L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

A.-G. M.  

Du judo en Ehpad, des programmes adaptés aux patients atteints de la maladie de Parkinson ou un parcours santé senior en Bretagne… Des actions originales fleurissent un peu partout en France.

Du judo de 60 à 89 ans

Pour stimuler leurs résidents, certains établissements ont mis en place des activités physiques plutôt inhabituelles en Ehpad. Le pavillon Clément à Melun propose ainsi depuis quatre ans une activité judo. Une idée originale de Ghislaine Mouchet, animatrice socio-culturelle. « Je suis ancienne judoka, explique-t-elle. Un jour, mon professeur de judo est venu faire une journée d’observation dans l’Ehpad où je travaille et on s’est dit que ce serait sympa de proposer une telle activité aux résidents. J’ai rédigé le projet et mon professeur en a référé à la Fédération française de judo (FFJ). Au début, il rapportait le matériel depuis le dojo où l’on s’entraîne, puis la Fédération a prêté les tapis et offert des tenues à chaque résident participant. » Depuis l’an dernier, une convention a même été signée entre l’hôpital de Melun et la FFJ. Une dizaine de résidents, âgés de 60 à 89 ans, participent à l’activité, qui est complètement adaptée à leur âge et à leur état de santé. « Ils font les échauffements, des déplacements, ils arrivent à se mettre au sol et, au bout de quatre ans, ils réussissent quelques prises », détaille Ghislaine Mouchet. « Certains résidents se déplacent en déambulateur tous les jours, mais dès qu’ils sont sur le tapis, le déambulateur n’existe plus ! », sourit-elle. Au fil des années, elle a observé de belles progressions. « Avant de se lever, certains font des étirements pour se réchauffer les muscles et s’ils tombent, ils savent comment se rattraper. » Mais pour elle, la plus belle avancée est sociale. « Les valeurs du judo ont resserré les liens dans ce groupe et ils sont beaucoup plus respectueux les uns envers les autres », observe-t-elle. Pour l’animatrice, cette activité « change des activités habituelles en Ehpad et montre que les personnes âgées peuvent encore faire plein de choses, même si elles sont en maison de retraite ». D’autres établissements l’ont d’ailleurs contactée pour importer l’activité chez eux.

Des activités physiques soutenues pour lutter contre Parkinson

À Lyon, l’hôpital neurologique Pierre Wertheimer et l’hôpital Henry Gabrielle ont mis en place fin 2014 des programmes adaptés aux patients atteints de la maladie de Parkinson. Ils prévoient toute une batterie d’activités physiques soutenues : kinésithérapie, marche nordique, cross-training, massages et étirements, rééducation en piscine, travail de la posture et taï-chi. Cinq semaines durant, les patients pratiquent ces activités à raison de trois à quatre fois par semaine, pendant 30 à 40 minutes. Elles sont complétées par de la rééducation de la voix et de l’écriture, mais aussi par de l’ergothérapie et des ateliers de peinture. Les patients ayant bénéficié de ce programme ont réalisé des progrès significatifs. « On observe des variations énormes entre les performances en début et en fin de programme : amélioration de la marche, de l’équilibre et de l’articulation des mots, note Marie-Odile Girard, cadre de santé kinésithérapeute à l’hôpital Henry Gabrielle. Et le premier groupe, évalué à huit mois, a gardé les mêmes performances », souligne-t-elle. Grâce à ce programme, les traitements ont même pu être diminués chez un patient sur trois.

Parcours santé seniors en Bretagne

En Bretagne, une autre initiative a fait des émules : celle du Dr Michel Trégaro consistant à installer des parcours d’activité santé seniors (PASS) en maison de retraite. Le principe est simple, une dizaine d’agrès sont disposés autour d’un jardin des cinq sens : barres parallèles, parcours de slalom, des rondins à enjamber, podium à gravir, ou encore un mini-labyrinthe. L’objectif pour le Dr Trégaro était de « faire travailler l’équilibre, la proprioception, le cognitif et l’orientation, dans un cadre champêtre et agréable », explique-t-il. Il a imaginé le parcours et a mis en place un certificat de spécialisation pour travailler auprès d’un public dépendant. Cette formation prévoit 70 heures de théorie et 80 heures de pratique, ainsi qu’une évaluation. Les éducateurs sportifs ainsi formés sont embauchés via des groupements d’employeurs. Actuellement, 80 éducateurs interviennent dans près de 100 établissements et une cinquantaine d’Ehpad se sont équipés de PASS. Les résidents plébiscitent ces installations. « Nous ne pensions pas qu’ils auraient autant adhéré au dispositif, s’étonne encore Anne-Marie Etrillard, infirmière coordinatrice à la maison d’accueil Angélique le Sourd à Saint-Jacut-les-Pins (56), premier Ehpad qui en a bénéficié en 2011. C’est très positif et les progrès sont visibles. On arrive à remettre debout certains patients entre les barres parallèles, par exemple. Même si c’est pour des petites distances, ça valait le coup de se battre pour ça ! » Cité en exemple dans le plan national d’action de prévention de la perte d’autonomie comme une action à explorer, le PASS pourrait être étendu à d’autres régions françaises.

Toutes ces initiatives permettent de généraliser progressivement la pratique d’activités physiques chez les personnes âgées, ce qui pour Stella Choque, infirmière cadre de santé, permet aussi de favoriser la bientraitance. « On parle de bientraitance à travers les soins d’hygiène, mais on l’aborde peu à travers l’acte d’animation, remarque-t-elle. Pourtant, il permet d’accompagner les personnes âgées et de les rendre actrices de leur vie quel que soit leur degré de dépendance. Pour moi, la bientraitance est avant tout une adaptation constante à l’autre et à ses besoins. L’animation est un moyen de leur procurer du bien-être et de répondre aux besoins des personnes, surtout à celui de se réaliser. » En leur apportant plaisir et bien-être, l’activité physique permet ainsi « d’apporter un regard de vie sur eux », conclut-elle.

REPÈRES

L’association Siel bleu (sport initiative et loisirs) propose des programmes d’activité physique adaptée (APA). 450 professionnels interviennent ainsi dans 4 500 lieux à travers la France, dont environ la moitié d’EHPAD et touchent 100 000 personnes chaque semaine.« L’APA doit s’adapter à chaque besoin, chaque pathologie, chaque état de santé. nos activités sont dispensées sur tout le territoire, gratuitement ou presque », indique Benoît Fagnou, son responsable en Île-de-France.