L'infirmière Magazine n° 369 du 01/03/2016

 

HÔPITAL

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Anne-Lise Favier  

Fin janvier, l’Espace de réflexion éthique régional (Erer) du Nord-Pas-de-Calais a organisé un colloque à Lille sur le thème de « L’hôpital, la nuit : dans le halo du soin ».

Rarement abordé, hormis par la médecine du travail, le travail de nuit amène à la question de la responsabilité et de la manière dont le patient est pris en charge. Le travail de nuit est-il différent de celui mené le jour ? Consiste-t-il en un véritable travail ou s’apparente-t-il à une garde améliorée ? Pour les soignants concernés, la réponse est sans appel : le travail de nuit, même s’il diffère du travail de jour, est complémentaire de ce dernier, indispensable à la permanence et la continuité des soins. Une enquête menée par l’Erer (voir encadré) montre, d’ailleurs, qu’il n’est pas perçu comme une contrainte par le personnel soignant, mais un choix. Pour autant, ce travail de nuit soulève quelques questions : d’une part par ceux qui sont concernés et qui s’interrogent sur leurs pratiques, et, d’autre part, par ceux qui ne le connaissent pas et l’apparentent à une simple veille. Pourtant, pour Valérie Sneck, cadre de santé au CHRU de Lille, « quand on travaille en nocturne, c’est disposer de plus d’autonomie et avoir une vision plus globale de l’hôpital ».

Les sens en éveil

Des problèmes inédits surgissent, tant au niveau de la sécurité que du matériel ; l’effectif restreint des équipes oblige ceux qui sont présents à mettre en avant leurs compétences. « La nuit, chacun est une ressource, estime Valérie Sneck. En l’absence d’un médecin, les compétences se resserrent. Aides-soignantes et infirmières travaillent en binôme en parfaite complémentarité et il n’est pas rare que des agents se rendent disponibles pour donner un coup de main logistique. » Néanmoins, le travail de nuit « ne va pas forcément de soi ». Marion Gleizes, infirmière de jour en cardiologie à Lille travaillant occasionnellement de nuit, en témoigne : « Rien ne me stresse plus que le travail de nuit. Peu à peu, les visites se terminent, le personnel de jour quitte l’hôpital après avoir fait les transmissions et les lumières des couloirs se tamisent. Le moindre bruit prend une dimension presque dramatique. Tous les sens sont en éveil, mais on se rend aussi compte à quel point le corps n’est pas fait pour travailler la nuit. »

C’est pourtant le choix que Michèle Finez, infirmière de nuit au CHRU de Lille, a fait depuis de nombreuses années, insistant quant à elle sur la relation privilégiée qui s’instaure avec les patients et sur l’absence de certaines contraintes propres à la journée : « La nuit, on ne pratique pas d’examens complémentaires, et par un raccourci malheureux, on en déduit que ce travail est donc d’une moindre importance. »

Reste à savoir ce qu’en pensent les patients, qui n’ont fait l’objet d’aucune communication dans ce colloque, mais dont le ressenti a été évoqué par Marie Cauli, anthropologue et modératrice de cette journée : « La nuit est souvent perçue comme menaçante et l’imagination du patient s’ouvre à toutes sortes de dangers, douleurs, pensées et soucis ». Les soignants sont là pour les apaiser.

ENQUÊTE

Un choix pour 62 % des soignants

L’Erer Nord-Pas-de-Calais a mené, en juin dernier, une enquête de perception sur le travail de nuit. 283 personnes issues des CH de Lille, Arras, Roubaix et du Littoral y ont répondu, dont une majorité de femmes, la plupart IDE ou AS. Parmi elles, 61 % travaillent de manière permanente la nuit et un tiers alterne jour et nuit.

→ Le travail de nuit est volontaire dans 62 % des cas, pour raisons familiales ou professionnelles, l’aspect financier n’étant que rarement invoqué.

→ Concernant les avantages perçus, c’est la convivialité au sein de l’équipe qui est le plus souvent évoquée, à laquelle s’ajoutent l’autonomie et la responsabilité ressenties ainsi que la solidarité entre professionnels.

→ Côté inconvénients, la pénibilité et le manque de reconnaissance sont le plus souvent cités. Pour autant, 56 % d’entre eux n’envisagent pas de revenir de jour, preuve de leur attachement à ce rythme de travail.

→ Une majorité des sondés considèrent les travailleurs de nuit comme de véritables soignants, même si un tiers leur oppose un rôle de simples veilleurs, ce qui montre que l’image du travail de nuit pâtit encore d’une certaine méconnaissance des tâches.