L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

CÉCILE BOURSEILLER CADRE DE SANTÉ À L’HÔPITAL MAISON BLANCHE, PARIS

FORMATION

L’ESSENTIEL

Corinne Drault  

À l’hôpital Maison blanche, spécialisé en psychiatrie, l’une des principales missions de Cécile Bourseiller, cadre de santé, est d’informer les patients sur leur modalité de soins, leur droit, leur prise en charge ainsi que les modalités de voies de recours.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Quelles sont les différentes modalités de soins possibles dans votre établissement ?

CÉCILE BOURSEILLER : Nous accueillons à la fois des personnes en hospitalisation libre, c’est à dire hospitalisées pour des troubles mentaux avec leur consentement, et des personnes hospitalisées sous contrainte. Ces dernières représentent la grande majorité des cas. Il existe trois modalités de prise en charge sans consentement : les soins psychiatriques à la demande d’un tiers (membre de la famille, tuteur…), en urgence ou non ; les soins psychiatriques en cas de péril imminent sans tiers ; les soins psychiatriques sur décision du représentant de l’état au vu d’un certificat médical émanant d’un médecin extérieur à l’établissement. Quelle que soit la mesure, le patient reste un citoyen à part entière malgré la privation de sa liberté de circuler.

L’I. M. : En quoi consiste l’information du patient qui vient d’arriver dans votre structure ?

C. B. : D’abord, l’information consiste à faire prendre conscience à la personne qu’elle n’est pas dans un hôpitaltraditionnel, mais dans un établissement psychiatrique. Il nous faut alors travailler sur le terme « psychiatrique » qui renvoie à des représentations sociétales, à la notion de folie. Imaginez ce que peut représenter la psychiatrie pour quelqu’un de dépressif ! Leur première réaction est de dire : « Non, je ne suis pas fou ! » Mon rôle à ce stade est de dédramatiser, de rassurer et de percevoircomment l’annonce est comprise par la personne. Ensuite, je leur présente le livret d’accueil, leur droits et devoirs au sein de l’établissement. Si l’hospitalisation est sous contrainte, je suis en charge de leur annoncer, de leur expliquer ce qui va se passer, et de leur faire signer différents papiers administratifs prouvant au juge des libertés et de la détention (JLD) que le patient a reçu l’information. J’informe également tous les patients sur les moyens de recours possibles en cas de désaccord avec la mesure sous contrainte ou avec l’institution par l’intermédiaire de la commission des relations avec les usagers de la qualité et de la prise en charge.

L’I. M. : La mesure de soins sans consentement, qui représente une restriction des libertés pour le patient, est-elle légale ?

C. B. : La loi du 5 juillet 2011 et celle du 29 septembre 2013 ont créé une période obligatoire de soins et d’observation en hospitalisation complète de 72 heures maximum. Le médecin en charge du patient doit produire des certificats médicaux pour justifier la nécessité de poursuivre les soins. Ensuite, en fonction de l’état de santé du patient, une hospitalisation, un programme de soin ou une sortie peuvent être décidées. La loi prévoit un contrôle systématique par un JLD avant 15 jours et tous les 6 mois pour les hospitalisations complètes sans consentement. Le patient sera alors auditionné par le JLD au tribunal de grande instance, si son état le permet ; il peut être assisté ou représenté par un avocat. Le patient peut alors s’exprimer, présenter ses observations sur la mesure le concernant. Il est accompagné dans cette démarche par un soignant qui ne prend pas parti à la décision. Le JLD valide ou non la mesure d’hospitalisation en cours. Le patient peut aussi choisir de ne pas se présenter à l’audience et rédigera un courrier pour le juge.

L’I. M. : Avant l’audience, l’idée n’est elle pas de faire changer d’avis le patient pour qu’il puisse être hospitalisé en soin libre ?

C. B. : Absolument. L’objectif premier est que le patient puisse comprendre que sa conscience lui fait défaut et qu’il reconnaît avoir besoin de soins.

Lorsque j’annonce la mesure sous contrainte, je fais attention à ce qui va être entenduet perçu par le patient. J’adapte mon discours à sa compréhension et n’utilise jamais de jargon hospitalier. L’annonce, ce n’est pas ce que l’on dit, mais comment on le dit. Je vais être à l’écoute, prendre le temps et surtout j’insiste sur le fait que je suis disponible pour revenir sur l’information, s’il le désire. Avec pour objectif que le patient soit le plus possible associé aux décisions et aux soins le concernant.

L’I.M. : Comment procédez-vous pour annoncer un diagnostic ?

C.B. : Nous nous laissons du temps et n’annonçons jamais un diagnostic brutalement. Nous commençons par demander au patient de nous faire part de sa symptomatologie. En reprenant les mots qu’il a utilisés pour décrire son trouble, nous lui indiquons à quoi cela correspond avec nos connaissances des maladies. Après nous insistons sur le fait qu’il s’agit effectivement de troubles handicapants, mais qui n’empêchent pas de vivre. Nous mettons l’accent sur l’importance du traitement et d’être en lien avec lui pour qu’il nous dise comment il se sent, si la maladie est vivable ou non, et s’il pense que nous pouvons l’aider. Nous annonçons toujours le diagnostic en faisant un parallèle avec des maladies somatiques connues comme le diabète. Comme les diabétiques qui suivent un traitement à vie, on peut être schizophrène, vivre, et travailler à condition de suivre un traitement. Il ne faut surtout pas avoir un discours négatif. La maladie mentale est angoissante par définition. Elle reste une épreuve, mais dans laquelle une vie est possible. L’annonce du diagnostic peut se faire en différente étape pour permettre au patient « le temps de l’acceptation ».

L’I. M. : Les patients ont-ils la possibilité de revenir sur cette annonce et poser des questions ?

C. B. : Oui, les patients ont de nombreuses occasions de rencontrer les soignants. En moyenne, le patient est vu tous les deux jours en entretien avec le médecin et une infirmière. Lorsque les traitements sont donnés, nous rappelons à quoi ils servent. Nous sommes dans une démarche éducative afin que le patient devienne acteur dans la prise en charge de sa maladie et que le temps d’hospitalisation puisse être le plus court possible. Si un patient refuse un traitement, on essaie de comprendre pourquoi. Est ce lié à des effets secondaires ? Selon sa réponse, nous ouvrons le débat pour l’inciter à dialoguer et, in fine, adhérer au traitement. Juridiquement, un patient sous mesure de contrainte est dans l’obligation de prendre le traitement. S’il refuse, nous passons à des médicaments sous forme injectable.

1- Les patients y sont adressés par les urgences de l’AP-HP, la Préfecture de police, le médecin traitant ou le Centre médico- psychologique (CMP).

FORMATION DES ESI

Les UE en lien avec l’information du patient

Références des UE et extraits de leur contenu :

→ UE 1.3.S1 (compétence 7) « Législation, éthique, déontologie : les concepts en philosophie et éthique » : l’exercice professionnel et la responsabilité, les droits des patients, la confidentialité et le secret professionnel (accès des documents, transmission d’information…)

→ UE 3.1.S1 (compétence 1) « Raisonnement et démarche clinique infirmière » : les opérations mentales du raisonnement clinique, le jugement et la démarche clinique infirmière ;

→ UE 3.1.S2 : le recueil de données cliniques, les méthodes et les outils de mesure de l’autonomie, les plans de soins types, les transmissions ciblées, dossier de soins, planification…

→ UE 3.2.S3 (compétence 2) « Projet de soins infirmiers » : continuité du projet de soins, outils de planification et la législation en vigueur (dossier de soins, chemins cliniques,…), traçabilité des soins, dossier de soins, transmissions

→ UE 4.2.S3 (compétence 6) « Soins relationnels » : les entretiens infirmiers, les réactions comportementales et leurs manifestations ; UE 4.2.S5 : la distance et la proximité dans la relation, la projection, l’identification…