L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Hélène Collau  

Le point commun entre VIH, chirurgie ambulatoire et maladies rares ? Pour chaque situation, le patient devra vivre sa maladie ou les suites opératoires hors du milieu hospitalier. Il doit donc disposer d'informations claires pour réagir en cas de problème.

Si le droit des patients à disposer d’informations sur sa maladie et son parcours de soins est clairement affirmé et encadré par la Haute Autorité de santé (HAS), il est des situations où le rôle d’information des infirmières est particulièrement important. En effet, les patients bénéficiant d’une prise en charge ville-hôpital nécessitent une attention accrue, en cela ils doivent savoir comment réagir vis-à-vis de leur maladie quand ils sont en dehors de l’établissement de soins. L’équipe paramédicale comme médicale porte, dans ce cas, une lourde responsabilité. Le tribunal administratif de Rouen a ainsi estimé en 2014, dans le cas d’un patient ayant souffert de complications après une intervention effectuée en chirurgie ambulatoire, que « l’absence d’information suffisante du patient, après que l’intervention a été effectuée, sur les signes devant l’alerter sur de possibles complications, constitue un manquement, en particulier dans le cas d’une opération en ambulatoire où la courte durée de son séjour, sans suivi au sein même de l’établissement de santé, doit s’accompagner d’explications plus précises sur la marche à suivre en cas d’apparition de symptômes au retour dans le foyer le jour même de l’intervention ».

Chirurgie ambulatoire : assurer la fluidité du parcours

Une information exhaustive du patient en un temps relativement limité constitue en effet un enjeu majeur de la chirurgie ambulatoire. « La principale différence avec la chirurgie classique est que l’infirmière est la vraie coordinatrice de la journée, explique Pauline Mons, IDE en chirurgie ambulatoire à l’Institut Curie (Paris). Il faut briefer très précisément le patient, seule garantie de la fluidité des opérations. Il faut aussi être au top sur l’éducation thérapeutique. Un curage axillaire implique de la kiné à la maison. Souvent, le kinésithérapeute ne peut pas s’en charger : c’est donc l’infirmière qui explique quels mouvements exécuter ou, au contraire, éviter. »

→ Le parcours type commence par une consultation avec le chirurgien, qui vérifie que les critères d’admissibilité sont bien remplis.

→ Puis se tient l’entretien infirmier. Les soignantes récapitulent alors le but de l’intervention, décrivent tout le parcours que le patient devra effectuer le jour J. Elles expliquent comment il devra se préparer la veille : observer un jeûne, prendre ou non son traitement habituel, apporter un soutien-gorge spécial pour les opérations du sein, des chaussons pour se rendre au bloc, apporter ses papiers. « Puis on rappelle les consignes préopératoires de base : prendre une douche le matin même, ne pas porter de vernis à ongles ni de bijoux. Ensuite, on fait visiter le service pour que le patient ne soit pas perdu en arrivant le jour de l’intervention, poursuit Pauline Mons. À 7 h 30, il n’y aura personne pour lui donner des indications ! »

→ Cette consultation infirmière a lieu une semaine à deux jours avant l’intervention. D’une durée moyenne de trente minutes, elle peut être allongée ou raccourcie en fonction des demandes du patient. Les accompagnants posent aussi des questions pratiques : qu’auront-ils à faire à la maison ? Quand les résultats définitifs seront-ils connus ? Les infirmières répondent dans la mesure du possible. « La consultation est guidée par le patient : on juge ce qu’on doit lui dire ou non en fonction de son niveau d’information préalable, détaille Pauline Mons. Sinon, les informations postopératoires et la surveillance sont les mêmes qu’en chirurgie conventionnelle. »

→ Le jour J, une infirmière reçoit le patient et lui explique le déroulé de la journée. Qu’il faudra descendre à pied au bloc, que l’opération durera de quarante minutes à une heure, suivie d’une heure trente à deux heures en salle de réveil. Après la remontée dans le service, l’infirmière remet le compte-rendu d’intervention. Ensuite, au moment de refaire le pansement, l’infirmière « montre la cicatrice et explique la marche à suivre, reprend Pauline Mons. La douche au savon, le port d’une brassière de sport jour et nuit pendant un mois pour éviter la douleur et les hématomes… On explique qu’il faut bien prendre les antalgiques pendant quarante-huit heures, le temps que l’anesthésie s’élimine. On donne ensuite au patient une fiche récapitulant les conseils de sortie. Sur cette pochette de sortie figurent aussi les numéros à joindre en cas de problème (l’interne en chirurgie ou le service de consultations externes). On ne donne pas de consignes particulières de surveillance à l’accompagnant. Certains veulent en faire trop alors qu’ils doivent juste être là. Ils peuvent éventuellement repérer un problème respiratoire ou un malaise vagal. On leur dit qui appeler dans ce cas. »

→ Le lendemain de l’intervention, une infirmière rappelle le patient et déroule un questionnaire préétabli pour s’enquérir des suites éventuelles de l’anesthésie (nausées, vomissements), évaluer la douleur… S’il y a un problème, le patient est renvoyé vers l’interne ou la consultation externe.

Maladies rares : être présent à chaque étape importante

Autre cas de prise en charge pour lequel il faut être particulièrement vigilant : celui des maladies rares. En effet, il s’agit souvent de maladies chroniques, dont les porteurs vont devoir passer toute leur vie en lien avec le monde médical, et dont les particularités sont peu connues du grand public. « Ce dont ont besoin ces patients, c’est juste d’une information claire et d’un temps médical pour la dispenser, tempère Gisèle Hoarau, coordinatrice paramédicale du pôle de cancérologie de La pitié-Salpêtrière (AP-HP), qui prend en charge des personnes atteintes d’affections rares, comme des myéloblastomes ou des tumeurs germinales. Or, dix ans après le premier Plan cancer qui encadrait le dispositif d’annonce, on est bien loin de le voir appliquer à 100 % ! »

→ Le moment du diagnostic est en effet primordial. « Une annonce mal faite, c’est de l’anxiété, des problèmes de croyance par rapport au traitement… Le patient peut rester dans la sidération et donc rencontrer des problèmes d’observance thérapeutique », assure Gisèle Hoarau.

→ Ensuite, l’équipe médicale et paramédicale doit veiller à dispenser des informations précises à chaque étape du parcours de soins : diagnostic, établissement du traitement, du plan de soins personnalisé, changement de thérapeutique (passage à la radiothérapie, chirurgie), rechute… Cela peut être réalisé dans le cadre de réunions cliniques pluridisciplinaires. Il est également important de bien informer le patient au moment d’une rémission. « Ce n’est pas évident d’arrêter de venir à l’hôpital, sortir de ce cocon présente des risques de désocialisation, de paupérisation… Il faut être bien préparé », insiste Gisèle Hoarau. Par ailleurs, la sortie est un moment où le patient peut se retrouver en difficulté par rapport à sa prise en charge : dans le cas d’une affection dermatologique rare, par exemple, effectuer les soins locaux peut être chronophage et très cher (en raison du coût des pansements). Il peut peiner à trouver des correspondants en ville : infirmières libérales, hospitalisation à domicile (HAD), centres d’accueil adaptés… Il est alors utile qu’une infirmière coordinatrice participe à l’élaboration d’un parcours de soins personnalisé.

→ C’est pourquoi la consultation médicale et paramédicale de sortie est cruciale (lire encadré p. 56). Elle permet d’apprendre au patient à gérer sa maladie de façon plus autonome : connaître les effets secondaires du traitement, apprendre à repérer les signes d’alerte et savoir qui appeler en cas de problème. « Sur ce point, il est impératif que les infirmières soient bien formées pour connaître ces signes d’alerte, explique Gisèle Hoarau. C’est également un devoir professionnel de mettre à jour ses connaissances par la formation continue. »

VIH : s’adapter aux attentes du patient

Les patients contaminés par le VIH, affection impliquant un traitement à vie et comportant un fort risque de transmission, doivent recevoir des informations complètes et précises. Mais il ne faut pas pour autant les inonder d’informations dès la découverte de la maladie. « Ce que l’on juge important n’est pas forcément ce qu’il a envie d’entendre à ce moment-là, assure Sylvie Parlier, IDE en éducation thérapeutique à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). Par exemple, je pense que connaître les éléments de physiopathologie de la maladie et les modalités d’action des antirétroviraux est essentiel, mais une personne sous le choc n’est pas forcément prête à les recevoir. » Le choix des informations que l’on dispense et le timing dépendent donc de l’évolution personnelle du patient. « Une jeune femme se demandera si elle peut faire un bébé ; un retraité qui souhaite retourner dans son pays d’origine voudra savoir comment faire avec son traitement… »

→ L’éducation thérapeutique commence avec un diagnostic éducatif, au cours duquel on balaie le champ de connaissances du patient, aux attentes duquel il faut s’intéresser. Puis, au fil des séances, on peut aborder des thèmes plus spécifiques : VIH et droits sociaux, VIH et sexualité, VIH et travail, modes de transmission(1)« Pour choisir les informations à donner en priorité, nous nous demandons ce qui pourrait constituer des freins à l’observance, explique Sylvie Parlier. Car le plus important est que le patient prenne son traitement, sans risque pour lui. »

→ Les questions « accessoires » sont souvent plus importantes qu’il n’y paraît, y compris pour garantir l’observance. « Dans le cheminement du patient vers l’acceptation de la maladie, les questionnements autour de la procréation, de la sexualité et des voyages sont souvent signes que l’on a de l’espoir, souligne Sylvie Parlier. Cela signifie aussi que le patient avance dans le processus de deuil quant au statut de séropositif. Certains mettent des années à poser des questions marquant une évolution dans leurs besoins, leurs désirs et leurs motivations (pyramide de Maslow). Un blocage en phase de déni peut mettre le patient en réel danger, le couper du circuit de soin. » L’objectif est de donner une autonomie aux personnes en leur apprenant, par exemple, quoi faire quand elles vomissent ou quand elles oublient leur traitement. Là-dessus, il ne faut pas être trop rigide mais coller au plus près à la vraie vie. Il faut donc qu’ils trouvent un horaire qui leur convient : un jeune qui sort le soir préférera peut-être prendre son traitement le matin. Il faut veiller à ne pas noyer le patient sous des informations qui ne vont pas lui servir car elles correspondent à des situations qu’il ne rencontre pas dans sa vie. Dans le but d’impliquer activement et d’autonomiser le patient (et/ou son entourage) afin qu’il devienne acteur de sa vie avec la maladie et améliore sa qualité de vie, l’éducateur doit aider le patient à identifier ses personnes ressources (proches, médecin traitant, pharmacien de quartier, etc.) et le guider dans un parcours de soin adapté (psychologue, addictologue, diététicienne…).

→ Pour ce qui est de l’entourage, il est fortement recommandé d’informer les partenaires sexuels. Des séances complètes peuvent être consacrées à la façon d’informer ses proches. Les patients qui le souhaitent peuvent venir avec leur conjoint ou leur famille afin de faire l’annonce avec les soignants. « À Saint-Louis, nous avons conçu une grille regroupant les différentes informations susceptibles d’intéresser le patient VIH », détaille Sylvie Parlier. Ce processus d’éducation thérapeutique dure au minimum six mois, avec trois séances. Au-delà, les patients peuvent revenir pour recevoir un soutien. « Souvent, ils sont de retour lorsqu’ils ont connu une petite période d’inobservance. L’important, c’est que le patient ne se sente jamais jugé. »

1- Des fiches thématiques sont disponibles sur le site www.actions-traitements.org.

CHIRURGIE AMBULATOIRE

Les préconisations de la HAS

Selon la Haute Autorité de santé, « le patient est l’acteur majeur de sa prise en charge ambulatoire. Aussi, une information claire, précoce et réitérée, à chaque étape de sa prise en charge, est indispensable. L’information à délivrer concerne les mesures à prendre en préopératoire (notamment le jeûne, la gestion des traitements et les exigences liées aux différentes techniques d’anesthésie) et en postopératoire (conditions de sortie, nécessité d’être accompagné par un tiers pour le retour au lieu de résidence, consignes liées aux suites éventuelles de la prise en charge, méthodes d’analgésie postopératoires, modes de recours en cas d’événements non prévus). Les modalités de sortie doivent également être expliquées aux accompagnants. »

HAS, « La chirurgie ambulatoire en 12 questions (http://bit.ly/1JrnxhT)

LIEN VILLE-HÔPITAL

La consultation de sortie

Pour les pathologies impliquant un lien ville-hôpital, il est capital de ne pas expédier la consultation de sortie, dernière occasion de poser toutes les questions utiles à la suite de la prise en charge. C'est le moment de donner des conseils pratiques, par exemple comment gérer la fatigue… « Idéalement, toutes les annonces sont faites par le médecin au pied du lit puis reprises par l'infirmière, explique Gisèle Hoarau, coordinatrice paramédicale du pôle de cancérologie de La pitié-Salpêtrière. Il faudrait également une consultation paramédicale systématique pour vérifier que le patient a bien compris les recommandations et, le cas échéant, modifié ses habitudes de vie. Enfin, il est important qu'ils prennent rendez-vous avec le médecin du travail avant de reprendre leur vie professionnelle. » En chirurgie ambulatoire, il faut faire d'autant plus attention que tout s'est déroulé très vite pour le patient. « D’après les questionnaires de satisfaction, ils trouvent souvent que les conseils de sortie ne sont pas assez clairs, même si on leur a tout expliqué correctement, déplore Pauline Mons, IDE en chirurgie ambulatoire à l'Institut Curie. Mais cela tient peut-être à leur état à ce moment de la journée, ils sont fatigués et parfois peu réceptifs. Il est important de prendre le temps de leur réexpliquer ce qu'ils n'ont pas compris. »