Depuis près d’un an, des soignants interviennent dans les locaux de la maison LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) de Nancy. Au programme : dépistage, consultations et dîners thématiques autour des pratiques sexuelles et de l’intimité.
C’est un lieu ouvert et convivial dans le quartier de la gare de Nancy. S’il accueille régulièrement des événements culturels et festifs, le Kreuji – « carrefour » en patois vosgien – regroupe près d’une dizaine d’associations LGBT. « En échangeant avec nos membres, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un vrai problème avec l’information et le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), explique Thierry Ragot, trésorier de l’association. Il y a, par exemple, de nombreuses femmes qui ne vont pas consulter un gynécologue pensant que leurs pratiques sexuelles ne représentent aucun risque. » Et pour beaucoup, faire du dépistage est encore très stigmatisant, notamment dans les Caarud
Insuffisance des dépistages pour les virus des hépatites B et C ou du VIH, recrudescence des IST, multiplicité des conduites à risques sexuelles… C’est face à ce constat que le Kreuji s’est rapproché du service des maladies infectieuses et tropicales du CHRU de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et qu’une convention a été signée en mai 2015. Objectif : délivrer de l’information sur la vie affective et sexuelle, réaliser des dépistages et mettre en place des consultations. Une action « hors les murs » qui s’inscrit dans la continuité de celles menées par le centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd, ex-Ciddist, voir encadré) du CHRU de Nancy depuis plusieurs années. « Nous intervenons déjà auprès des étudiants, des détenus ou des migrants, qui représentent des populations les plus exposées et qui ne viennent pas jusqu’à nous. Agir auprès de la population LGBT participe à ce mouvement qui consiste à aller au-devant de la population, souligne Laurence Boyer, médecin au Cegidd et coordonnatrice médicale du Corevih
Des binômes médecin-infirmière – les six IDE de la consultation du service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Nancy peuvent y prendre part – prennent en charge les dépistages organisés à la maison LGBT : « Cela permet de toucher des personnes qui n’osent pas venir jusqu’à nous, ou qui ont peut-être du mal à passer l’enceinte de l’hôpital », estime Sandrine Humbert, IDE. En parallèle, Sophie Pilcer, sexologue du service des maladies infectieuses du CHU de Nancy, intervient depuis plusieurs mois au sein de la maison LGBT pour des consultations individuelles et/ou en couple, mais aussi pour des actions en groupe. À l’exemple des « dîners de filles » proposés autour d’une thématique relevant de la sphère intime (cancer et sexualité, désir, jalousie, etc.). « On est loin du groupe de parole tel que l’on peut le connaître à l’hôpital, indique Sophie Pilcer. La forme du dîner est plus propice à parler de soi. Ce sont des moments forts en émotions, avec du rire et des larmes. » De plus, le lieu non médicalisé et « pas caricaturalement militant », comme le qualifie la sexologue, joue beaucoup. Ces consultations constituent un réel outil de prévention en matière de santé sexuelle, notamment en faveur de l’observance thérapeutique. « Nous pouvons par exemple être amenés à dépister des personnes souffrant d’addiction sexuelle qui ont du mal à admettre qu’elles ont des conduites à risque ou encore, intervenir auprès de personnes séropositives qui, par dégoût d’elles-mêmes, n’osent pas le dire », explique la sexologue.
En peu de temps, son action auprès de la population LGBT a porté ses fruits : un cancer du sein a ainsi été dépisté chez une lesbienne qui refusait de voir un gynéco. « Tout l’intérêt d’un tel partenariat est de pouvoir faire le lien avec les bonnes personnes, souligne Thierry Ragot. Au Kreuji, on nous fait part de nombreuses questions sur la sexualité, l’orientation ou l’identité sexuelle auxquelles on ne peut – ou on ne veut – pas répondre. Il me semble important pour cela de faire appel aux professionnels de santé spécialisés. »
1- Caarud : Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques auprès des usagers de drogues.
2- Corevih : Comité de coordination régionale de la lutte contre le VIH.
Depuis le 1er janvier 2016, les Ciddist (centre d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles) ont fusionné avec les CDAG (centre de dépistage anonyme et gratuit) pour devenir les Cegidd (centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles). Des changements d’acronymes qui visent à simplifier les dispositifs (avec une habilitation unique par l’ARS) et accroître l’efficience du dépistage, ainsi que de la prévention en matière de santé sexuelle.