L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

BLOC OPÉRATOIRE

ACTUALITÉS

SALON INFIRMIER

Marie-Capucine Diss  

Médecin-anesthésiste à l’hôpital Cochin (AP-HP), Anissa Belbachir a présenté lors du Salon infirmier les premiers résultats d’une enquête menée par la Société française d’anesthésie et de réanimation.

On le sait, mais on n’en parle pas. Cette première enquête française sur le harcèlement au bloc opératoire vient confirmer ce que pressentaient les professionnels : 60 % des femmes interrogées estiment être victimes de harcèlement, défini par la psychiatre Marie-France Hirigoyen comme une conduite abusive « qui porte atteinte par sa répétition ou sa systématisation à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne ». Il s’agit uniquement de harcèlement moral : aucun des 1 666 professionnels ayant participé à cette enquête n’a mentionné de harcèlement sexuel. Un silence qui, pour autant, n’exclut pas l’existence de telles pratiques. Pour Anissa Belbachir, « on l’a vu, on l’a vécu, mais pour le moment, on ne déclare pas ces choses-là ». Contrairement aux idées reçues, ce harcèlement moral est majoritairement (54 %) attribué à une personne de même sexe.

La loi du silence

Les IDE sont les premières visées par le harcèlement au bloc opératoire : 54 % d’entre elles en sont victimes. Un tiers des médecins subit du harcèlement, avec un risque deux fois plus élevé pour les anesthésistes que pour les chirurgiens. L’analyse de l’origine du harceleur apporte un nouvel éclairage : 69 % des harceleurs sont médecins, contre 20 % des IDE et 20 % de personnel administratif ; 18 des 64 Iade et 22 des 48 Ibode qui ont répondu au questionnaire rapportent avoir été harcelées par un cadre de santé. La forme écrite et directe est la plus identifiée, les victimes déclarant dans 70 % des cas avoir reçu une sanction de ce type.

Un défaut de management et la loi du silence sont les deux premiers facteurs favorisant le harcèlement, selon les victimes. Les auteurs de cette enquête espèrent qu’elle débouchera sur des directives et un site web, pour venir en aide aux victimes. Une sur cinq demande un changement d’hôpital et une sur dix un changement de service. 66 % d’entre elles ressentent un état d’épuisement. Un chiffre qui pourrait inciter à moins d’indifférence au sein des équipes. Pour Anissa Belbachir, cette enquête est également l’occasion de « regarder autrement ses collègues. On s’occupe des malades et on ne fait pas assez attention aux soignants ».

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