L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

SÉVERINE CHARON  

Depuis le 1er janvier 2016, toute entreprise privée doit proposer une couverture complémentaire santé à ses salariés. Une mesure qui touche largement la santé.

Tous les employeurs, à l’exception de ceux du secteur public, ont désormais l’obligation de proposer une assurance santé complémentaire, qu’on appelle communément « mutuelle d’entreprise », à tous leurs salarié. Cette obligation a été instituée par l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 13 janvier 2013 et s’applique depuis le 1er janvier 2016.

Un panier minimum

• Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, sont soumises à cette obligation. L’employeur doit prendre en charge au moins 50 % de la cotisation afférente à la couverture du salarié. L’obligation ne concerne que le salarié : la mutuelle ne doit pas forcément prendre en charge les enfants ou le conjoint.

• La mutuelle doit comporter un socle de garanties minimales défini par décret. C’est le panier minimum ANI qui prévoit :

- le remboursement de l’intégralité du ticket modérateur pour les consultations et les actes et prestations remboursables par l’Assurance maladie obligatoire, soit la part des dépenses de santé qui n’est pas remboursée par l’Assurance maladie. En 2015, par exemple, chez le médecin généraliste, le montant du ticket modérateur est de 6,90 €, soit une participation de 30 % sur le tarif conventionnel d’une consultation (23 €) ;

- la prise en charge du forfait journalier hospitalier, soit 18 € par jour en hôpital ou en clinique, sans limitation de durée ;

- un forfait pour les équipements optiques, qui varie de 100 à 200 € selon la complexité des verres correcteurs, payable tous les deux ans si la vue ne bouge pas.

Négociations par branche

• Le secteur de la santé est très concerné par la généralisation de la complémentaire santé : jusqu’ici, nombre d’établissements ne proposaient pas de mutuelle, à l’image de Korian et Médica. « Dans le cadre de la fusion des deux entités, alors que seuls 35 % des établissements étaient couverts par des régimes complémentaires de frais de santé, la complémentaire santé va constituer le premier acte concret d’alignement social pour tous les salariés de Korian France », explique Laurent Huez, directeur des relations sociales du groupe Korian.

• Dans certaines branches, des négociations ont abouti à la signature d’un accord qui définit une couverture santé minimum meilleure que le panier ANI. Un tel accord vient alors modifier la convention collective nationale (CCN) et s’applique à toutes les entreprises de la branche. C’est le cas pour les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (CCN 66) et les établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde (CCN 51, voir tableau ci-dessous).

• « Peu de branches de notre secteur avaient déjà un système conventionnel. Le simple fait d’avoir négocié et d’être parvenus à un accord est une bonne chose. À l’issue de ces accords quinquennaux, nous pourrons renégocier, espère Sophie Perdriau, secrétaire fédérale à la CFDT Santé sociaux. Dans tous les accords signés, des assureurs sont recommandés, et il est donc prévu que 2 % des cotisations soient versés à un fonds social dédié. Ce fonds va permettre de financer à la fois des aides ponctuelles aux salariés en difficulté et des actions de prévention santé. »

• Les branches de l’hospitalisation privée, des cabinets médicaux et des laboratoires de biologie médicale n’ont, elles, pas signé d’accord et sont donc soumises uniquement aux obligations de l’ANI.

15 € par mois par salarié

• Le coût pour des garanties du panier minimum ANI est de l’ordre d’une trentaine d’euros mensuels, également partagé entre employeur et salarié. Si les garanties sont plus importantes, la cotisation augmente, mais l’employeur doit toujours en prendre en charge au moins 50 %.

• L’employeur propose souvent de souscrire à des options facultatives. Elles permettent d’inclure ses ayants droit, mais aussi d’améliorer certains remboursements (optique, dentaire, médecine douce…). Leur coût est en revanche totalement à votre charge.

• En règle générale, la moitié de la cotisation liée à la partie obligatoire est prélevée sur le salaire et le total figure en charges sociales sur la fiche de paye. Le coût des options, intégralement à votre charge, est prélevé sur le compte bancaire personnel.

Dispenses d’adhésion

• En théorie, les contrats collectifs proposés par les entreprises sont obligatoires. En pratique, il existe des dispenses d’adhésion. « Le salarié qui peut bénéficier d’une dispense d’adhésion à la mise en place du régime doit le faire par écrit. À défaut, son entreprise le fera adhérer à la couverture de base proposée », explique Gaëlle Le Dantec, du Crédit agricole assurances.

• Variant sensiblement en fonction de la convention collective, les cas de dispense d’affiliation sont multiples :

- si le contrat a été mis en place par décision unilatérale de l’employeur, un cas fréquent dans le secteur hospitalier (voir interview ci-contre) ;

- si vous étiez déjà couvert par une assurance individuelle frais de santé à la date de mise en place du contrat collectif obligatoire le 1er janvier 2016, ou, si vous êtes couvert par une assurance individuelle quand vous êtes embauché, vous pouvez choisir de conserver le contrat individuel jusqu’à son échéance. Il faudra transmettre un justificatif à votre employeur ;

- si vous êtes bénéficiaire de la couverture complémentaire maladie universelle (CMU-C) ou de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) ;

- si vous êtes en contrat à durée déterminée ou si vous exercez votre activité à temps partiel. Attention, la durée du contrat au-delà de laquelle l’affiliation devient obligatoire varie selon les branches et les entreprises. Si vous n’adhérez pas à la mutuelle d’entreprise, il sera possible que vous puissiez bénéficier d’un « chèque santé » versé par votre employeur. Sur ce point, il faut se référer aux documents transmis par votre em?ployeur ;

- si vous bénéficiez, en tant qu’ayant droit, d’une couverture collective par l’intermédiaire de votre conjoint. Il faudra le justifier annuellement.

• En cas de doute, mieux vaut bien sûr se renseigner auprès de la DRH ou des représentants du personnel.

Peut-on changer d’avis ?

• Si vous avez souscrit à la mutuelle, impossible de revenir en arrière. En revanche, si vous avez refusé au départ la mutuelle obligatoire, il est possible d’y adhérer par la suite.

• Pour les options, c’est différent. Un changement de la situation de famille (mariage, naissance, séparation…), permet de souscrire des options pour inclure de nouvelles personnes protégées. Sinon, il est en général possible de changer de choix à la date anniversaire du contrat, c’est à dire le 1er janvier, sous certaines conditions. « Il existe des règles de montées et de descente en gamme. Le plus souvent, le salarié doit rester deux ans dans le même régime, sauf en cas de changement de situation de famille », indique Gaëlle Ledantec.

Portabilité des garanties

• Si votre contrat de travail a fait l’objet d’une rupture pour un motif autre que la faute lourde, que la cessation de ce contrat vous ouvre des droits au chômage, et que vous avez travaillé au moins un mois chez votre employeur, vous pourrez bénéficier de la mutuelle gratuite pendant une durée qui varie en fonction de la période où on a travaillé (et donc cotisé) avant la fin du contrat et qui peut aller jusqu’à 12 mois. Si bien sûr vous y aviez adhéré.

SAVOIR PLUS

→ L’Assurance maladie pour comprendre la signification des tableaux de garantie des mutuelles http://bit.ly/1R8Jn1n

→ Le site de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire www.unocam.fr

→ Les conventions collectives : CCN 51 (http://bit.ly/1pDar9R) et CCN 66 (http://bit.ly/1kHEZIl)

INTERVIEW

JULIEN FILLAUD DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MUTUELLE CONSEIL

Un salarié peut-il refuser la mutuelle de l’employeur ?

• Tout dépend de la manière dont elle a été mise en place. Dans le cas d’une décision unilatérale de l’employeur (DUE), où ni les instances représentatives du personnel ni les salariés n’ont été consultés, les salariés présents dans l’entreprise au moment de sa mise en place peuvent la refuser. De même, tous les collaborateurs en contrat à durée indéterminée, déjà couverts par une mutuelle individuelle, au moment de la mise en place du contrat, peuvent refuser de souscrire. Il suffit d’invoquer le bénéfice des dispositions de l’article 11 de la loi Evin.

En revanche, si les salariés ont été consultés par référendum, ou si un accord a été signé avec les instances représentatives du personnel, la situation est différente. Le salarié ne peut refuser la mutuelle que dans des cas de dispense expressément prévus par l’entreprise, et qui doivent être détaillés dans les documents transmis par l’employeur. Pour schématiser, la dispense d’adhésion concerne surtout les salariés déjà couverts par la complémentaire santé de leur conjoint, ceux qui sont en CDD, et ceux qui exercent à temps très partiel. Dans tous les cas, une demande de dispense d’adhésion sera faite par écrit par le salarié.

Comment savoir s’il vaut mieux accepter ou refuser la mutuelle de l’entreprise ?

• Il faut déterminer ses propres besoins : lunettes, soins dentaires ou orthodontie, prise en charge de dépassements d’honoraires… Ensuite, il faut comparer entre sa mutuelle actuelle et celle de l’entreprise. Les tableaux de garantie, qui reprennent les remboursements sur les différents postes de dépenses sont compliqués à lire, mais se ressemblent entre eux. Il y aura toujours un contrat plus couvrant pour le même prix ou moins cher pour les mêmes garanties.

Comment résilier son contrat individuel quand on accepte la mutuelle d’entreprise ?

• En règle générale, une mutuelle peut se résilier deux mois avant et quarante jours après la date anniversaire. Quand la mutuelle individuelle est résiliée pour un contrat collectif obligatoire, il suffit d’envoyer pour résilier le justificatif qui prouve l’adhésion au contrat collectif obligatoire.