SANTÉ PUBLIQUE
SUR LE TERRAIN
TRANSMISSIONS
À Marseille, une consultation pédiatrique spécialisée est proposée aux familles présentant des risques d’exposition environnementale. Après analyse du logement, il s’agit de dégager des solutions pour œuvrer, entre autres, contre le saturnisme infantile.
Consciente de la situation de cette famille, l’équipe des urgences pédiatriques dirige les parents vers la consultation enfant-environnement, mise en place en 2011 à l’Hôpital Nord de Marseille. Je rencontre alors la famille, présente mon travail et les amène à me parler de leur lieu de vie. Les parents m’expliquent que leur logement est assez vétuste et que les murs présentent de vieilles peintures abîmées. Leurs deux enfants – Sam, 5 ans, et Sacha, 2 ans – mangent peu et ont du mal à dormir ; Sam présente aussi des difficultés de concentration à l’école. Après étude du dossier avec l’équipe, le médecin ajoute une plombémie
Cette primo évaluation des conditions de vie et de l’environnement est programmée cinq jours plus tard. Examiner l’environnement immédiat dans lequel vit un patient permet d’identifier certains risques environnementaux, dont l’exposition au plomb. Consciente des cas de saturnisme infantile non intégrés dans un parcours de soins de proximité et sans médecin référent, la délégation territoriale des Bouches-du-Rhône, à travers l’ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur, a sollicité l’Assistance publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) en 2011, afin de mettre en place cette consultation enfant-environnement. Composée d’un pédiatre (à 40 %), de trois infirmières (deux à temps complet et la troisième à 80 %) et de trois assistantes sociales, celle-ci s’organise en plusieurs temps.
Un premier temps, dit médical, nous permet de reprendre les dispositifs de dépistage et de prévention pédiatriques universels (vaccins, santé buccodentaire, etc.), et plus spécifiquement, de dépister des pathologies favorisées par la précarité des conditions de vie. Puis vient un temps social pour la mise à jour des droits à la Sécurité sociale. En fonction des situations, l’assistante sociale rédige une feuille de liaison intrahospitalière (dispositif Pass – permanence d’accès aux soins) afin que les familles puissent bénéficier de médicaments et de consultations médicales non facturables.
Un troisième temps, qui représente la moitié de notre charge de travail, est réservé aux visites à domicile afin d’effectuer une primo évaluation des risques environnementaux présents dans l’habitat. Durant cette visite, nous dressons un état des lieux du logement en répertoriant les risques tels que les accidents domestiques, les branchements électriques dangereux, la potentielle exposition au monoxyde de carbone, au plomb et aux moissures selon des critères de décence bien précis
À la fin de chaque visite, un compte-rendu est envoyé à la famille et au médecin traitant. Si le logement présente, par exemple, des peintures écaillées ou d’anciennes canalisations en plomb, l’infirmière transmet l’information à l’ARS, qui sera en charge d’une enquête environnementale. Une incitation au dépistage du saturnisme est faite si le domicile présente d’anciennes peintures dégradées.
Le quatrième temps de la consultation est consacré au travail en réseau. Nous organisons régulièrement des réunions avec des partenaires sociaux et des spécialistes du bâtiment, par exemple, afin de mettre en place un accompagnement spécifique des familles.
Si durant la consultation, l’infirmière prodigue des soins (mise à jour de la courbe staturo-pondérale, vaccins, bilans sanguins, etc), c’est aussi elle qui gère les rendez-vous tant pour la consultation hebdo-madaire que chez les spécialistes (dentiste, ophtalmologue, etc.) et oriente, si besoin, les familles vers d’autres partenaires, institutionnels ou associatifs.
Dès que le suivi n’est plus nécessaire à la consultation, nous accompagnons les familles à la protection maternelle et infantile (PMI) ou chez leur nouveau médecin référent afin de les amener vers davantage d’autonomie. Une évaluation de l’adhésion dans le parcours de soins de proximité est enfin réalisée. Cela a été le cas avec la famille de Sacha, où le petit garçon et son frère ont été suivis pendant dix mois dans le cadre de la consultation enfant-environnement. J’ai accompagné la famille pour le premier rendez-vous chez leur nouveau médecin traitant. Aujourd’hui, la famille adhère pleinement à ce nouveau parcours de soins et se rend à tous ses rendez-vous. Durant cette période, des travaux ont été réalisés dans leur logement et le plomb ne représente aujourd’hui plus un danger pour leur santé.
1- La plombémie est l’indice du taux de plomb dans le sang et sert à diagnostiquer le saturnisme. Le seuil d’intoxication est fixé à 50 µg/L.
2- Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Sacha, 2 ans, dernier d’une fratrie de deux enfants, se trouve aux urgences pédiatriques avec ses parents. Depuis quelque temps, il mange peu et vomit fréquemment. Les parents expliquent qu’ils surprennent souvent Sacha portant des écailles de peinture à la bouche. Au-delà de leurs inquiétudes sur son état de santé, ils sont venus aux urgences car ils ne connaissent aucun médecin en ville. Le carnet de santé montre que les vaccinations ne sont pas à jour.
→ 2011 : Lancement de la consultation enfant-environnement avec une consultation hebdomadaire à l’Hôpital Nord. Un projet qui s’insère dans le cadre du deuxième Plan national santé environnement.
→ 2014 : Pérennisation de la consultation ; elle devient une Pass (permanence d’accès aux soins de santé) mère enfant, tout en conservant sa mission environnementale. L’équipe a deux infirmières en plus.
→ Janvier à avril 2015 : DU en conseiller habitat santé (CHS) pour Valérie Poirot.
→ 2015 : Ouverture d’une consultation hebdomadaire supplémentaire à l’hôpital de la Timone.
Le saturnisme est une intoxication par le plomb ; c’est une maladie à déclaration obligatoire. Les voies de contamination sont digestives, aériennes, cutaneo-muqueuses, materno-fœtales.
Le saturnisme infantile provoque, en général, une fatigue, une pâleur, des maux de ventre, des troubles du comportement comme l’hyperactivité, des difficultés d’apprentissage… Les conséquences sur le développement psychomoteur de l’enfant sont graves, il est donc indispensable de le repérer et de le prendre en charge le plus tôt possible. Une plombémie est alors nécessaire : depuis juin 2015, un résultat égal ou supérieur à 50 µg/L est signe d’intoxication, suivant les recommandations du Haut Conseil de la santé publique. L’Assurance maladie prend en charge la plombémie de dépistage pour les enfants jusqu’à 18 ans et les femmes enceintes. À l’occasion des bilans de santé des 9e et 24e mois, un repérage des facteurs de risque d’exposition au plomb (habitat ancien dégradé, profession à risque…) doit être réalisé chez tous les enfants, et le résultat inscrit dans le carnet de santé. Il est également recommandé chez les femmes enceintes à l’occasion de l’entretien prénatal du 4e mois de grossesse.