L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

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Caroline Coq-Chodorge  

La justice a donné raison, sur la forme et sur le fond, à la CGT : le passage en 12 heures du service de réanimation de l’hôpital Tenon (AP-HP), jugé contraire à la loi, est annulé.

Le tribunal administratifde Paris persiste et signe : dans un jugement rendu le 21 décembre, il annule l’organi?sation du temps de travail en 12 heures du service de réanimation polyvalente de l’hôpital Tenon (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), mise en place en mai 2014. Fin 2013, le même tribunal annulait déjà, dans le même établissement, l’organisation en 12 heures du service de réanimation chirurgicale. En 2013 comme en 2015, le tribunal administratif a été saisi par la CGT de l’hôpital. « La direction a refusé d’appliquer la première décision de 2013, sur le prétexte que le service de réanimation chirurgicale n’existait plus, puisqu’il a été intégré au service de réanimation polyvalente, raconte le syndicaliste André Guisti. Nous avons fait un nouveau recours sur le fond. Le tribunal a reconnu la validité de nos arguments et rejeté ceux de l’AP-HP, c’est une victoire », se félicite-t-il.

Dialogue social en berne

La justice administrative s’appuie sur le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002, selon lequel « la durée quotidienne du travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit ». Une seule exception : « lorsque les contraintes de continuité du service public l’exigent en permanence ». Dans ce cadre, les journées en 12 heures sont longtemps restées cantonnées aux services d’urgences ou de maternité. Mais elles se développent aujourd’hui dans tous types de service.

Pour le service de réanimation de Tenon, le tribunal considère que les arguments de l’AP-HP – sur la nécessaire « continuité de la sécurité des soins », la meilleure « cohérence des temps médicaux et non médicaux », ou encore l’attractivité du service pour les personnels paramédicaux – ne justifient pas un passage en 12 heures. Il juge par ailleurs que les règles du dialogue social n’ont pas été respectées par l’AP-HP, puisque le comité technique d’établissement (CTE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n’ont pas été consultés.

Dans l’ensemble de l’hôpital public, les journées en 12 heures sont fragilisées : « Les syndicats de tous les hôpitaux peuvent désormais s’appuyer sur ce jugement pour contester un passage en 12 heures », assure André Guisti. Autre effet collatéral : le nouveau protocole d’accord sur le temps de travail à l’AP-HP, finalement signé avec la CFDT, après plusieurs mois de conflit social, pourrait également être attaqué en justice. Il prévoit, en effet, le développement des journées en 12 heures, le week-end, dans les services volontaires. L’AP-HP, qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview, a fait appel.