L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

INTERVIEW CHANTAL DELAGRANGE ET JOSIANE MATHIEU COORDINATRICES DE L’ACTION SOCIALE DE L’AP-HP

DOSSIER

Chantal Delagrange et Josiane Mathieu coordonnent ensemble l’action sociale de l’AP-HP. Josiane Mathieu a 30 ans d’expérience comme assistante sociale ; elle a intégré l’AP-HP en 2012. Chantal Delagrange travaille, elle, pour les hôpitaux de Paris depuis 1974. D’abord assistante sociale, elle est passée cadre, puis cadre supérieure.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Quels types de difficultés rencontrent les agents de l’AP-HP ?

JOSIANE MATHIEU : À l’origine, il y a souvent un accident de la vie : divorce, maladie, chômage ou décès du conjoint. Les agents les plus en difficulté sollicitent la commission d’aide exceptionnelle de l’Association pour la gestion des œuvres sociales des personnels des administrations parisiennes (Agospap). Depuis le début de l’année, 74 demandes ont ainsi été émises par des infirmières : 9 d’entre elles étaient surendettées, 57 étaient des femmes seules chargées de famille ou célibataires. Ce sont souvent des demandes pour payer le loyer, des frais d’avocat, le voyage scolaire d’un enfant, les charges de syndic, les factures d’électricité…

L’I. M. : Quels conseils pouvez-vous leur donner ?

J. M. : Le premier est de ne pas attendre que la situation se dégrade pour faire appel au service social de l’établissement : à l’assistante sociale pour connaître ses droits, à la conseillère en économie sociale et familiale pour retravailler son budget. Pour accéder aux aides de l’Agospap, il faut prendre contact avec les chargés d’activités sociales. Certaines aides sont par ailleurs mal connues, comme les allocations versées pour les enfants porteurs de handicap ou les fonds d’action sociales des mutuelles. Le second conseil est de souscrire une mutuelle. Les agents sont tentés d’en faire l’économie, car il existe un régime particulier d’accès aux soins gratuits à l’AP-HP : les frais d’hospitalisation jusqu’à 6 mois et une partie des soins de ville sont pris en charge. Pour les dépassements d’honoraires et autres prestations non couvertes (lunettes, orthodontie…), une mutuelle demeure utile. Les agents doivent aussi veiller à ce que le contrat comprenne une garantie prévoyance qui permet de maintenir le salaire en cas d’arrêt maladie. L’AP-HP, conformément au régime des fonctionnaires, maintient un plein traitement pendant 3 mois seulement pour un congé maladie ordinaire (lire p. 64).

L’I. M. : Le logement pèse lourd dans le budget des infirmières. Comment l’AP-HP attribue-t-elle ses logements sociaux ?

CHANTAL DELAGRANGE : En Île-de-France, le logement est le problème numéro 1 pour n’importe quel fonctionnaire. Il y a 7 584 logements destinés au personnel. Notre politique répond à trois objectifs : faciliter le recrutement de personnels prioritaires (comme les infirmières spécialisées), fidéliser le personnel et répondre aux difficultés sociales. 52 % des demandeurs sont dans des situations de mal-logement ; 32 % sont des familles monoparentales, dont la moitié sont soutenues par le service social. Nous avons aussi de plus en plus de cas d’agents hébergés par des proches suite à leur divorce. Un logiciel cherche les adéquations entre les logements disponibles, les demandes et le profil des agents. Puis une commission paritaire priorise les candidats. Notre principal problème est le faible turn-over de nos logements sociaux, en particulier des appartements familiaux. J’invite les infirmières à élargir autant que possible leurs critères, qui doivent être réalistes : un célibataire qui demande un 3 pièces n’a aucune chancede l’obtenir. En 2014, seules 15 % des demandes ont été satisfaites, soit 350 logements attribués. Les infirmières sont plutôt bien loties : sur 668 demandes, 112 ont été satisfaites. Et nous avons en plus un dispositif « infirmières capitale » qui permet de loger de jeunes infirmières venues de province ou de l’étranger dans des studios, pour 250 € par mois, mais pour 1 an seulement.

L’I. M. : L’alignement des tarifs des crèches de l’AP-HP sur les tarifs de la CAF a été vécu comme un recul social…

J. M. : L’augmentation, lissée jusqu’en 2018, est compensée par les chèques emploi service universels (Cesu) pour les revenus les plus bas. Auparavant limités à 300 000 € pour l’ensemble du personnel, les Cesu seront désormais distribués sans limite, pour un montant total qui doit approcher 2,5 millions d’euros annuels. C’est un effort important. Pour les agents, cela représente une aide comprise entre 140 € et 280 € par an, selon les revenus. Les agents en situation monoparentale ont droit à 20 % de majoration.