INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE
SUR LE TERRAIN
TRANSMISSIONS
Mieux informer le patient sur les différentes modalités de traitement de suppléance, et l’accompagner dans son choix. La fonction d’infirmière coordinatrice de l’insuffisance rénale chronique, mise en place en 2013 au CHU de Caen, est une première en France.
L’insuffisance rénale chronique est un problème de santé publique. Dans sa dernière étude sur la maladie rénale de l’adulte en 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) estime que 3 millions de personnes souffrent d’insuffisance rénale chronique (IRC) en France, dont 9 500 débutent un traitement de suppléance chaque année : dialyse péritonéale, hémodialyse ou transplantation. Souvent « silencieuse » et parfois détectée tardivement, cette pathologie a des répercussions différentes à chaque étape de la prise en charge. Le rapport 2013 du Réseau épidémiologique et information en néphrologie montre ainsi que lorsque l’IRC atteint un stade terminal, 33 % des patients débutent la dialyse de façon non planifiée, entraînant la pose de cathéters en urgence. Cette prise en charge soudaine entraîne des désorganisations dans les centres de dialyse, augmente la charge de travail, questionnne la disponibilité des postes de traitement, et retarde l’accès à la liste d’attente pour la transplantation rénale.
De telles urgences génèrent souvent chez le patient des difficultés d’acceptation du traitement. Plusieurs études montrent que malgré de nombreuses visites chez un néphrologue avant l’initiation du traitement par dialyse, moins de 10 % des patients ont discuté des soins de fin de vie dans les 12 derniers mois, et que la majorité se sentaient mal préparés et mal informés sur le début de la dialyse
Le service de néphrologie, dialyse, transplantation du CHU de Caen a ainsi mis en place en 2013 une fonction d’infirmière coordinatrice de l’IRC afin de proposer aux patients un parcours de soins optimisé. À ce jour, la file active des patients avec un débit de filtration glomérulaire inférieur à 30 ml/mn (à partir du stade 4) s’élève à 650 patients.
Le parcours du patient est organisé autour de trois types de consultation d’une heure chacune.
> La première consultation, dite « d’approche », est celle de la rencontre. J’accueille le patient, lui présente le service et donne des informations pratiques et utiles. Cette consultation s’inscrit dans la lignée des recommandations de la HAS qui visent à ralentir l’évolution de l’IRC. Ainsi, durant ce premier temps d’échange, nous abordons plusieurs thématiques : le fonctionnement du rein, les signes d’aggravation et les attitudes préventives (conseils diététiques, mise en garde par rapport au tabac, mise à jour des vaccinations, précautions médicamenteuses, protection du capital veineux…). Tous ces sujets permettent de répondre aux inquiétudes des patients.
> La consultation « d’orientation » est programmée une fois que le traitement par dialyse est jugé imminent – selon l’avis du néphrologue référent – et que les différentes méthodes doivent être présentées. Elle se construit en deux temps :
– une première consultation avec l’infirmière coordinatrice de l’IRC ;
– une seconde, dite de « présentation commune » avec deux IDE référentes, l’une en hémodialyse et l’autre en dialyse péritonéale.
Nous décrivons les méthodes de dialyse, à l’aide de matériel et d’un support photo : fréquence et durée des séances, livraison du matériel à domicile, présence possible d’une Idel, fonctionnement d’une fistule artérioveineuse ou d’un cathéter, durée d’hospitalisation… Nous abordons aussi les questions récurrentes : possibilité de partir en vacances, place de l’entourage… Une présentation de greffe est faite, pour favoriser les greffes pré-emptives. Ce temps permet d’expliciter l’intérêt et les contraintes des différents traitements de suppléance. Le choix de ne pas dialyser (traitement conservateur) peut aussi être évoqué.
> Une fois le traitement choisi, la consultation « médicotechnique et psychosociale » prépare le patient au traitement retenu. Si celui-ci a opté pour l’hémodialyse, je programme les rendez-vous pour la cartographie et auprès du chirurgien vasculaire. Idem en cas de dialyse péritonéale avec le chirurgien qui pose les cathéters. Les coordonnées des Idel sont également recueillies, et notre partenaire de dialyse à domicile est informé, afin d’organiser la suite de la prise en charge à domicile.
Après chaque consultation, un courrier est transmis au médecin traitant pour l’informer de la prise en charge proposée afin de faciliter les liens avec l’hôpital. En parallèle, un parcours d’éducation thérapeutique est formulé et nous proposons au patient de rencontrer d’autres professionnels : diététicienne, assistante sociale, psychologue… Le but étant de favoriser au maximum un retour à la vie active.
Lorsqu’un projet de greffe est envisagé, la coordinatrice de transplantation met en place un dossier de bilan pré-transplantation si le néphrologue juge le parcours possible. Je transmets alors les informations du patient pour préparer son parcours. Dans le cas de Mme W., qui se projette dans un parcours de greffe, j’ai signalé que sa sœur, donneuse potentielle, vit au Canada.
En tant qu’infirmière coordinatrice de l’insuffisance rénale chronique, mon but est d’apporter au patient des éléments facilitateurs tout au long de son parcours de soin. Mais mes missions vont au-delà des murs de l’établissement hospitalier. Car j’ai aussi un rôle de prévention et d’information :
> organisation de soirées d’échanges entre les infirmières libérales et les celles du service pour communiquer sur les problématiques de la prise en charge quotidienne des patients insuffisants rénaux ;
> information sur les attitudes préventives de la maladie aux IDE scolaires avec l’accord du rectorat ;
> journées de dépistage lors de la semaine du rein avec l’aide des associations de patients ;
> mise en place d’un projet de re?cherche pour évaluer l’efficacité de la mise en place de cette fonction ;
> intervention dans les instituts de formation en soins infirmiers de la région ;
> présentation de l’hémodialyse à domicile pour informer les patients de cette possibilité thérapeutique ;
> communication dans les congrès, dont le Salon Infirmier.
À ce jour, Mme W. a choisi la pose d’un cathéter de dialyse péritonéale pour faire de la dialyse péritonéale automatisée (DPA). Son objectif est de devenir autonome dans sa prise en charge pour intégrer une formation. Sa sœur, qui vit à l’étranger, s’est proposée comme donneur vivant.
1- « Choosing Wisely and Beyond : Shared Decision Making and Chronic Kidney Disease », Philip Tuso, The Permanente Journal, 2013.
Mme W., 35 ans, célibataire sans enfant, se présente au Centre universitaire des maladies rénales, à Caen, pour une consultation médicale auprès d’un néphrologue, après plusieurs mois sans rendez-vous. Atteinte d’une insuffisance rénale chronique depuis trois ans, elle est anxieuse et se pose des questions sur la suite de sa prise en charge. Après analyse de la situation, le néphrologue référent estime qu’elle doit avant tout être rassurée, mais doit également bénéficier d’un accompagnement tout au long de son parcours de soin.
> 2013 : Réorganisation de l’unité ambulatoire et mise en place de la fonction d’IDE coordinatrice de l’IRC à effectif constant (sans poste dédié).
Et formation de 40 heures « éducation thérapeutique et « Abords vasculaires ».
> 2015 : Réponse à un appel à projet de recherche pour évaluer l’efficacité de la fonction dans la prise en charge. Et formation « Éthique et insuffisance rénale chronique ». et « Tuteurs IDE au sein des pôles »
> 2016 : Réalisation du travail de recherche.
> L’insuffisance rénale est une diminution progressive et définitive des fonctions rénales exocrines et endocrines : maintien d’un équilibre hydro-électrolytique, synthèse de la vitamine D, régulation de la pression artérielle, sécrétion de l’érythropoïétine.
> Le diagnostic de chronicité est posé lorsque le débit de filtration est inférieur à 60 ml/mn pendant plus de trois mois.
> Elle est le plus souvent bien tolérée jusqu’à un stade évolué. Parfois, le diagnostic est évoqué de façon fortuite à la suite d’un examen sanguin ou d’un bilan pour diabète ou hypertension. C’est le bilan sanguin, avec le dosage de la créatinine, qui permet le diagnostic final.
> Parmi les symptômes : œdèmes, hypertension artérielle, crampes, démangeaisons, essoufflement, fatigue, vomissements ou nausées, perte du sommeil.