Une femme entre la vie et la mort. Rien ne nous dit ce qui lui est arrivé. Seul un dispositif médical la relie au monde. « Imperturbable, la machine égrène ses bips, la courbe verte déroule sans faiblir son parcours en dents de scie, aspirations, inspirations, diastoles, systoles, Dieu sait quoi d’autre. » Tous les soirs, son amant vient la retrouver. Il attend le départ du mari, s’installe dans la chambre d’hôpital, déroule un long monologue auquel la patiente semble prendre part à travers des dialogues imaginaires, des personnages qui lui ressemblent, des réminiscences de moments partagés. Chaque nuit, il tisse pour elle un écheveau de nouvelles, d’intrigues captivantes, de récits où se mêlent fiction et réalité. Sans jamais cesser de guetter une réaction. Marc raconte à son aimée une histoire par nuit, sans la terminer, pour la maintenir en vie, elle, Julia, son « endormie », celle avec qui la littérature fut un pacte d’amour avant même de s’aimer, « chacune de nos rencontres devait commencer par une histoire, (…) tel était le tarif du péage amoureux, le prix pour accéder à notre monde, celui où nous étions tous les deux seuls, et où nous ne devions rien à personne ». Entre les murs de l’hôpital, ce pacte devient un gage de survie, voire de résurrection. Le pouvoir thérapeutique de la littérature sous-tend ce roman de Jean-Marie Laclavetine. écrit dans un style haletant, aux frontières du thriller par moments, cet ouvrage est une réussite. Un maelström maîtrisé qui nous maintient sous perfusion d’anecdotes et dans l’attente inquiète de savoir si cette mise en abîme narrative délivrera enfin Julia de son coma.
Et j’ai su que ce trésor était pour moi, Jean-Marie Laclavetine, éd. Gallimard, 19 €