Les conditions dans lesquelles est utilisé le linge en milieu hospitalier en font un vecteur potentiel de maladies nosocomiales. De ce fait, la maîtrise de l’hygiène à toutes les étapes est un enjeu prioritaire pour les structures de soins.
Literie du patient, tenues professionnelles… Le linge est partout dans l’hôpital. Son rôle est primordial tant dans la protection des personnels que pour la sécurité et le confort des patients. Alors qu’en Europe, 80 % des établissements hospitaliers publics externalisent l’approvisionnement, l’entretien et la distribution du linge – ce que les spécialistes nomment la « fonction linge » -, en France, ce chiffre tombe à 20 %
En France, selon les données du ministère de la Santé, 5 % des personnes hospitalisées sont touchées par des infections nosocomiales, et 4 000 en meurent. Selon les hygiénistes, les infections nosocomiales ayant pour origine le linge sont peu nombreuses. Ce risque existe néanmoins, car les textiles ont la capacité de se contaminer ; des germes peuvent ainsi proliférer sur le linge sale et se transmettre, en particulier quand le linge « propre » est mal traité. Peu de travaux scientifiques ont été réalisés sur le rôle du linge dans la transmission des maladies nosocomiales. Mais quelques études décrivent néanmoins les risques liés aux blouses des soignants ou au linge des patients.
Une publication réalisée par une équipe de chercheurs israéliens à l’hôpital Shaare Zedek de Jérusalem a fait grand bruit en 2011
→ Les infirmières sont plus à risque de porter des bactéries résistantes aux antibiotiques que les autres professionnels médicaux en raison de leurs soins aux patients. Les auteurs de l’étude ont ainsi relevé 32 cas de staphylocoques dorés résistants aux antibiotiques sur les 238 prélèvements réalisés. À noter qu’une précédente étude
→ Plus les lavages sont fréquents, moins il y a de risques. En effet, le point le plus intéressant de cette publication était que près de 60 % du personnel soignant qui a participé à l’étude a indiqué changer de tenue chaque jour. Ce qui signifie que plus de 40 % mettaient leur blouse au moins deux jours de suite ! Or, 29 % de ceux qui changeaient de blouses tous les deux jours étaient porteurs de germes sur leur tenue, contre 8 % de ceux qui en changeaient quotidiennement. Ces chiffres éloquents montrent qu’en se changeant tous les deux jours, on multiplie par trois le risque de véhiculer des bactéries résistantes.
→ Des blouses sans poches. Une publication sur la contamination des blouses blanches médicales a montré dès le début des années 1990
→ Risques liés au linge propre : une importante épidémie d’infections graves à Acinetobacter baumannii a été dénoncée dans plusieurs services différents d’un hôpital dans une étude datant de 1995
Enfin, deux cas d’infections ont été décrits
• À retenir : le linge propre peut être responsable d’infections nosocomiales graves s’il n’est pas correctement traité ou géré tout au long du circuit du linge. Des micro-organismes particulièrement résistants à la chaleur ou aux désinfectants, comme le Bacillus cereus, ou des agents infectieux banaux, comme le Staphylococcus aureus, introduits en aval du lavage par une mauvaise étape de manipulation du linge propre sont souvent incriminés.
→ Linge sale de patients : l’écologie microbienne du linge sale a été abondamment étudiée. Les bactéries en cause sont des germes d’origine cutanée (Staphylococcus aureus, Staphylococcus à coagulase négative, Corynebacterium sp.) ou des bactéries d’origine digestive (Enterococcus sp., E. coli, Klebsellia). Des bacilles Gram + sont également cités (Acinetobacter baumannii et P. aeruginosas). La présence de bactéries multirésistantes est également décrite ; 60 % des draps des patients porteurs de Sarm seraient contaminés par cette bactérie
→ En blanchisserie où le linge sale est manipulé, l’infection du personnel est extrêmement rare. Les médecins du travail n’ont jamais relevé plus d’absentéisme en blanchisserie pour maladie infectieuse que dans les autres secteurs d’activité. Seule une transmission nosocomiale à trois personnes d’une blanchisserie chargée du tri du linge souillé par des selles de patients infectés de gastro-entérite à Salmonella hadar a été rapporté en clinique
→ Dans les services de soins, le personnel peut contaminer sa tenue lors des soins de nursing par du Sarm ou d’autres germes de la flore fécale et ainsi transmettre le micro-organisme, et ce, malgré un lavage des mains
• À retenir : dans les unités de soins, le linge sale peut entraîner une contamination des mains des soignants, de leur tenue vestimentaires et de l’environnement. Ces mécanismes rendent inévitable le rôle du linge sale dans la transmission croisée de micro-organismes multirésistants aux antibiotiques.
1 - « Guide pour la mise en œuvre de la méthode Rabc en blanchisserie hospitalière », URBH, 2011.
2 - « La norme Rabc en blanchisserie », AudiTextyl, 2012.
3 - Wiener-Well Y. et al., « Nursing and physician attire as possible source of nosocomial infections », American Journal of infection control, vol 39, 2011, Issue 7, 555-559.
4 - Boyce J.-M. et al., « Environmental contamination due to methicillin-resistant Staphylococcus aureus : possible infection control implications », Infect Control Hosp Epidemiol, 1997 ; 18 :622-7.
5 - Weernink A. et al., « Pillows, an unexpected source of Acinetobacter », J Hosp Infect, 1995 ; 29 :189-99.
6 - Barrie D. et al., « Contamination of hospital linen by Bacillus cereus », Epidemiol infect, 1994 ; 113 :297-306.
7 - Tissot-Gueraz F. et al., « Le linge : un maillon de l’infection nosocomiale », Revue hospitalière de France, 1995 ; 4 :413-17.
8 - Yamaguchi E. et al., « Colonization pattern of vancomycin-resistant Enterococcus faecium »,. Am J Infect Control 1994 ; 22 : 202-6
9 - Standaert S.-M. et al., « Nosocomial transmission of Salmonella gastroenteritidis to Laundry workers in a nursing home », Infect Control Hosp Epidemiol 1994 ; 15 : 22-6
10 - Martin M., « Nosocomial infection related to patients care support services », In Prevention and control nosocomial infections, 1997.
11 - Mc Donald L. et al., « Laundry services » p. 58. In Hospital epidemiology and infection control, sous la direction de Glenn Mayhall, Éd. Wolters Kluwer/ Lippincott, William and Wilkins, 1996.
Parce que le linge retient facilement les micro-organismes, l’hygiène dans la gestion du linge hospitalier constitue un enjeu capital. Les conditions de traitement, de transport, et de stockage du linge propre doivent être maîtrisées sur le plan microbiologique.
→ La norme européenne EN 14065 de 2003 et le système d’analyse des risques et de maîtrise de la biocontamination (Risk Analysis Biocontamination Control – Rabc) sont des méthodes de référence en blanchisserie pour atteindre cette maîtrise. Selon la norme européenne, le linge propre est défini comme présentant une contamination inférieure à 12 UFC/25 cm2 en fin de traitement à la blanchisserie. Quant au linge de qualité microbiologique maîtrisée, il s’agit d’un linge pour lequel on ne tolère aucun germe hospitalier à l’origine d’infections nosocomiales dans cette marge de 12 UFC/25 cm2.
→ Des décrets hospitaliers engageant la responsabilité des soignants s’ajoutent à cette norme. Notamment l’article 11 du décret n° 93-221 du 16 février 1993 stipule que « l’infirmier ou l’infirmière respecte et fait respecter les règles d’hygiène dans l’administration des soins, dans l’utilisation des matériels et dans la tenue des locaux ». Le décret n° 1995 – 1 000 du 6 septembre 1995 portant sur le code de déontologie médicale rappelle dans l’article 71 les règles d’hygiène à respecter dans la pratique médicale.
Afin de limiter le risque infectieux lié à la transmission des micro-organismes présents sur les tenues du personnel, le Cclin Sud Ouest a émis des recommandations
→ Tenue standard obligatoire
La tenue standard obligatoire comprend :
– une tunique/pantalon ou une blouse à manches courtes (mélange composé à 65 % de polyester et à 35 % de coton) ;
– des chaussures spécifiques garantissant la sécurité du professionnel (antidéparantes et fermées sur le dessus et facilement nettoyables) ;
– une « veste passe couloir » pour se protéger du froid lors des déplacements et des temps de pause. « Elle est souhaitable, mais seuls quelques services en proposent actuellement », indique le Dr Pierre Parneix, responsable du Cclin Sud Ouest ;
– les effets personnels sont interdits (sous-vêtements manches longues, gilet, foulard) ;
– les bijoux, y compris les montres et alliances, sont proscrits, et les cheveux doivent être attachés et propres, les ongles courts, sans vernis, ni faux ongles. « Un changement quotidien de la tenue standart est préconisé, ou immédiatement si la tenue est souillée. Dans les vestiaires, il faut éviter le contact entre les tenues civiles et professionnelles. Les vestiaires à compartiment doivent être privilégiés. »
→ Port du piercing ?
« Le piercing pose effectivement question, car les risques infectieux sont connus notamment, en cas de piercing facial avec un portage nasal de staphylocoque résistant à la méticilline (Sarm) chez les soignants. Le piercing pourrait avoir un impact sur le risque d’infections liées aux soins. Mais pour l’heure, nous ne disposons pas d’éléments pour trancher. Il convient donc de se ranger sur le règlement intérieur de chaque établissement. »
→ Quand mettre des gants à usage unique ?
Dans les précautions standard, le port de gants à usage unique est recommandé :
– en cas de risque de contact avec du sang ou des liquides biologiques ;
– en cas de contact avec une peau lésée et/ou muqueuse ;
– pour la manipulation de linge souillé ;
– et en cas de lésions cutanées chez le soignant.
Dans les précautions complémentaires, cette même protection est préconisée :
– lors de soins (sauf peau saine) ;
– en cas de gale ou Clostridium difficile.
Évidemment, il convient de retirer les gants dès la fin du soin et avant de toucher l’environnement.
→ Quand porter une surblouse ou un tablier à usage unique ?
Le port du tablier est recommandé :
– en cas de soins mouillants, souillants, exposant à des projections ;
– en cas de soins exposant au sang et liquides biologiques ;
– pour la gestion des excréta ;
– pour l’entretien et la désinfection du matériel, des locaux ;
– pour la manipulation du linge sale.
Les précautions complémentaires prévoient le port du tablier en cas de contact direct avec un patient mis en précautions complémentaires (de type air/gouttelettes). Il convient de porter une surblouse manches longues en cas de contact direct avec un patient porteur de gale et de Clostridium difficile par exemple.
→ Et les masques ?
Le port du masque chirurgical est recommandé :
– en cas de soins exposant à des projections (dyalise) ;
– ou en cas de toux supposée d’origine infectieuse chez le soignant ;
– et, précaution complémentaire, dès l’entrée dans la chambre d’un patient atteint d’une infection respiratoire, en particulier de la grippe ;
– le port d’un masque plus étanche de type FFP2 est recommandé pour entrer dans la chambre d’un patient atteint de rougeole, de varicelle ou suspecté/atteint de tuberculose (protection contre les gouttelettes en suspension dans l’air) ;
– ne pas oublier de changer les masques toutes les 3 heures, et dès qu’il est mouillé et souillé ;
– ne pas oublier d’effectuer une hygiène des mains après le retrait de ces petits matériels de protection.