L'infirmière Magazine n° 369 du 01/03/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

Gilles Devers  

Un décret publié le 5 novembre 2015 améliore les conditions d’emploi et les modalités de recrutement des agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Décryptage.

Le décret n° 2015-1434 relatif à la situation des agents contractuels des établissements de santé publics vient en continuation de l’accord syndicats/gouvernement du 31 mars 2011 et de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, l’objet étant la sécurisation des parcours professionnels. Rappelons que le recours aux contractuels a pour vocation de répondre à des besoins temporaires de l’administration, et doit rester exceptionnel lorsqu’il s’agit des besoins permanents.

La réponse à un besoin permanent

• S’agissant du recrutement de contractuels pour des emplois permanents, on distingue les temps complets des temps partiels.

• Recrutement à temps complet : une publicité permettant à des agents titulaires de candidater est requise, l’avis indiquant que cet emploi est susceptible d’être pourvu par un agent contractuel. Trois motifs sont admis :

– l’absence de corps de fonctionnaires, pour des emplois relevant des catégories A, B ou C ;

– la nature des fonctions, ce qui joue pour des emplois de catégorie A exigeant des compétences hautement spécialisées ;

– l’impossibilité de recruter un fonctionnaire, faute de candidats, alors que la continuité du service impose de pourvoir rapidement à l’emploi. C’est le caractère infructueux de la procédure de recrutement d’un titulaire qui autorise le contrat sur un emploi permanent.

• Recrutement à temps partiel : ne devant pas être inférieur à 70 %, il est possible si les fonctions impliquent, par nature, un service à temps incomplet (CE, 30 sept. 2002, n° 207509).

• Signature d’un CDI : l’agent peut bénéficier d’un CDI au terme d’une période d’emploi qui est en principe de six ans, la loi détaillant les modalités d’appréciation de l’ancienneté.

La réponse à un besoin temporaire

• Le recrutement contractuel pour répondre à des besoins temporaires de l’administration recoupe deux situations : le remplacement d’un fonctionnaire absent pour une période donnée et la réponse à une vacance temporaire d’emploi, c’est-à-dire dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

• La loi liste les motifs d’absence qui permet ce recrutement, et qui sont liés à des phénomènes temporaires essentiellement dus à la santé, alors que pour une disponibilité ou un congé de formation professionnelle, l’administration doit assurer le remplacement du fonctionnaire absent par un autre fonctionnaire.

• Enfin, le recrutement d’agents contractuels peut répondre à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, mais l’administration doit justifier de tâches précisément définies et non durables.

Régime de l’emploi contractuel

• Un contrat écrit : le nouveau décret impose un contrat écrit, qui détaille les textes justifiant le motif du recrutement, un double étant remis à l’agent. Le contrat précise sa date d’effet, sa durée, le poste occupé ainsi que la catégorie hiérarchique dont l’emploi relève, la durée de la période d’essai et la possibilité de la renouveler. Il détermine les conditions d’emploi, notamment les modalités de rémunération, et indique les droits et obligations de l’agent, lorsque ceux-ci ne relèvent pas d’un texte de portée générale. Cette mesure s’applique aux CDD en cours à la date d’entrée en vigueur du décret à l’occasion de leur renouvellement et au plus tard dans les 6 mois à compter du 8 novembre pour les CDI.

• Des critères pour fixer la rémunération : son montant est fixé par l’autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent ainsi que son expérience. La rémunération des agents recrutés sur CDI fait l’objet d’une réévaluation au moins tous les trois ans, se fondant entre autres sur les résultats des entretiens professionnels ou l’évolution des fonctions.

• Période d’essai : les contrats peuvent comporter une période d’essai. Elle est désormais fonction de la durée du contrat : trois semaines pour un contrat de six mois, un mois pour un contrat de un an, deux mois pour un contrat de deux ans, trois mois pour un contrat supérieur à deux ans et quatre mois pour un CDI. Elle peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale.

• Le licenciement en cours ou au terme de la période d’essai ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable et doit être motivé.

• Ancienneté : les règles de calcul de l’ancienneté sont mises en cohérence avec certains droits et prennent en compte la durée de certains congés (formation, maladie, maternité, paternité, parental, etc.).

Entretien d’évaluation

• Le décret du 5 novembre 2015 instaure un entretien d’évaluation pour les contractuels recrutés en CDI ou en CDD pour une durée supérieure à un an. Conduit par le supérieur hiérarchique direct, il doit principalement porter sur :

– les résultats professionnels obtenus au regard des objectifs assignés et des conditions d’organisation et de fonctionnement du service ;

– les objectifs assignés à l’agent pour l’année à venir et les perspectives d’amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d’évolution des conditions d’organisation et de fonctionnement du service ;

– la manière de servir de l’agent ;

– les acquis de son expérience professionnelle et, le cas échéant, les capacités d’encadrement de l’agent ;

– les besoins de formation de l’agent au regard de ses missions, des compétences qu’il doit acquérir et de son projet professionnel, etc. ;

– ses perspectives d’évolution professionnelle, et notamment ses projets de préparation aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonction publique.

• Un compte rendu écrit est réalisé, que l’agent peut amender.

Commission consultative

• Une commission consultative paritaire compétente à l’égard des agents contractuels est instituée. Elle est obligatoirement consultée pour les licenciements intervenant postérieurement à la période d’essai, le non-renouvellement des contrats des personnes investies d’un mandat syndical, et pour les sanctions disciplinaires autres que l’avertissement et le blâme. Elles peuvent encore être consultées en cas de refus de temps partiel, d’autorisation d’absence pour suivre une action de formation, etc.

Fin de contrat

• Lorsque l’agent contractuel a été recruté en CDD susceptible d’être renouvelé, l’autorité doit lui notifier son intention de renouveler ou non le contrat, selon un préavis variable en fonction de la durée du contrat. Cette décision doit être précédée d’un entretien lorsque le contrat est susceptible d’être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l’ensemble des contrats conclus est supérieure ou égale à trois ans. Un certificat de travail doit lui être délivré.

Licenciement

• Un agent contractuel peut être licencié pour : un motif d’insuffisance professionnelle ; une inaptitude physique médicalement constatée ; la suppression du besoin ou de l’emploi qui a justifié son recrutement ; lorsque l’adaptation de l’agent à un nouveau besoin n’est pas possible ; le refus par l’agent d’une modification d’un élément substantiel du contrat.

• En cas de licenciement n’intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité est versée aux agents. Son montant est égal à la moitié de la rémunération de base définie pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Modèle de lettre de saisine

Lettre recommandée avec AR à la commission consultative paritaire

Objet : demande d’avis à la suite d’un refus d’autorisation de service à temps partiel

Madame, Monsieur le Président,

Agent contractuel occupant un emploi de xxxxx au sein du centre hospitalier de xxxxx, j’ai demandéle bénéficie d’un service à temps partiel par lettre en date du xxxxx (pièce n° 1).

Par décision n° xxxx du xxxxx, le directeur du centre hospitalier de xxxxx a opposé un refus à ma demande (pièce n° 2)

En application de l’article 2-1 du décret n° 91-155 modifié du 6 février 1991, je vous saisis pour avis de ce refus d’autorisation d’accomplir un service à temps partiel, afin d’obtenir de mon administration un changement de sa position.

Je reste bien entendu à votre disposition pour toute précision utile et vous prie d’agréer Madame, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Signature

SAVOIR PLUS

→ Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : statut général de la fonction publique.

→ Loi n°86-33 du 9 janvier 1986 : statut de la fonction publique hospitalière.

→ Décret n° 91-155 du 6 février 1991 : dispositions générales applicables aux agents contractuels.

INTERVIEW

DAVID PILORGE AVOCAT EN DROIT PUBLIC, AU CABINET CORNET VINCENT SEGUREL (CVS)

Ce décret sécurise-t-il les carrières des contractuels ?

• Ce décret sécurise clairement leurs parcours professionnels. Alors que le nombre de contractuels explose dans la fonction publique, les autorités cherchent à les protéger. Le décret du 5 novembre entérine certains principes et accorde de nouveaux droits. Il généralise l’entretien professionnel aux non titulaires recrutés en CDD de plus d’un an et impose une réévaluation des rémunérations, au regard des objectifs atteints, tous les trois ans au minimum. Leur statut, même s’il reste plus précaire, s’aligne de plus en plus sur celui des fonctionnaires titulaires.

Les modalités de licenciement ont-elles évolué ?

• Jusqu’à présent, les licenciements étaient laissés à la libre appréciation de l’administration et les recours des contractuels étaient limités. Avec ce décret, les procédures sont plus encadrées. À ce titre, la création des commissions consultatives paritaires est une innovation majeure. Les employeurs auront l’obligation de les consulter quand ils entendent licencier un agent après la période d’essai. S’ils ne le font pas, le tribunal administratif pourra annuler le licenciement. Bien que les recommandations de la commission soient non contraignantes, c’est une réelle protection pour les agents, qui pourront eux-mêmes la saisir en cas de refus de temps partiel, de formation ou pour contester une sanction.

Ce décret va-t-il favoriser les titularisations ?

• Il ne comporte pas d’avancées capitales sur le sujet de la titularisation. C’est d’ailleurs l’un des reproches formulés par les partenaires sociaux. En revanche, l’élargissement de l’obligation de reclassement à un certain nombre de situations, comme la suppression d’un besoin ou encore l’impossibilité d’adaptation de l’agent à ce nouveau besoin, est une sécurisation complémentaire. Dorénavant, l’administration devra chercher à reclasser l’agent au sein de ses services avant de prononcer un licenciement. L’offre d’emploi devra relever de la même catégorie hiérarchique ou, sous réserve de l’accord exprès de l’agent, d’une catégorie inférieure. Les contractuels ne seront plus simplement remerciés.

PROPOS RECUEILLIS PAR ADELINE FARGE