Des activités adaptées aux capacités des personnes âgées - L'Infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Anne-Gaëlle Moulun  

Il n’y a pas d’âge pour bénéficier des bienfaits de l’activité physique. De plus en plus d’établissements en prennent conscience et mettent en place des activités adaptées aux personnes âgées. Que peut-on leur proposer et pour quels objectifs ? Tour d’horizon.

Aujourd’hui, l’activité physique est reconnue comme un facteur essentiel dans la prévention de la perte d’autonomie chez la personne âgée. Comme le déclare le Dr Michel Trégaro, gériatre et médecin du sport, coordonnateur du projet de parcours d’activité santé seniors (PASS) en Bretagne, « moins on peut en faire et plus on doit faire ce qu’on est encore capable de faire ».

Prévention des chutes et bien d’autres bénéfices

Le Dr Trégaro rappelle encore que l’activité apporte « un mieux-être physique et psychologique, un bien-être global renforcé chez les patients et surtout une diminution nette des chutes et des fractures ». Cette prévention des chutes est confirmée par une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), intitulée « Activité physique et prévention des chutes chez les personnes âgées ». Le rapport précise que « les programmes qui comprennent des exercices d’équilibre entraînent une réduction significative du risque de chute de l’ordre de 25 % ». Par ailleurs, « le renforcement musculaire et l’amélioration de l’endurance participent au maintien des capacités fonctionnelles et ont des effets complémentaires au travail de l’équilibre sur la prévention des chutes », notent les experts.

L’activité physique a de nombreux autres bienfaits :

• des bénéfices pour l’appareil respiratoire : meilleure ventilation et amélioration de l’oxygénation du sang. « Des études ont montré qu’une VO2 max (le débit maximum d’oxygène consommé lors d’un effort) atteignant 15 ml/min/kg était le seuil de la dépendance. Si on augmente cette VO2 max de 3 ml/min/kg, on peut garantir trois ou quatre années d’indépendance à la personne âgée », précise le Dr Trégaro ;

• des bénéfices pour l’appareil cardio-vasculaire qu’elle permet de préserver « grâce à l’abaissement de la fréquence cardiaque de repos et une meilleure pression artérielle », complète Jacques Choque, éducateur sportif et formateur(1) ;

• maintien des capacités de concentration et de mémorisation ;

• stimulation de l’appétit et amélioration de la digestion ;

• amélioration du sommeil ;

• aide aux actes de la vie quotidienne. Ainsi, la gymnastique douce permet de mobiliser les épaules, ce qui facilite les mouvements pour se vêtir et se dévêtir, faire du jardinage ou du bricolage, etc. ;

• au niveau psychologique, elle permet d’améliorer la confiance en soi, la gestion du stress et l’anxiété. « Les personnes âgées qui consacrent du temps à l’activité physique ont une meilleure perception de leur santé en général, de leur vitalité et de leur condition mentale et physique. L’activité physique peut non seulement prévenir les chutes, mais également améliorer et maintenir leur mobilité, leurs capacités fonctionnelles, leur vie sociale et leur qualité de vie », résume l’Inserm.

Un projet et des personnes formées

Conscients de ces bénéfices, de plus en plus d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) décident de mettre en place des activités physiques adaptées (APA) pour leurs résidents. Néanmoins, pour être efficace, « cette prévention par l’activité physique doit être inscrite dans le projet d’établissement et tout le personnel doit être sensibilisé à ses bienfaits », insiste le Dr Trégaro. Il faut notamment « éviter au quotidien une mise en fauteuil un peu trop facile » et ne pas oublier que « même si on a l’impression de perdre un peu de temps à un moment, cela permettra d’en gagner plus tard ».

→ Une formation spécifique est requise, et elle peut concerner des soignants, à l’image de Valérie Courriol, IDE au Puy-en-Velay (42), qui a suivi une formation d’éducatrice sportive il y a six ans, ou des personnes extérieures. De nombreux établissements font ainsi appel à des éducateurs sportifs spécialisés.

Des précautions indispensables

Les activités physiques sont-elles indiquées sans restriction ? Pour Jacques Choque, « toutes les personnes âgées peuvent en bénéficier – sauf si leur état de santé est trop grave – car toutes les activités peuvent être adaptées. Par exemple, il est possible de faire un même exercice debout ou assis. Plier et tendre les jambes pour muscler les cuisses peut être réalisé avec des personnes en fauteuil roulant ». Ce que confirme le Dr Trégaro, qui précise que « les personnes âgées n’ont pas besoin de certificat de non-contre-indication à la pratique sportive pour participer à une activité physique. On recommande des activités régulières, progressives et adaptées. Il y a plus de conséquences négatives à ne pas faire d’activité physique qu’à en faire. Notre expérience nous montre que presque tout le monde est éligible ».

→ Les seules contre-indications à la pratique d’une activité physique sont passagères. « On ne va pas en proposer à quelqu’un qui vient de faire un infarctus, ou une poussée d’insuffisance cardiaque, ou à une personne qui a une tension très élevée ou une hypotension. On va attendre que les choses se stabilisent », rappelle le Dr Trégaro. Pendant la séance, l’éducateur doit être attentif aux signes d’essoufflement d’un résident. Enfin, « il est important d’évaluer le risque de chutes, sachant qu’il diminue avec la pratique de l’activité physique », rajoute le Dr Trégaro. Dans son ouvrage Animations pour les personnes âgées, 400 exercices pratiques et ludiques, Jacques Choque insiste sur l’importance de prendre conseil, en institution, auprès du kinésithérapeute et du médecin. Ainsi, des activités sportives à proprement parler, comme le judo (lire p. 61), requièrent un avis médical. De même, « il est important que l’infirmière livre à l’animateur toute information nécessaire sur la santé du résident, comme des soucis cardiaques, même s’il faut tenir compte du secret médical, souligne Jacques Choque. En accord avec le résident, elle peut informer l’éducateur du projet d’animation, mais aussi participer de temps en temps à la séance pour savoir ce qu’il s’y passe et pouvoir ensuite répondre aux questions des personnes âgées ».

Priorité à la vie quotidienne

La mise en œuvre des activités physiques « doit toujours répondre aux 14 besoins fondamentaux(2) et aux souhaits de la personne, recueillis dans le projet d’accompagnement personnalisé », explique Jacques Choque (voir encadré p. 60). En priorité, « on propose du renforcement musculaire, avec des ateliers équilibre et prévention des chutes », indique Jacques Choque. On prévoit aussi des activités cardio-respiratoires et d’autres qui améliorent la conscience du corps et l’affinement sensoriel, comme de la relaxation ou des parcours des sens, où on propose aux personnes âgées de sentir des plantes ou toucher des objets. » Idéalement, les séances de gym d’entretien et les ateliers d’équilibre devraient être organisées deux fois par semaine et complétées par trois séances d’activités cardio-respiratoires de 35 minutes. « Une séance de chaque, c’est le minimum », estime Jacques Choque. L’éducateur peut aussi organiser des activités de plein air et de pleine nature pour les personnes qui le peuvent, ainsi que de la marche et/ou des activités aquatiques. Enfin, « les jeux collectifs, comme la pétanque, sont intéressants pour la socialisation ». Le Dr Trégaro recommande aussi aux éducateurs « de participer à des “groupes de dépendance physique”. C’est un groupe pluridisciplinaire avec l’éducateur sportif, l’infirmière coordinatrice, le kiné, voire le médecin coordonnateur. Il permet de discuter en équipe de la pertinence de ce qu’on va proposer au résident ».

Adaptation aux spécificités de la personne et du groupe

Car il faut que le senior adhère à l’activité. Pour cela il faut parfois jouer finement. « J’explique toujours à quoi sert l’exercice et quel bénéfice la personne peut en retirer au quotidien, conseille Jacques Choque. L’intérêt peut être de mieux enfiler la veste, de se laver plus facilement, etc. »

Il faut aussi tenir compte des particularités de certaines pathologies. Pour les résidents atteints de la maladie d’Alzheimer, les consignes même simples deviennent complexes et risquent de le mettre en échec. Ainsi, alors que certains résidents de l’Ephad Pavillon Clément, à Melun (77), participent à l’activité judo (lire p. 61), ceux atteints de la maladie d’Alzheimer ne peuvent la pratiquer. « C’est un sport en groupe et dans ce cas de figure, il faudrait un professeur pour un résident », explique Ghislaine Mouchet, animatrice socioculturelle de l’Ehpad.

→ Les malades Alzheimer requièrent des activités bien pensées avec des objectifs ciblés. Depuis 2008, en Auvergne, une équipe mobile régionale en activités physiques adaptées et santé a mis au point des séances d’activités physiques en petits groupes de six à huit personnes, une à deux fois par semaine pendant une heure. Objectif : la prévention des complications liées à la maladie d’Alzheimer grâce aux APA et une nutrition adaptée. « Ce sont essentiellement des séances basées sur l’équilibre, pour travailler sur le maintien de l’autonomie de la personne. L’objectif est qu’elle puisse se déplacer dans l’établissement seule, voire faire une promenade », détaille Florian Gelin, l’un des quatre animateurs sportifs de l’équipe mobile et éducateur sportif à la Ligue Auvergne sport adapté (Lasa). Pour motiver les résidents, il a coutume de leur proposer des jeux. « S’il fallait lever 15 fois des haltères, ce serait ennuyeux pour tout le monde ! On travaille donc plutôt sous forme de jeux qui sollicitent la mémoire. Par exemple, on peut faire un exercice avec des ballons de couleur : quand on a le ballon bleu, il faut lever les bras, quand c’est le ballon jaune, il faut lever la jambe, etc. », raconte l’animateur. Il reconnaît que « parfois, les patients ont des difficultés dès qu’il y a deux ou trois règles à retenir ». Mais les exercices sont toujours adaptés aux spécificités des membres du groupe. « On fait du cas par cas. On peut aussi améliorer et adapter les programmes en fonction des séances et de la fatigue des personnes ».

Une approche que partage Valérie Courriol qui a suivi une formation d’éducatrice sportive il y a six ans. Elle intervient dans plusieurs établissements du centre hospitalier Sainte-Marie au Puy-en-Velay, dont un Ehpad et une unité psychiatrique. « Je dois faire attention aux capacités physiques, mais aussi aux capacités mentales de la personne, explique-t-elle. Je dois savoir ce qu’elle peut comprendre et retenir, en particulier pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. » Lors de ses interventions, elle travaille souvent avec un objet : ballon, sarbacane, raquettes, parachute… « Le parachute est un grand morceau de tissu coloré avec un trou au milieu. Tout le monde tient le parachute et on le fait monter et descendre, on fait circuler un ballon dedans, on peut viser le trou central, etc. Travailler avec du matériel est plus parlant pour la personne que faire des mouvements dans le vide », juge-t-elle. Elle organise aussi beaucoup de jeux. « On constitue des équipes qui s’affrontent et à la fin, on calcule le score. Le jeu est très dynamisant et les personnes y entrent comme des enfants. Elles s’encouragent, elles y vont à fond ! » Elle propose aussi de la gym aquatique où la musique et la danse tiennent une grande place. « Au Puy-en-Velay, nous avons un festival Renaissance annuel. J’ai modifié certaines danses renaissance pour les adapter aux personnes âgées. La musique les dynamise et les stimule. Ils aiment vraiment beaucoup ça ! ». Et de conclure, « un bon éducateur doit être patient, car il se heurte parfois à des problèmes de compréhension et à la lenteur des gestes des personnes âgées ». Parmi les autres qualités indispensables, elle cite la tolérance, « car les personnes âgées sont toutes différentes et elles ont leur passé et leur identité », mais aussi « la vigilance par rapport à la sécurité et le respect envers ces personnes ».

1- Jacques Choque est également co-auteur du livre Animations pour les personnes âgées, 400 exercices pratiques et ludiques, voir Savoir +, p. 58.

2- Selon la théorie d’Abraham Maslow.

CONSEILS

Les points de vigilance de tout animateur(1)

→ Arrêter immédiatement si la personne ressent une douleur.

→ Proposer un échauffement suffisant et faire porter une attention particulière à la respiration et à la colonne vertébrale.

→ Ne jamais dépasser les capacités cardiaques en respectant la fréquence cardiaque maximale théorique. Exclure toute idée de performance ou de compétition.

→ Avoir du matériel de qualité et bien adapté.

→ Vérifier que la personne se repose après l’effort et utilise toutes les techniques de soin à sa portée (douche, sauna, etc.), qu’elle s’hydrate bien, qu’elle se soit correctement alimentée avant l’animation.

→ Lui proposer une pratique corporelle progressive et régulière.

1- Extrait du livre Animations pour les personnes âgées, 400 exercices pratiques et ludiques, de Stella et Jacques Choque.

REPÈRES

Activités physiques et besoins fondamentaux

→ Dans leur ouvrage Animations pour les personnes âgées, 400 exercices pratiques et ludiques, Stella et Jacques Choque rappellent les 14 besoins fondamentaux, selon la classification de Virginia Henderson, et mettent en regard les réponses possibles s’agissant notamment des activités physiques.

→ Exemple : Intérêt de la mobilité articulaire en rapport avec les besoins fondamentaux.