L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

FORMATION

BONNES PRATIQUES

Corinne Drault  

Pour mieux maîtriser le risque infectieux, linge sale et linge propre font l’objet de parcours séparés. À chaque étape ses spécificités et recommandations.

Draps, serviettes, casaques, etc., le linge est un élément indispensable au soin et au nursing. Mais c’est aussi un élément contaminant, puisqu’il est en contact avec le malade et nécessite d’être manipulé, transporté. Le risque existe durant tout le circuit de traitement du linge. Un circuit qu’il est nécessaire de sécuriser afin :

– d’éviter que les micro-organismes contenus dans le linge sale ne se disséminent ;

– de maintenir la qualité biologique du linge propre.

Dans le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales, plusieurs guides détaillés ont été publiés, notamment par les Cclin, présentant des recommandations précises pour maîtriser le risque infectieux, couvrant l’ensemble des circuits de la fonction linge (voir « En savoir plus », p. 58). À ces recommandations s’ajoute une procédure d’accréditation des établissements de santé. Cette procédure, effectuée par des experts mandatés par la Haute autorité de santé, porte sur la qualité et la sécurité des soins. Une partie des procédures concernent le circuit (collecte, manutention, transport) et le traitement du linge propre et souillé.

1. CIRCUIT DU LINGE SALE

Collecte et pré-tri

Le pré-tri a pour but de limiter le tri en blanchisserie. Il intervient après chaque réfection de lit, la toilette et les soins corporels du patient. Le linge est séparé en deux, trois, voire quatre catégories selon les hôpitaux et mis dans des sacs de couleur.

Afin de limiter les infections nosocomiales, les tenues professionnelles des soignants doivent être triées et lavées séparément du linge des malades. En fin de journée, il convient de les mettre dans un contenant sécurisé situé dans les vestiaires.

Recommandations pour maîtriser le risque infectieux

→ Les précautions standard recommandent le port de gants pour toute manipulation de linge souillé. Pour trier le linge, une tenue spécifique (tunique/pantalon) est nécessairement complétée par du matériel à usage unique de protection : bonnet, masque, gants, tablier. On doit se laver les mains dès que l’on a manipulé du linge ayant été en contact avec un patient.

→ Ne pas mettre en contact le linge sale et la tenue professionnelle (ne pas porter le linge contre soi).

→ Manipuler le linge sale avec délicatesse pour éviter la diffusion des particules contaminées.

→ Le linge souillé ne doit pas être déposé au sol, ou sur le mobilier de la chambre.

→ Le pré-tri s’effectue dans le couloir à l’aide d’un chariot porte sacs, qui ne doit pas entrer dans la chambre

→ Vérifier la présence d’objets étrangers (lunettes, prothèses auditives, etc.)

→ Les chariots mixtes (utilisés dans les zones propres et sales) sont à proscrire.

→ Il convient de ne pas se rendre au restaurant d’entreprise en tenue de travail.

→ Le linge sale doit être évacué des services chaque jour et ne pas stationner plus de 2 jours consécutifs dans les lieux de regroupement. Un ramassage durant les week-ends prolongés s’impose donc.

À noter : les draps de lit des patients alités doivent être renouvelés au moins deux fois par semaine, l’alèse tous les jours.

Précautions particulières

→ Patients infectés par germes multi-résistants. Au début des années 2000, il était préconisé de placer le linge des patients en isolement septique dans un sac hydrosoluble dans la chambre et de le sortir de celle-ci sous double emballage. Les recommandations ont évolué et ne prévoient plus désormais d’utiliser ce type d’emballage. Le linge doit être placé dans un conteneur dédié dans la chambre et traité ensuite dans les mêmes conditions que le linge standard.

→ Patients atteints de parasitose et mycose, teigne ou gale. Un traitement préalable du linge par un produit antiparasitaire doit être effectué dans le service avec des produits spécifiques en poudre ou en spray, directement sur le linge. Puis le sac doit être fermé hermétiquement et être traité par lavage.

Stockage et évacuation de linge sale

→ Le stockage est effectué dans un local conçu à cet usage, frais et ventilé, nettoyé quotidiennement, les sacs doivent être entreposés le plus brièvement possible. Douze heures est un délai acceptable (24 heures au maximum pour empêcher toute multiplication bactérienne, toutefois ce temps peut être plus long lors de week-end prolongé).

→ Le linge est ensuite acheminé vers la blanchisserie. Si le linge est traité à l’extérieur, il est évacué par camions ou bennes désinfectés quotidiennement avec un détergent désinfectant de surface. Si le linge est traité sur place, il est évacué par chariots de transport, nettoyés et désinfectés après chaque collecte vers la blanchisserie.

2. TRAITEMENT DU LINGE À LA BLANCHISSERIE

Le linge doit être lavé exclusivement dans des locaux spécifiques de type blanchisserie. Tout doit être mis en œuvre pour limiter le tri du linge et donc l’ouverture des sacs. Pour repérer les objets hétéroclites (appareils dentaires, lunettes, pinces, prothèses auditives, stylo, etc.), des systèmes de détection par scanner sont aujourd’hui utilisés.

Au cours du cycle de blanchiment, le linge doit subir plusieurs étapes : lavage, rinçage, séchage, calandrage, pliage (lire p. 57). Le principe du lavage repose sur la thermodésinfection.

3. CIRCUIT DU LINGE PROPRE

→ La zone « propre » en blanchisserie. Elle débute dès la sortie des machines et des tunnels de lavage. Le personnel affecté à la zone « propre » porte une tenue de couleur différente de celle de la zone sale, afin de pouvoir contrôler les déplacements. La tenue doit être changée tous les jours, voire deux fois par jour (repas de la mi-journée). L’accès à la zone propre est interdit aux patients et à toute personne étrangère au service. Le personnel en zone « propre » doit être vacciné correctement (BCG, hépatites A, B et DT polio).

→ Le stockage du linge propre. Il peut se faire uniquement lorsque le linge est parfaitement sec. Le linge doit être protégé (film plastique, bâche lavée entre chaque utilisation, armoire mobile de distribution). Le stockage éventuel doit se faire dans une salle réservée à cet effet, isolée de locaux dédiés à une autre fonction – surtout pas dans les chambres -, correctement ventilée, nettoyée et désinfectée avec un détergent/désinfectant.

→ Le transport du linge propre. Le chariot hermétique de transport du linge propre doit être nettoyé et désinfecté. Le véhicule de transport doit être spécifique au linge propre dans le cas où le véhicule doit assurer une tournée desservant plusieurs petits établissements de soins.

→ Livraison du linge dans les unités de soins. Suivant l’organisation de l’établissement, le linge peut être réceptionné dans un secteur de lingerie centrale ou conduit directement dans les unités de soins. La solution recommandée est l’utilisation d’armoires métalliques spécifiques. Chaque unité de soins doit disposer d’un nombre d’armoires suffisant pour permettre une rotation satisfaisante au fonctionnement de l’unité. Les dotations quotidiennes sont calculées de façon à éviter tout stockage dans les services et à garnir les chariots au plus juste. Le linge non utilisé doit retourner en blanchisserie et subir un nouveau lavage.

→ Manipuler dle linge propre avec des mains lavées et séchées au préalable.

→ La distribution des vêtements professionnels. Pour limiter la disparition des tenues et pour encadrer leur consommation, de nombreux hôpitaux ont mis en place des distributeurs automatiques de vêtements. Cette distribution repose sur le principe de droit à retirer un vêtement propre, à condition d’avoir rendu son vêtement sale. Il existe deux sortes de vestiaires informatisés : ceux qui distribuent l’article sur cintre et ceux dans lequel le vêtement est conditonné plié dans une armoire mobile de distribution. Une carte d’identification permet de reconnaître le porteur et de savoir s’il a droit à un vêtement ou s’il a consommé tout son vestiaire. Lorsque l’agent rend ses vêtements sales, le système le crédite d’une tenue. Dès que son crédit est positif, il peut retirer un vêtement.

MÉDICO-SOCIAL

Des process similaires

→ Dans les Ehpad et maisons d’accueil spécialisées, la fonction linge a longtemps été délaissée. Aujourd’hui, l’hygiène dans ce secteur est au cœur des préoccupations des autorités sanitaires. Ainsi le ministère de la Santé a lancé le programme national Propias, qui vise à développer la prévention des infections associées aux soins tout au long du parcours de santé(1).

→ Depuis près de 10 ans déjà, les Cclin travaillent sur l’élaboration de recommandations concernant l’hygiène et la prévention du risque infectieux dans les structures d’hébergement pour personnes âgées. À l’instar des établissements hospitaliers, des guides sur la fonction linge ont été publiés avec des préconisations dans le prolongement de celles déjà proposées pour les hôpitaux(2).

1 - http://www.sante.gouv.fr/propias,4086.html

2 - nosobase.chu-lyon.fr.

ÉCLAIRAGE

« Le propre “industriel” suffit-il ? »

MICHÈLE AGGOUNE CADRE SUPÉRIEURE INFIRMIÈRE HYGIÉNISTE, CCLIN PARIS-NORD

« Les champs et casaques, tenues professionnelles, et mêmes les draps et linges des patients aujourd’hui utilisés en bloc opératoire dans les gros pôles hospitaliers sont désormais en textile non tissé à usage unique. Il n’y a donc plus de problématique de collecte des linges opératoires. Je dirais que près de 95 % des établissements utilisent du linge à usage unique. Il reste donc une minorité d’hôpitaux où les champs et casaques sont recyclés. Ils sont alors collectés dans des sacs pour rejoindre le service de blanchisserie, puis livrés propres dans les services de stérilisation pour conditionnement et stérilisation.

Par ailleurs, compte tenu de la haute qualité microbiologique du linge dans les services hospitaliers obtenue notamment grâce à la norme européenne et la méthode Rabc (voir p. 45), on peut se demander si le propre « industriel » ne suffirait pas. L’intérêt de la stérilisation du linge pour les patients en aplasie par exemple (services d’hématologie, oncologie…) mérite réflexion. Cette question concernant les patients immuno-déprimés est actuellement étudiée par un groupe de travail de la Société française d’hygiène gospitalière (SF2H) qui diffusera ses recommandations courant 2016. »