L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

CRITIQUE

RENDEZ-VOUS

Nouvelles parutions

Alexandre Manoukian  

→ L’auteur est philosophe, il n’a donc pas peur des mots ni de la réflexion. Dès le titre, nous voilà avertis : la partie sera ardue. Elle le fut pour l’auteur probablement qui dut faire un choix pour annoncer la matière de son livre. Il y a mis un titre, un sous-titre, ça se fait… mais aussi un sous-sous-titre. Et il nous a semblé que l’ordre aurait pu être inversé, car le cœur de cette réflexion est bien le lien entre arrêt thérapeutique et prélèvement d’organes. Que ce lien soit voilé, qu’il soit accepté ouvertement ou refusé implicitement, qu’il soit respectueux du droit qui a évolué en faveur du prélèvement ou respectueux des sentiments de la famille, il pose des questions délicates, autrement dit des questions éthiques. Les progrès techniques et logistiques ont accéléré les succès du prélèvement dans le même temps que l’accent fut mis sur la dignité de la fin de vie. L’auteur nous emmène sur les chemins de la pensée actuelle où s’expriment les avis les moins nuancés en faveur ou en défaveur du prélèvement d’un côté, tout autant que de l’euthanasie et de l’arrêt des traitements de l’autre. Toute réflexion a besoin de matière, l’auteur l’a trouvée dans deux sources qu’il a frottées l’une à l’autre. L’une est constituée de l’information spécialisée, tant juridique que médicale, l’autre est issue des interviews de professionnels. Le savoir, les possibilités matériels, les exigences thérapeutiques et le cadre juridique font-ils bon ménage avec le vécu des professionnels ? Les textes, les actes et les sentiments interagissent dans une dialectique éthique parfois douloureuse, parfois rassurante. Comment pourrait-il en être autrement quand on parle de mort, de survie, de personne et d’organes ; « d’une vie qui ne vaudrait pas la peine d’être vécue… (et de) la suppression d’une vie qui en aurait valu la peine ». La subjectivité de chacun est au rendez-vous, elle s’oppose à l’instrumentalisation des corps, elle complique les perceptions et les projets. Le philosophe, en nous rappelant que « la connaissance… n’est pas la vérité », nous pousse à réfléchir. Mais a-t-il assez balisé notre chemin ?

La mort sous contrôle, Dilemmes éthiques pour les soignants, Les questions de l’arrêt thérapeutique et du prélèvement d’organes, Éric Fourneret, éd. Seri Arslan, 19,50 €