L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

PROFESSIONS DE SANTÉ

DOSSIER

Petits films diffusés sur Internet ou plate-forme complète dédiée au e-learning, les établissements de santé se tournent de plus en plus vers les outils de formation numériques.

Si la formation des soignants par les Mooc en est encore à ses balbutiements, la plupart des établissements de santé et instituts de formation on déjà bien intégré le principe du cours ou du tutoriel vidéo consultable « à la carte ». Ainsi, nombre de CHU réalisent et mettent en ligne des modules didactiques, destinés aussi bien aux professionnels de santé qu’aux patients (lire encadré ci-contre). Mais certains organismes vont plus loin, plaçant le numérique au cœur même de leurs dispositifs d’apprentissage : c’est le cas de l’École des sciences du cancer (ESC), établissement de formation professionnelle créé conjointement par Gustave Roussy (Val-de-Marne) et la faculté de médecine Paris-Sud. Elle forme des étudiants, des infirmières, des médecins, des pharmaciens ou encore des chercheurs à tous les domaines de la cancérologie : pratique clinique, recherche fondamentale, accompagnement des personnes atteintes de cancer… Il y a un an, en avril 2015, l’ESC s’est dotée d’une plate-forme d’enseignement numérique(1). « Depuis, elle a enregistré environ 2 000 inscrits pour une soixantaine de formations, se félicite Élodie Grellier, responsable de l’enseignement numérique à l’ESC. La plupart sont des médecins et futurs médecins, mais les infirmières représentent environ 4 % de nos apprenants. »

L’ESC développe plusieurs types d’enseignements numériques : le catalogue comprend des formations initiales et continues, diplômantes ou non. Elles se présentent sous diverses formes. D’abord, les replays vidéo de séminaires. Certains, très techniques, destinés à des métiers bien spécifiques, sont réservés aux professionnels qui ont assisté au séminaire en présentiel, car la vidéo ne suffit pas toujours à restituer tous les détails des gestes. Mais d’autres sont accessibles à tous, une aubaine pour les personnes qui n’ont pu se déplacer. « L’un des derniers replays mis en ligne a enregistré 372 vues, dont certaines un mois après le séminaire, observe Élodie Grellier. Des sujets plus pointus attirent une cinquantaine de personnes, ce qui est déjà important par rapport au nombre de professionnels exerçant la spécialité visée. »

Classe inversée

Ensuite, certains cours comptant pour les diplômes universitaires sont accessibles en e-learning. La plate-forme propose le replay de cours en présentiel, ce qui permet de revoir un cours pour s’en imprégner, de rattraper une séance à laquelle on n’a pas pu assister ou de réviser avant les examens. Enfin, plus innovant, l’ESC a mis au point des formations mixtes, en présentiel et en vidéo. « Nous appliquons le principe de la classe inversée, basé sur le fait que l’exercice favorise davantage l’apprentissage que le cours lui-même, explique Élodie Grellier. L’apprenant regarde donc le cours théorique en ligne, chez lui. Et quand il vient sur place, il effectue un débriefing avec l’enseignant, se confronte à des cas cliniques et procède à une évaluation des pratiques professionnelles. » Cette répartition de l’apprentissage est d’une part plus efficace ; d’autre part, effectuer la moitié de ses cours de DU en ligne permet un gain de temps. Un professionnel dont l’emploi du temps est très chargé pourra plus facilement dégager deux jours par mois que quatre… Enfin, l’ESC propose des cours 100 % en ligne, scénarisés semaine par semaine, accompagnés de forums de discussion entre étudiants sur lesquels les formateurs peuvent intervenir.

La grande liberté offerte par le e-learning peut, dans un premier temps, déstabiliser les apprenants. « Au début, c’était laborieux, je ne prenais pas forcément le temps de m’installer devant mon ordinateur pour travailler, se souvient Géraldine, qui a suivi une formation 100 % en e-learning. Mais après quelques semaines, je me suis prise au jeu et j’ai vraiment apprécié la souplesse de cette formation. » « Je n’aurais pas souhaité suivre ma formation intégralement en e-learning, soutient pour sa part Stéphanie. Les cas cliniques supervisés par l’enseignant me semblent primordiaux si l’on veut être sûr d’acquérir les bons gestes. »

Soins infirmiers en cancérologie

L’école envisage à présent de nouveaux développements, notamment la formation à des gestes techniques. Les premières seront destinées aux chirurgiens, sur la chirurgie intratumorale. Les participants regarderont le cours théorique chez eux. Puis, sur place, ils pourront poser des questions et assister à une intervention pratiquée par les chirurgiens de l’ESC. « Nous allons bientôt lancer une formation sur le même principe destinée aux infirmières. Elle portera sur la mise en place et l’entretien de cathéters en chimiothérapie », annonce Élodie Grellier. Pour les soignantes, l’ESC souhaite par ailleurs mettre en place un master en cancérologie, mais elle attend encore le feu vert du ministère. L’ouverture pourrait avoir lieu à la rentrée 2017. « En attendant, nous organisons chaque année, en janvier, un séminaire de soins infirmiers en cancérologie. Et les inscriptions viennent d’ouvrir pour une masterclass sur les cathéters en chimiothérapie. Nous avons également un DU pour se spécialiser en recherche clinique en cancérologie. Ils sont ouverts à tous les professionnels intéressés et d’autres sont en préparation. » Même si la plate-forme d’enseignement numérique relaiera toutes ces formations, les apprenants ne sont cependant pas encore prêts à passer au tout-vidéo. À ce jour, selon l’ESC, les formations en ligne qui marchent le mieux concernent la mise à jour des connaissances sur des sujets déjà connus d’eux. Pour acquérir de nouvelles compétences, il semble qu’ils préfèrent toujours le présentiel…

1- http://formation. gustaveroussy.fr

CHU

Silence, on tourne !

→ Depuis quelques années, les établissements de santé ont complètement intégré l’outil vidéo dans leur stratégie de communication auprès des patients, mais aussi des soignants. Parfois dotés de cellules audiovisuelles, ils réalisent de petits films qu’ils diffusent sur Internet. Certains assez détaillés pour faire office d’outils de formation des professionnels de santé.

→ Le CHU de Nantes propose ainsi sur sa chaîne YouTube(1) une vingtaine de vidéos. Parmi les plus populaires, des présentations générales et transdisciplinaires telles qu’« Accueil et parcours du prématuré au CHU de Nantes », « Le bloc opératoire », mais aussi plus pointues, comme « Qu’est-ce qu’une biopsie de trophoblaste ? ».

→ Nombre de centres hospitaliers, comme l’AP-HM, Rouen, Angers et bien d’autres disposent ainsi de leur propre chaîne. Pour chaque vidéo, le nombre de vues oscille entre quelques centaines et plusieurs milliers.

→ La chaîne du CHU de Limoges(2) présente même de véritables émissions thématiques, sur des sujets aussi divers que l’autisme, la virologie, la distraction, le cancer du sein… « Les vidéos s’adressent aussi bien aux malades et à leurs proches qu’aux soignants : infirmiers, infirmiers de bloc opératoire, Iade…, assure le CHU. Nous souhaitons informer aussi bien sur les maladies aigües que sur les maladies chroniques et les maladies rares, sur le soin que sur l’enseignement ou la recherche hospitalière. » De petites mises au point thématiques bien utiles pour se rafraîchir la mémoire ou toucher du doigt un nouveau domaine, avant d’envisager une formation plus complète.

1- www.youtube.com/channel/UCEECKOcDP-bvfL4_47YgSm0g

2- www.youtube.com/user/CHUlimoges/videos

ALLER PLUS LOIN

→ Si vous souhaitez suivre un Mooc, attention aux dates d’inscription. Pour ne pas rater le coche, vous pouvez vous rendre directement sur les plates-formes de diffusion ou surveiller les sites Internet des universités ou établissements de santé qui vous intéressent.

→ Il existe également des moteurs de recherche recensant des Mooc en français, classés par thèmes et par dates : sur www.sup-numerique.gouv.fr (suivre http://bit.ly/22P4tIR) ; http://mooc-francophone.com. « Simulation en santé, des principes aux applications », de l’université Sorbonne Paris Cité, est par exemple ouvert jusqu’au 26 juin sur FUN, et la 2e session d’« Initiation à la e-santé », de Formatic santé, dure jusqu’au 27 juin sur la même plate-forme.

→ Certains Mooc sont ouverts en permanence, comme « Ebola, vaincre ensemble ! », de l’université de Genève, sur Coursera.

→ À lire : Guide pratique des Mooc, de Gilles Daïd et Pascal Nguyên, Éd. Eyrolles, 2014. Mooc, Cooc. La formation professionnelle à l’ère du digital, de Lætitia Pfeiffer, Éd. Dunod, 2015.

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