Les 159 établissements engagés dans le Programme national de gestion des lits, initié en 2013 pour désengorger les urgences, arrivent au bout du processus. Mais ce n’est que le début pour les soignants, indissociables de cette réorganisation.
Aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer la gestion des lits dans un établissement, un sujet totalement tabou il y a deux ans. Plus personne ne peut dire qu’il n’y a pas de solution », s’est félicité Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière, lors de la journée « Bilan et perspectives du Programme national de gestion des lits », organisée en novembre dernier par l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap). En effet, selon l’agence, cette réorganisation lancée en octobre 2013 à l’initiative de la ministre de la Santé dans le but de désengorger les services d’urgences est un succès. « Nous avons changé l’état d’esprit de l’hospitalisation », assure Pierre Carli. Du moins dans les 159 établissements volontaires… Pendant dix-huit mois, l’Anap a accompagné les binômes médico-soignants en charge du projet dans chaque hôpital. En tout, 573 lits d’hospitalisation conventionnelle ont été adaptés ou transformés. Dans le même temps, l’indice de performance des durées moyennes de séjour s’est amélioré de 1,7 % en chirurgie et de 0,8 % en médecine ; le taux de transfert des urgences vers un établissement extérieur a, lui, baissé de 25,6 %. Pour un coût plutôt modique : 12 000 € par établissement. « Ce que vous avez fait, on l’avait pensé. Vous, vous l’avez fait, établissement par établissement, service par service, presque lit par lit », a lancé Pierre Carli aux équipes. En effet, ces résultats sont le fruit d’un minutieux travail de terrain.
Tout d’abord, les établissements ont réalisé quatre mois de diagnostic
Comment les soignantes vivent-elles ces changements dans leurs habitudes de travail ? « Le programme a plutôt reçu un bon accueil dans les unités, même si au départ, il y avait un peu de réticence : ce n’est pas facile quand quelqu’un d’extérieur vient vous expliquer votre travail, reconnaît Georges Gleizes. Mais in fine, le fait même d’être observé pousse à s’impliquer davantage. Par ailleurs, grâce à la plate-forme opérationnelle de sortie, les soignantes qui travaillent dans les unités disposent désormais d’un recours en cas de problème ! » Tous les établissements soulignent l’importance de la communication auprès des équipes soignantes, qui doivent adhérer au projet. Pour cela, le CH de Beauvais (Oise) a mis l’accent sur l’écoute de leurs besoins. « Avec la création de l’unité de médecine polyvalente, il y avait beaucoup plus d’entrées, de sorties, de ménage, explique Valérie Prudhomme, cadre de santé. Tous les membres du personnel ont été touchés. J’ai donc mis en place un tableau afin que les agents déposent des fiches idées pour améliorer la qualité de vie au travail et la qualité de soins pour les patients. » Car la meilleure motivation reste l’amélioration des conditions de travail attendue de la nouvelle organisation. « La mayonnaise prend tout doucement, indique Bruno Avril. Comme les bed managers travaillent de 8 heures à 22 heures, les soignants passent encore un peu de temps à chercher des lits la nuit ; mais en journée, ce n’est plus du tout une préoccupation. »
« Les établissements ont évalué qu’avant le programme, le temps passé à la recherche de lits correspondait à 2 à 12 ETP, explique Christine Kiener. Les actions organisationnelles vont forcément déboucher sur davantage d’efficience, donc davantage de temps passé au lit du patient pour les soignants. » Si rien ne vient gripper cette belle machinerie… « Il faudra voir comment cette organisation vivra dans le temps, pointe une membre du Syndicat national des professionnels infirmiers. Au début, tout le monde s’y met, donc ça fonctionne : dans notre établissement, le programme a permis une augmentation d’activité. Mais déjà, on commence à voir des gestionnaires qui ne déclarent pas tous leurs lits disponibles, que ce soit pour ne pas surcharger leurs équipes ou pour ne pas accueillir des patients en situation précaire… » La vigilance reste donc de mise. Pour ne pas voir le soufflé retomber, certains établissement ont d’ores et déjà décidé de continuer à échanger sur leurs expériences. Ils seront désormais épaulés par les ARS, qui prennent le relais de l’Anap dans leurs régions.
1- Pour ceux qui souhaitent s’engager dans cette démarche, les outils sont téléchargeables sur le site de l’Anap.
D’après l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), 96 % des établissements participants ont choisi de travailler sur la sortie des patients le matin. « Certains ont décidé de réaliser 20 % de sorties le matin, d’autres 30 %, selon ce qui fonctionne le mieux pour eux », explique Christine Kiener, directrice des soins et responsable du programme à l’Anap. 85 % ont travaillé sur la programmation (réservation du bloc, prévision des durées de séjour…). Certains ont aussi décidé d’améliorer la visualisation des lits : « Lors du diagnostic, ils se sont rendu compte que les soignants ne connaissaient pas le nombre de lits installés, rapporte Christine Kiener. Or, en cas d’afflux massif, il est essentiel de savoir où ils se situent. Et si un service manque de place, il faut savoir où en trouver, afin de limiter les transferts. » Les établissements ont par ailleurs travaillé sur les ajustements capacitaires, car le diagnostic a permis de constater un taux d’occupation faible dans certains services et élévé dans d’autres. Enfin, 46 % ont réfléchi à une gestion centralisée des lits.