L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

CANCER

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LAËTITIA DI STEFANO  

Si les immunothérapies ont le vent en poupe, on manque de recul sur leurs effets secondaires. Le 18 mars, les Rencontres infirmières en cancérologie ont permis de souligner le rôle essentiel des infirmières dans leur surveillance.

L’idée de travailler sur le système immunitaire en cancérologie n’est pas nouvelle », rappelle Aurélien Marabelle, oncologue et directeur clinique du département d’innovations thérapeutiques des essais précoces à Gustave Roussy, à Villejuif (94). De la fin du XIXe siècle aux années 1990, de nombreux travaux ont été réalisés, « mais qui se sont souvent soldés par des échecs », note l’oncologue.

À partir de 2010, les études commencent à démontrer le rôle du système immunitaire dans le cancer. La communauté scientifique pensait jusque-là que, le cancer établi, il était vain d’agir sur l’immunité. Or, ces études ont prouvé le rôle antitumeur de certaines cellules, tandis que d’autres favorisaient leur développement… « Le problème est la tolérance de cellules anormales par le système. On change donc de paradigme quant au mode de traitement : au lieu de cibler la cellule cancéreuse [NDLR, comme avec la chimiothérapie], on se tourne vers le système immunitaire, en le stimulant pour favoriser son action anticancer et casser cette tolérance inappropriée », explique Aurélien Marabelle. L’outil : des anticorps immunomodulateurs, fabriqués en laboratoires.

Les IDE, des vigies

Le souci : des toxicités de type auto-immunes peuvent apparaître au cours du traitement. Le rôle des infirmières devient alors prépondérant. « Elles sont plus à même de détecter ces nouvelles toxicités afin de les rapporter au médecin, car elles sont plus proches du patient », note l’oncologue. Ce que confirme Anne Hubert, infirmière dans son département : « Nous devons être très vigilantes en terme de surveillance. Les patients ne disent pas tout au médecin, et ils négligent parfois les effets secondaires, prêts à tout supporter si le produit est efficace. » Les infirmières font donc un travail de prévention en amont, afin de vérifier les pathologies préexistantes qui pourraient se révéler. « On les alerte aussi sur l’interaction médicamenteuse. En réactivant le système, des réactions inflammatoires peuvent survenir sur différents organes : système digestif, neurologique, affection cutanée, yeux… »

Durée aléatoire

Ces réactions dysimmunitaires sont répertoriées par les infirmières. Les conduites à tenir en cas de réactions immédiates - toux, nausées, vertiges… - à la perfusion sont, quant à elles, déjà instaurées, « mais les patients tolèrent bien le traitement globalement. La plupart travaillent, s’occupent de leurs enfants. Ils peuvent avoir une vie normale, ce qui n’est souvent pas le cas en chimio ». La durée du traitement est, elle, très aléatoire : « Le temps que le système immunitaire se mette en route, ça peut être long. La maladie peut sembler augmenter au début (plus de nodules), avant de diminuer. Situa-tion qui peut être anxiogène pour le patient comme pour le médecin, car il est difficile de distinguer cela d’une progression de la maladie et d’un échec du traitement », précise Anne Hubert.

On recense aujourd’hui une vingtaine de cancers potentiellement sensibles aux immunothérapies. « Tous les patients n’y répondent pas, mais ceux qui réagissent ont un vrai bénéfice en terme de survie. De l’ordre de 20 % pour des patients atteints de mélanome traités avec la molécule anti CTLA4, 30 à 40 % pour ceux traités avec anti-PD1, par exemple », indique le Dr Marabelle. Des résultats de bon augure.

BOURSE DE RECHERCHE

10 000 euros pour deux IDE

L’Association française des infirmières de cancérologie (Afic), organisatrice de ces Rencontres, a remis 10 000 euros dans le cadre de sa bourse de recherche en soins infirmiers en cancérologie à deux IDE de l’Institut de cancérologie de Lorraine Alexis-Vautrin pour leur projet intitulé « Efficacité d’un message hypnotique standardisé sur la douleur ressentie lors de la pose de Qutenza chez des patients présentant des douleurs neuropathiques périphériques ». « Il s’agit d’enregistrer ce message et de le faire écouter au patient, dans un casque, le temps de pose du patch », précise Rémi Étienne, qui pratique l’hypnose dans la prise en charge de certains effets secondaires. Avec sa collègue Myriam Laurent, spécialiste douleur, ils vont donc mettre en œuvre ce projet, dont les recherches avaient commencé suite à l’obtention d’un prix du jury Any d’Avray il y a quatre ans.