Au carrefour du sanitaire et du social, les IDE et puéricultrices des centres de protection maternelle et infantile, et de planification et éducation familiale ont des missions de prévention larges dans le suivi des jeunes enfants et de leurs parents.
Promouvoir et assurer la santé des mères et le développement des enfants ne sont pas des préoccupations récentes. En 1874, déjà, la loi Roussel créait l’inspection médicale des enfants en garde et imposait la surveillance des nourrissons. Plus tard, en 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et afin de lutter contre les inégalités de santé, le gouvernement promulguait une ordonnance créant la protection maternelle et infantile, et fixait ses trois missions cardinales : visites prénatales, surveillance de l’enfant, et éducation des mères. Ainsi, durant toute la période de l’après-guerre, la surveillance des nouveau-nés a été un objectif prioritaire, avec le succès que l’on connaît puisque cette politique a contribué significativement au baby-boom.
Bien entendu, au cours de ses 70 ans d’existence, la protection maternelle et infantile (PMI) a évolué, mais son accès est resté universel et gratuit. En 1983, à la faveur des lois de décentralisation, les compétences de la PMI ont été transférées aux départements. Depuis, chaque conseil départemental organise son service PMI dans le cadre de l’article L. 148 du code de la santé publique. Les missions des puéricultrices ou de l’infirmière en PMI sont, elles, encadrées par l’article L. 149.
Aujourd’hui, on compte quelque 5 100 sites de PMI en France, même si des disparités de l’offre sont parfois importantes d’un territoire à l’autre, dans lesquels œuvrent des équipes pluridisciplinaires : médecins pédiatres, puéricultrices, IDE, éducatrices de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, psychologues…
Fortes de quelque 4 700 équivalents temps plein (ETP), les puéricultrices constituent le corps professionnel le plus représenté au sein des centres de PMI
« Il n’est jamais évident de parler de notre travail, tant nos missions sont diverses et variées. Il y a bien sûr une part de routine, par exemple lorsque nous réalisons une évaluation d’agrément, car cela répond à un protocole très précis. Pour le reste, aucun jour ne ressemble à un autre. Et c’est d’ailleurs ce que j’apprécie dans ce poste », déclare Janique Follio, puéricultrice à la PMI de Pavillons-sous-Bois. Le champ de la PMI couvre, il est vrai, la prévention globale et le suivi des enfants de 0 à 6 ans, le suivi des mères et futures mères, l’agrément et le suivi des assistantes maternelles ou encore, l’agrément des assistantes familiales qui accueillent des enfants placés. Tandis que les CPEF assurent, eux, des consultations médicales relatives à la maîtrise de la fécondité, dispensent des informations individuelles et collectives de prévention portant sur la sexualité et les infections sexuellement transmissibles (IST), notamment dans les établissements scolaires, ainsi que sur l’éducation familiale. Ils assurent également des entretiens de conseil conjugal ou de planification familiale, notamment ceux liés à la préparation et au suivi de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). « Certes, les journées sont denses, mais il n’y a ni astreinte, ni travail de nuit ou le week-end », précise Patricia Juguet.
Si toutes les PMI ne proposent pas de volet CPEF, quand c’est le cas, c’est le plus souvent une infirmière qui œuvre sur ce volet. « Les infirmières travaillent en étroite relation avec le gynécologue, la sage-femme et la conseillère conjugale. Dans le cadre des consultations qu’elles animent, elles reçoivent beaucoup d’adolescents (principalement des filles) et de jeunes femmes pour des questions liées à la contraception, l’IVG et à la sexualité. Elles mènent aussi des actions de prévention collectives auprès des collégiens de 4e et 3e », détaille Claire Veyssière, puéricultrice faisant fonction de cadre supérieure de santé au conseil départemental du Val-de-Marne, en détachement de la fonction publique hospitalière. À ce titre, Claire Veyssière a la charge, avec son binôme médecin, de mettre en œuvre la politique du département en matière de PMI sur un territoire qui couvre six communes et onze centres PMI. « J’aime le travail au sein du CPEF, car nos missions sont très diversifiées et nos actions en termes de prévention sont importantes. En outre, nous travaillons beaucoup en équipe (sage-femme, conseillère conjugale, gynécologue), et quotidiennement avec notre réseau de partenaires : secteur libéral, autres services du département, service social, associations, foyers de jeunes… Il est d’ailleurs important de bien connaître les ressources de son secteur pour maximiser chaque prise en charge », indique Claudine Ventura, infirmière, responsable de l’organisation et de la gestion du CPEF de l’Haÿ-les-Roses (94) et adjointe de la PMI. Et d’ajouter : « On reçoit aussi bien des couples qui ont un désir d’enfant, mais qui s’interrogent sur leurs capacités à devenir parents, que des jeunes qui ont des conduites sexuelles à risque ou qui souhaitent une contraception. J’apprécie particulièrement le travail avec les jeunes, car en tant que futurs adultes, il est essentiel qu’ils soient informés et responsabilisés. Et si le relationnel est au cœur de mes missions, il y a aussi de la technique pour réaliser les tests de grossesse, les analyses d’urine et la délivrance de contraception d’urgence. »
Relation d’aide, empathie, travail en équipe et en réseau, autonomie, sens de l’organisation, réel attrait pour la prévention et la santé publique sont quelques-unes des aptitudes requises pour travailler en PMI. « Si on aime les soins infirmiers et que l’on a une appétence pour la technique, mieux vaut passer son chemin », résument plusieurs professionnelles de PMI. Il faut aussi aimer « bouger » puisqu’une part non-négligeable du travail se déroule hors des murs de la PMI. C’est le cas notamment pour les visites à domicile dans le cadre de l’agrément des assistantes maternelles qui s’effectuent le plus souvent en binôme avec une éducatrice de jeunes enfants (EJE). « En tant que puéricultrice, nous évaluons tous les éléments qui ont trait à la santé, à la sécurité, au bien-être et à l’épanouissement de l’enfant. Nous apprécions également les motivations des candidates, leurs capacités d’organisation, et, le cas échéant, de quelle façon elles parviennent à gérer l’accueil d’enfants avec leurs propres enfants, leurs connaissances en matière de gestes de première urgence… Mais aussi leur savoir-faire et savoir-être avec les enfants et les parents », détaille Janique Follio. C’est ensuite une commission pluri?disciplinaire, au sein de laquelle siège la puéricultrice, qui accorde l’agrément, ou qui le refuse. À ce stade, il est nécessaire d’être à l’aise à l’écrit, car toutes les observations faites lors de l’évaluation doivent être consignées puis synthétisées pour les autres membres de la commission.
Les puéricultrices assurent ensuite le suivi et l’encadrement des assistantes maternelles. En Seine-Saint-Denis, une puéricultrice peut « superviser » une cinquantaine d’assistantes maternelles, voire plus. Ce qui implique des visites à do?micile programmées ou fortuites au moins deux fois par an. Ces moments d’observation et d’échange peuvent se poursuivre par téléphone en fonction des besoins et des questions des assistantes ou directement à la PMI. Et les demandes peuvent aussi bien concerner un élargissement d’agrément que celles liées à une difficulté relationnelle avec un enfant ou des parents. La PMI étant garante de l’agrément qu’elle accorde, la mission de contrôle dévolue aux puéricultrices est par conséquent importante. S’agissant de l’agrément des assistantes familiales, qui accueillent en permanence des enfants au domicile, l’évaluation en vue de l’agrément est plus pointue et se conduit le plus souvent avec la psychologue de PMI. En revanche, c’est le futur employeur, comme l’ASE, ou des associations nationales, comme la Sauvegarde, qui assurent le suivi de leur employée.
Du côté de la pré et post-natalité, une bonne part de la prise en charge se déroule également à domicile et est assurée par les puéricultrices. C’est une proposition, car il n’y a pas d’obligation en la matière. L’objectif est d’informer les mères, de répondre à leurs questions et de soutenir au mieux les couples dans leur rôle de parents. Les conseils portent aussi bien sur l’hygiène (bain, toilette, soins de l’enfant), sur l’alimentation, (allaitement, diversification alimentaire), le développement, la croissance, le rythme de vie, le sommeil, la prévention des accidents ou encore la vaccination. Sont également évoqués avec les parents les futurs modes d’accueil de l’enfant : accueil collectif ou individuel chez une assistante maternelle ou à domicile. Le cas échéant, et dans le cadre du dépistage de troubles physiques, psychologiques ou sensoriels de l’enfant, la puéricultrice orientera les parents vers une prise en charge spécifique.
Avec des séjours en maternité écourtés, les centres de PMI assurent quelque 80 000 visites à domicile par an. Sur les centres, l’activité est aussi intense, car chaque PMI organise plusieurs consultations par semaine. « Avec l’auxiliaire de puériculture, nous recevons chaque parent et prenons en charge chaque enfant pour la pesée, la prise de mensuration. Notre objectif est de préparer au mieux la consultation pour le médecin. Pour les parents, c’est l’occasion d’aborder toutes les questions autour de leur enfant : conseil en allaitement, portage du nourrisson… Les jeunes parents sont toujours un peu angoissés. Un entretien peut durer quelques minutes, mais parfois une demi-heure », explique Patricia Juguet.
Autre mission dévolue au PMI : la protection de l’enfance en danger. Au cœur de ce dispositif, la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) reçoit des alertes de toutes parts : police, Éducation nationale, numéros verts, services sociaux, voisin, famille… Ces informations sont ensuite analysées et, le cas échéant, redispatchées au niveau des PMI. Dans ce cas, la puéricultrice travaille de concert avec l’ASE pour réaliser une évaluation conjointe de la situation au sein de la famille. « Parfois, il suffit de peu de chose pour redresser la barre. Une école peut, par exemple, signaler qu’un enfant a des difficultés à suivre. Or, on va s’apercevoir qu’il a juste besoin d’une paire de lunettes ! Évidemment, tous les signalements ne sont pas de cette nature. Pour des cas plus inquiétants, après une évaluation, on va passer la main au judiciaire », explique une puéricultrice.
Travailler en PMI, c’est un peu faire feu de tout bois. Et pour celles qui aiment la diversité et l’imprévu, la filière peut être réellement une opportunité.
1- Chiffres du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
59 % des consultations et des visites à domicile sont en faveur des enfants.
87 % des sites PMI sont utilisés pour des consultations infantiles.
700 000 enfants de moins de 6 ans ont bénéficié au moins d’une consultation : 26 % prénatales et post-natales ; 23 % planification et d’éducation familiale.
40 % des consultations dédiées à la contraception concernent des mineurs.
Dress, chiffres de 2012 publiés en avril 2015
Le traitement de la fonction publique territoriale est quasi identique à celui de la fonction publique hospitalière. Des bonifications indiciaires (NBI : nouvelles bonifications indiciaires) peuvent cependant augmenter le salaire. Soulignons d’emblée que les NBI ne sont pas liées au grade, mais à la fonction effectivement exercée, et que leur attribution est strictement encadrée par plusieurs décrets et surtout, qu’elles ne sont pas cumulatives. Pour les emplois du niveau de la catégorie A, les NBI vont de 20 à 50 points majorés, ceux de la catégorie B, de 10 à 30 points majorés. Actuellement la valeur mensuelle du point d’indice et de 4,63 €. Ainsi, une puéricultrice travaillant dans une zone à caractère sensible percevra une NBI de 20 points, soit une centaine d’euros bruts par mois pour un temps plein en plus de son salaire, compris, lui, entre 1 805 € (1er échelon) et 2 477 € (9e éch.) pour une puéricultrice de catégorie A en classe normale (entre 1 615 € et 2 407 € pour une infirmière de même catégorie).
→ Dans le cadre de la formation professionnelle continue et de l’intégration au cadre d’emploi, les infirmières de soins généraux peuvent accéder à la spécialisation de puéricultrice. Les modalités sont propres à chaque département selon le plan de formation interne. Si le salaire est maintenu pendant la formation, ce qui est le plus souvent le cas, l’agent s’engage en retour à demeurer au sein de la collectivité au moins un an – la durée peut varier d’un département à l’autre.
→ Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) propose des modules de formation comme la mise à jour des connaissances des infirmières territoriales ; parents difficiles, parents en difficulté ; familles vulnérables et conséquences sur les enfants ; le travail de prévention sanitaire auprès des jeunes…
→ Pour les puéricultrices, le CNFPT offre aussi diverses formations qui permettent l’acquisition des compétences à l’exercice du métier en PMI : accueil en PMI des nouveau-nés en sortie précoce de maternité ; information préoccupante au signalement : aspects juridiques, méthodologiques, rédactionnels, etc. ; ou encore, les situations conflictuelles : parents-assistantes maternelles, une médiation. Ces offres peuvent être différentes d’un département à l’autre.
→ L’accès au grade de cadre de santé peut s’acquérir via l’école de cadre ou la validation des acquis de l’expérience (VAE). Pour cette dernière option, l’agent devra aussi satisfaire au concours sur titre (dossier + entretien avec des professionnels du métier). Ce processus est identique pour l’accès au grade de cadre supérieure. Enfin, dans le cadre de la mobilité entre les fonctions publiques (État, hospitalière et territoriale), les détachements sont désormais facilités.