SPIRITUALITÉ
DOSSIER
Une écoute active de la part des infirmières peut apaiser les angoisses existentielles des patients, qu’ils soient croyants ou non.
L’hôpital est un haut lieu de spiritualité. C’est un lieu de souffrance, un lieu où l’on se pose des questions. Là, tout le monde est à égalité, humain et mortel. Soigner, c’est donner du sens, de la dignité à l’autre. Le premier degré de la spiritualité, c’est le regard d’un soignant sur un humain, qui vous regarde comme soignant. » Pour Nadine Davous, endocrinologue et présidente de l’Espace de réflexion éthique de l’hôpital de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, il n’est pas de soin sans spiritualité. Une conviction partagée par Angèle Marcerou, IDE référente douleur à l’hôpital Joseph-Ducuing, à Toulouse. Pour cette chargée d’enseignement en DU de soins palliatifs, une chose est certaine : « Je crois que c’est impossible d’être soignant si on n’a pas un élan vers l’autre. C’est quelque chose de très puissant que nous avons en nous. »
Valérie Floucaud, infirmière en soins intensifs d’hématologie à l’Institut universitaire de cancérologie de Toulouse, va plus loin avec son projet visant à démontrer l’efficacité d’entretiens infirmiers dans la prise en charge spirituelle des patients. Elle a pour cela intégré un groupe de recherche transdisciplinaire comprenant un psychiatre, un médecin épidémiologiste, une philosophe, un sociologue et un théologien. Afin d’aborder la spiritualité dans son sens le plus large, ce groupe est parti d’un questionnement. « Un membre du groupe avait été concerné lui-même par le cancer, explique l’IDE. Il a observé que ceux qui n’avaient pas de confession particulière étaient livrés à eux-mêmes, dans une pérégrination, voire une errance spirituelle, sans forcément mettre de mots sur cela. Ils ne pouvaient être aidés dans ce questionnement. » Même si les aumôniers des hôpitaux peuvent accompagner ces patients sans confession particulière, ceux-ci se montrent souvent réticents face à une religion dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Le groupe de travail est parvenu à définir la spiritualité comme une démarche cognitive se caractérisant par la recherche d’un sens et d’un but pour son existence. Cette recherche de sens peut être fondée sur des croyances religieuses ou non, sur une attitude philosophique, morale, artistique, scientifique. Elle participe du développement de chaque être humain. « Dans notre service, explique Valérie Floucaud, les patients sont en hospitalisation longue, qui occasionne un remaniement intense de la personne, dans son intériorité. À l’hôpital, où l’on se concentre sur la prise en charge clinique, ces questionnements se posent de manière relativement clandestine. Pourtant, le soignant demeure au cœur de l’épreuve de la souffrance de la maladie et du désir de vivre du patient. » Pour cette jeune professionnelle, une écoute infirmière active peut offrir un appui solide pour aider le patient à découvrir qui il est, donner du sens à ce qu’il traverse, définir ses valeurs propres, qui lui permettront de se relever de son épreuve. Des entretiens qui présentent l’originalité de poser l’infirmière comme interlocutrice permettant au patient de dégager son système de valeurs.
Angèle Marcerou mobilise, elle, régulièrement la dimension spirituelle de ses patients, lors de séances d’hypnose : « Je leur demande quelles sont leurs ressources, sur quoi ils s’appuient, ce qui fait leur force. Dans certaines situations, je peux m’appuyer dessus. On s’aperçoit qu’à l’intérieur des personnes se trouve une multitude de fils dorés qui tissent une trame sur laquelle elles s’appuient. Dans cette trame, la religion peut être très importante ou pas du tout. Je me sers de cette trame dans son ensemble. » À l’inverse, certaines convictions spirituelles peuvent avoir un effet négatif sur un patient, s’il est persuadé d’être touché par la maladie par condamnation divine ou à cause d’un envoûtement. Il peut s’agir alors pour le soignant de faire venir un marabout, d’organiser une rencontre avec un anthropologue ou de se mettre en contact avec un aumônier de l’hôpital afin qu’il puisse apaiser de grandes angoisses religieuses.