Des simples codes-barres, aux puces à haute fréquence (HF) puis à ultra haute fréquence (UHF), les dispositifs de traçabilité évoluent et facilitent le travail de suivi effectué par les blanchisseries.
La première traçabilité a été le code-barre, qui était essentiellement apposé sur les vêtements professionnels », explique Thierry Desenzani, ancien président de l’Union des responsables de blanchisseries hospitalières (URBH). « Les informations données par les codes-barres nous permettaient d’automatiser les opérations de tri et de répartir le linge par établissement, par service, voire directement par porteur. » Puis, les puces à haute fréquence (HF) ont commencé à arriver sur le marché. « Cela a permis un gain en terme de rapidité de lecture. Nous n’avions plus besoin de lire le code-barre, il suffisait de faire passer le linge dans des cadres capables de scanner des paquets complets de linge. L’inconvénient, c’est qu’il n’était pas possible de lire des volumes importants et qu’il fallait que la lecture se fasse à une distance très proche du linge », se souvient-il. Désormais, les puces à ultra haute fréquence (UHF) permettent une lecture plus rapide et plus facile. « Les antennes peuvent scanner les paquets de linge à plusieurs dizaines de centimètres de distance. En quelques secondes, il est possible de lire des centaines d’articles. Cela permet de mettre des puces sur les draps, alors qu’il était impossible d’y mettre des codes-barres. On peut ainsi savoir ce qui est parti d’un établissement et ce qui en revient et estimer les pertes rapidement. Et les puces sont résistantes à la température, notamment à la sécheuse à 180 voire 190° », souligne Thierry Desenzani. Certaines blanchisseries ont donc sauté le pas et commencé à mettre ces puces UHF sur les draps.
C’est le cas de la blanchisserie interhospitalière (BIH) de Saint-Germain-en-Laye (78). Depuis 2013, le puçage des draps est venu s’ajouter à celui des vêtements professionnels, déjà pratiqué depuis de nombreuses années par l’établissement. « Pour les tenues, les puces nous permettent de suivre leur traçabilité au niveau des agents hospitaliers et de vérifier que la dotation qui a été mise en place pour chaque agent tourne bien », explique Luc Videau, directeur technique de la blanchisserie. « Nous avons historiquement choisi la puce, car c’est la technologie la plus pratique. On évite le geste de lecture du code-barre et on augmente les capacités de lecture. Les antennes peuvent lire 600 à 700 puces UHF en même temps, à une distance supérieure à deux ou trois mètres. Cela nous permet de faire de la lecture de masse. » La blanchisserie de Saint-Germain-en-Laye traite chaque jour 20 tonnes de linge pour 20 établissements de la fonction publique hospitalière, dont les centres hospitaliers de Versailles, de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, de Rambouillet, de Saint-Cloud, de Sèvres, de Nanterre, mais aussi pour des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des centres de rééducation et d’addictologie.
« Les puces sont insérées par les fournisseurs de linge et la blanchisserie a effectué des tests pendant un an pour vérifier que la puce résistait à l’essorage et au repassage », souligne Luc Videau. La blanchisserie a choisi de mettre des puces sur les draps pour deux raisons. « La première, c’est le temps d’immobilisation des articles textiles, détaille-t-il. Un drap passe trois heures dans la blanchisserie, mais en moyenne huit jours dans l’établissement, ce qui nous oblige à avoir un nombre de draps très important pour assurer la rotation du linge. » La deuxième raison, c’est la disparition d’un grand nombre de pièces de linge. « Les pertes s’élevaient à 40 000 voire 50 000 draps par an ! » pointe Luc Videau. Draps trop souillés que les agents n’osent pas retourner en blanchisserie, draps découpés ou jetés à la poubelle, emportés par les ambulanciers, utilisés à d’autres fins que des activités hospitalières, voire volés et parfois retrouvés sur des marchés aux puces ou chez des commerçants… Les raisons de leur disparition sont nombreuses et le manque à gagner est énorme. « L’achat de draps est notre premier poste de dépenses : 200 000 euros par an sur un budget de 400 000 euros. En théorie, ils ont une durée de vie de 150 lavages, mais ils disparaissent souvent au bout de 50 lavages », souligne Luc Videau. Les chemises des malades représentent le second poste de dépenses, avec une facture s’élevant à 80 000 euros chaque année. Grâce au puçage des draps depuis deux ans, les pertes ont pu être réduites de manière significative. « Nous avons fait une économie de 10 000 draps par an en achat. Nous avons également gagné entre une demi-journée et une journée en terme de rotation du linge. » En plus des blanchisseries, certains établissements hospitaliers ont également commencé à utiliser les puces en interne. « Depuis juillet 2014, le centre hospitalier du Vésinet utilise la puce pour affecter les draps dans les services, ce qui permet de gérer le linge en interne et de savoir rapidement quel service immobilise le linge ou lequel en perd. Le centre hospitalier de Mantes-la-Jolie le fait également depuis juillet 2015 », indique Luc Videau.
Le dispositif est si efficace, qu’il va bientôt être étendu. « En janvier 2016, les chemises des malades et les serviettes éponges vont également être pucées », prévoit Luc Videau. Et en parallèle, ses équipes se rendent dans les services de soins afin de sensibiliser les équipes au bon usage du linge. « Nous avons édité 10 000 plaquettes présentant la blanchisserie ; nous y détaillons la méthode Rabc ainsi que les causes des disparitions du linge. Nous rappelons que le linge n’est pas de l’usage unique et qu’il faut l’utiliser exclusivement pour des activités de soin. »
Depuis 2012, le dispositif Safitech (Santé fiIlière technique) est mis en place pour les établissements hospitaliers du Nord-Pas-de-Calais. « Dans un premier temps, nous proposons des animations de clubs métiers : échanges de bonnes pratique, benchmark, visites, travaux sur les points bloquants… », explique Armelle Petit, chargée de mission à l’Association nationale pour la formation permanente du personnel pospitalier (ANFH) et ingénieur au centre hospitalier de Lille.
→ Quatre groupes de travail ont été mis en place. L’un sur la gestion des flux et la traçabilité dans le respect des normes d’hygiène. Le second sur l’organisation d’une production réactive et adaptée aux besoins. Le troisième sur le thème : quel linges, quelle utilisation et quelle dotation ? Et enfin, un groupe chargé de proposer des plans de continuité d’activité des blanchisseries (en cas d’incendie par exemple).
→ Objectif : établir un guide de bonnes pratiques sur la logistique de production et de distribution du linge. Des formations adaptées aux métiers de la logistique seront également proposées, y compris « à tous ceux qui font de la logistique sans le savoir », souligne Armelle Petit (par exemple aux soignants qui gèrent des dotations de linge). D’ici trois ans, le dispositif Safitech devrait également être déployé en Picardie, Île-de-France, Champagne-Ardenne, Basse-Normandie et Haute-Normandie.
VINCENT PACTON RESPONSABLE DE LA BLANCHISSERIE DE LA ROCHELLE ET TRÉSORIER ADJOINT DE L’UNION DES RESPONSABLES DE BLANCHISSERIES HOSPITALIÈRES (URBH)
Vincent Pacton évoque les difficultés que rencontrent au quotidien les responsables de blanchisseries hospitalières et avance quelques pistes d’améliorations.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté régulièrement en blanchisserie ?
Notre difficulté essentielle réside dans l’impossibilité d’honorer l’ensemble des dotations des services, faute de pouvoir récupérer en temps et en heure le linge que nous fournissent les établissements. Et si nous ne pouvons pas honorer ces dotations, le service de soins va en prévoir davantage, ce qui crée un cercle vicieux. Par ailleurs, il peut y avoir parfois des arrêts sur un matériel entraînant des suspensions temporaires de la production. Dans ce genre de cas, nous étendons nos horaires de travail et nous effectuons un rattrapage soit en fin de journée, soit le samedi matin. Un autre problème récurrent, c’est la disparition du linge, auquel sont confrontées toutes les blanchisseries. La seule solution serait de le marquer, mais nous n’avons pas encore mis ce système en place, car son prix reste élevé. Une puce coûte entre 5 et 7 euros, soit plus cher que certains article ! Il faut également équiper la blanchisserie en portiques pour lire les puces, ce qui explique que tous les établissements ne puissent pas encore se le permettre, même si cela réduit significativement la perte de linge.
Quelles sont les pistes d’amélioration qui peuvent être mises en œuvre pour pallier ces difficultés ?
Nous avons mis en place une démarche qualité de type ISO 9001, qui est actuellement en cours de validation. Elle vise avant tout la satisfaction du client. À cette fin, nous avons rédigé des procédures pour améliorer les process au sein même de la blanchisserie ainsi que tout au long du circuit du linge, depuis et vers les établissements hospitaliers. Des indicateurs nous permettent de vérifier en temps réel que tout fonctionne correctement. Un des indicateurs-type est par exemple le taux de conformité des dotations des armoires, que nous essayons de maintenir au moins à 80 %. En parallèle, nous avons mis en place des stocks tampons dans les établissements pour honorer les dotations du week-end. Nous vérifions aussi les paramètres de lavage, avec le bon dosage de produits lessiviels. Et bien sûr, nous effectuons des contrôles bactériologique réguliers, y compris sur les armoires de linge. Nous transmettons les résultats à nos adhérents chaque mois. Nous avons également ouvert un poste de « relations clients » au sein de la blanchisserie. La personne qui s’en charge se déplace dans les établissements pour faire le trait d’union avec les équipes de soins. À chaque difficulté de dotation, elle se rend dans le service concerné, fait le point avec l’équipe sur ses difficultés, voire l’aide à réévaluer sa dotation. Cela crée une véritable relation client-fournisseur.
Quels mesures peuvent prendre les établissements pour mieux gérer le linge ?
Nous leur demandons de faire un pré-tri dans les services de soins, en mettant des familles d’articles dans des sacs différents : les draps dans un sac, les vêtements de travail dans un autre, etc. Mais ce n’est pas toujours fait correctement, donc notre responsable en charge des relations clients se rend également dans les services pour donner des conseils afin de trier correctement, de penser à vider ses poches, etc. Il nous est déjà arrivé de retrouver des aiguilles dans des vêtements de travail, mais cela demeure rare. Maintenant, nous retrouvons moins souvent du matériel médical dans le linge, car des contrôles sont réalisés en amont dans les services de soins. Mais quand cela arrive, nous organisons des interventions pour sensibiliser le personnel à ces problèmes, qui peuvent représenter un danger pour nos employés. Je pense qu’il faut énormément communiquer, c’est primordial pour améliorer la gestion du linge et mettre en place des liens entre la blanchisserie et l’établissement hospitalier.
PROPOS RECUEILLIS PAR A.-G. M.
Du bon usage du linge
Dans sa plaquette de sensibilisation, la blanchisserie interhospitalière (BIH) de Saint-Germain-en-Laye (78) rappelle le bon usage du linge à travers six conseils. Elle recommande ainsi de :
1. N’utiliser le linge qu’à des activités de soin.
2. Ne pas considérer le linge de la BIH et des établissements comme de l’usage unique.
3. Ne pas faire des stocks de longue durée pour maîtriser la qualité sanitaire du linge.
4. Ne pas stocker le linge dans les chambres.
5. Demander des chiffons à la lingerie de son établissement.
6. Informer si les ambulanciers ou les sociétés extérieures partent avec du linge.