Stéphane Moiroux Infirmier en EMS dans le canton de Genève et membre du comité de rédaction de L’Infirmière magazine
EXPRESSION LIBRE
Qualité est un terme qui s’impose de plus en plus dans notre quotidien de soignants. Souvent introduit par les instances administratives, le concept de qualité rebute autant qu’il effraie les équipes de terrain. Pourtant, chaque jour, personne ne peut nier la recherche de qualité dans nos pratiques. Cette notion est apparue il y a près de 150 ans dans la sidérurgie sous l’influence d’un certain Taylor. L’idée d’alors est de cibler une augmentation de la productivité. Optimiser au mieux les personnes et les étapes de la production afin d’en dégager le meilleur… Bien entendu pour l’époque, au détriment de l’humain. Aujourd’hui appliquée (et ayant tout de même quelque peu évoluée depuis) aux institutions de soin, l’idée de qualité est contemporaine des coupes budgétaires et réajustements par le bas de l’organisation hospitalière. Il n’est dès lors pas étonnant que la qualité traîne lourdement ses casseroles derrière elle.
Voilà, où j’en suis de mes réflexions, lorsque l’on me propose de m’intéresser à la démarche qualité de mon Ephad. Je vous laisse deviner avec quel entrain j’accueille cette nouvelle fonction. Depuis, ma perception a changé, et cela sans trop savoir encore si le système a fini par me pervertir ou si j’en suis arrivé à m’en différencier en tentant d’en extraire une approche humaniste. Parce qu’étonnamment, l’humanité, c’est bien ce que j’essaie d’y ?trouver. Au fil des rencontres et formations, il m’est apparu en effet que ces concepts barbares de démarche qualité, groupes incidents et autres velléités administratives avaient tout de même un intérêt, et non pas des moindres : réinscrire l’humain au cœur de la chaîne de soin. Je m’explique. Autour de la norme, du chemin tout tracé et rectiligne du processus de soin, l’humain, avec ses qualités et défauts, est parfois vu comme le grain de sable qui fait tout capoter, mais surtout comme le petit plus qui va différencier une approche d’une autre. Depuis, il me semble bien ne pas trop me tromper. La démarche qualité, en s’inscrivant dans mes pratiques, m’amène à reconsidérer l’idée que je me faisais de l’attention portée à l’autre. Ainsi, je ne conçois plus l’attention au patient comme dépendante du professionnalisme ou même de l’exception de l’un ou l’autre des soignants. Cette attention serait plutôt inscrite dans une tendance à nous tous, équipe de soin, à converger vers un mieux ensemble. Ce mieux ensemble pose alors la notion de globalité, une globalité visant le résidant bien sûr, mais aussi (et c’est peut-être là que la différence se fait) l’attention portée à nos proches, à nos collègues, à notre institution et à nous-même. L’individualité de chacun, soignants ou patients, s’en trouve alors protégée par les uns et les autres au cœur de ce concept de qualité. Ainsi, au sein de mon humble institution, nous en arrivons tous, d’une certaine manière, à nous sentir appartenir à une sorte de « grand tout », parfois faillible, mais si souvent magnifique.