouvelle infirmière scolaire qui s’impose par un discours fort, basé sur le respect et la politesse. Après diverses expériences, l’IDE pose ses bagages à Douarnenez, une ville de 15 000 habitants, anciennement grand port de pêche. « Ici, c’est différent, mais pas plus routinier, prévient-elle. Chaque région à ses problématiques. En Bretagne, il y a beaucoup de jeunes en détresse, constate l’IDE scolaire. Ils ne parlent pas de ce qui les tourmente car ils ne veulent pas embêter les adultes. Les enfants se mettent la pression, seuls. Notre travail est d’être, vraiment, dans l’écoute et le décryptage. » Une dimension psychologique prenante qui lui demande beaucoup de distance dans son rapport aux autres. « C’est parfois difficile. On aimerait plus de recul et de supervision. »

→ Cannabis, alcool et sexualité. Côté actions et politiques de santé, Alexandrine Le Goff joue collectif et local. Si à Lyon, elle axait ses campagnes sur le cannabis, à Douarnenez, c’est sur l’alcool et la sexualité qu’elle met le paquet. Plutôt qu’une application des politiques éducatives par le haut, Alexandrine s’adapte aux attentes précises des élèves. Pour donner du relief à son propos, elle fait appel aux structures et partenaires locaux. « Ça permet aux jeunes de connaître les personnes relais près de chez eux ; de savoir ce qui se fait en matière de prévention et d’écoute. C’est aussi ça l’éducation à la santé : on leur donne les clés pour qu’ils fassent ensuite leur propres choix, de manière autonome. » Avec l’antenne du planning familial, c’est ateliers participatifs d’éducation à la sexualité, pour les élèves de seconde et de première. Une heure et demie par an et par niveau, « c’est peu, mais conforme au programme national », précise l’infirmière. En 2013, elle a mis en place des ateliers de théâtre avec l’association Apica (conduites addictives) de Quimper. Mais aussi des groupes de parole au sein de l’internat sur la thématique des drogues. Et à chaque fois, ça marche. « Nos actions s’inscrivent dans la durée », une force selon l’IDE scolaire.

→ Initiation à la sophrologie. Débordante d’énergie, Alexandrine Le Goff joue la carte de l’originalité. Depuis six ans, elle propose aux élèves une initiation à la sophrologie. Huit fois dans l’année, un professionnel vient dispenser des cours gratuits de gestion du stress. Trente lycéens y sont désormais inscrits. Un succès pour cette dynamique quinquagénaire qui a suivi une formation en VAE pendant trois ans et vient d’obtenir son master 2 de psychologue clinicienne. « Il y a tellement de champs d’actions à mettre en place. Il ne nous manque que le temps. »

MOMENTS CLÉS

1986 DE ; infirmière hospitalière puis Ibode.

1989 Installation en libéral.

1991 Concours, puis infirmière en lycée professionnel à Lyon.

1996 Mutation à l’établissement régional d’enseignement adapté de Quimper.

2002 Arrivée à la cité scolaire Jean-Marie Le Bris.

2006 Formation de secouriste.

2014 Master 2 de psychologue clinicienne (formation en VAE).

Articles de la même rubrique d'un même numéro