FORMATION
CAS CLINIQUE
Marion Benouachkou* Sandrine Bonnotte** Dr Caillot*** Dr Ludwig-Serge Aho-Glélé**** Dr Elisabeth Muggéo***** Dr Karine Astruc****** Dr Diane Pivot******* Lucile Belorgey******** Éliane de Lapparent********* Isabelle Therme********** Christine Burello***********
Alors qu’en trois mois, sept patients porteurs d’un cathéter à insertion périphériqueont rencontré des problèmes thromboemboliques et infectieux, les équipes du CHU de Dijon cherchent à comprendre le phénomène. Les pratiques sont-elles en cause ?
→ Le 29 février 2012, Monsieur B., 21 ans, atteint d’une leucémie aiguë myéloblastique (LAM) est hospitalisé au CHU de Dijon (21). Il n’a pas d’antécédant en dehors d’une obésité à 111 kg pour 180 cm.
→ Le 1er mars, un cathéter à insertion périphérique (Piccline) est posé afin de le transfuser et de débuter la chimiothérapie. Le patient sort le 9 avril après une aplasie longue, mais sans problème particulier en dehors d’une toxidermie et d’une mucite oro-digestive. À sa sortie, le Piccline est laissé en place.
→ Pendant l’inter-cure, le patient est hospitalisé dans un hôpital de la région, pour un épisode fébrile à 40 ° et des douleurs du bras droit. Une septicémie à Staphylococcus Dnase négative est révélée pour laquelle le patient est mis sous pristinamycine (Pyostacine) et vancomycine. Un écho doppler du bras est réalisé, montrant une thrombose veineuse profonde huméro-basilique et axillo-sous-clavière droite. On procède alors au retrait du Piccline et une anticoagulation par Innohep 0,9 mL SC débute. Faute d’abord veineux lié à l’obésité, la vancomycine est remplacée par la téicoplanine (Targocid) en intramusculaire.
→ Le 24 avril 2012, Monsieur B. est hospitalisé pour un cycle de consolidation chimiothérapique en première rémission de la LAM à Dijon. Une nouvelle échographie du bras droit montre une cellulite et une thrombose veineuse profonde. D’un point de vue bactériologique, deux hémocultures (l’une le 26 avril, l’autre le 1er mai) ont poussé à Staphylococcus aureus. Un traitement par céfotaxime (Claforan) + fosfomycine est en route. Une chambre implantable percutanée (CIP) est posée le 26 avril. Malgré le traitement antibiotique, des pics fébriles persistent et conduisent à l’ablation de la CIP. Un nouveau Piccline est posé le 4 mai. Le patient quitte le service le 15 mai après ablation du Piccline.
→ Le 13 juin, Monsieur B. est re-hospitalisé à Dijon pour un cycle de consolidation chimiothérapique ; un nouveau Piccline est posé le 14 juin. À son entrée, le patient présente un épisode fébrile en rapport avec une septicémie à Entérobacter cloacae de phénotype sauvage. L’évolution a été favorable sous une antibiothérapie parentérale adaptée. La voie centrale n’a pas été retirée. Le patient quitte le service le 29 juin et le Piccline est retiré avant le départ. Un nouveau Piccline est posé le 19 juillet en hôpital de jour.
→ Du 7 au 11 août, Monsieur B. est à nouveau hospitalisé au Chu de Dijon pour un dernier cycle de consolidation chimiothérapique (faite sur le Piccline posé le 19 juillet). Il retourne à domicile du 11 au 16 août.
→ Le 16 août, hospitalisation pour la phase d’aplasie post chimiothérapique ; une aplasie compliquée d’un sepsis sévère fongique avec métastases cutanées septiques – traitées par voriconazole en IV et amphotéricine B, puis voriconazole seul – et d’une d’angine à E. cloacae exprimant une bêtalactamases à spectre étendu (BLSE). Sortie d’aplasie dans les délais, amélioration clinique qui permet la sortie du patient le 27 août après ablation de la voie veineuse centrale. Retour à domicile avec une antibiothérapie de relais (Tiénam en IV et voriconazole per os).
Aujourd’hui, il est en rémission complète de sa LAM.
Le cas de ce patient révélant un phénomène infectieux lié à un Piccline n’est pas isolé à l’époque des faits. En mai 2012, le chef de service de l’EOH (équipe opérationnelle en hygiène) est interpellé par le service d’hématologie qui signale une augmentation de problèmes thromboemboliques plus ou moins associés à un sepsis chez des patients (sept patients en trois mois), tous porteurs d’un Piccline.
Dans un premier temps, les dossiers des patients sont étudiés. Il s’agit de patients immunodéprimés à différents stades, atteints de LMA. Les Picclines sont retirés et mis en culture. Les résultats sont hétérogènes et ne sont donc pas en faveur d’une épidémie liée à une transmission croisée par manuportage ou contamination de l’environnement qui aurait été confirmée par l’identification de germes identiques d’un patient à un autre. Comment expliquer alors ce phénomène ? Les pratiques de soins sont-elles en lien ? Comment l’équipe d’hématologie s’est appropriée ce nouveau dispositif mis à disposition sans concertation pluridisciplinaire ? Par ailleurs, les poses ne cessent d’augmenter : débuté en 2010, 321 en 2013, 420 en 2014, 533 en 2014, 751 en 2015.
Dans un second temps, nous proposons de réaliser des audits par observation des pratiques en accord avec les professionnels dans les services où ce dispositif est utilisé. Objectif : procéder à un état des lieux et débuter une recherche d’analyse des causes. Sont donc ciblés les services d’hématologie, hospitalisation complète (HC) et hospitalisation de jour (HJ) accueillant en alternance les patients, et le service de radiologie interventionnelle où est réalisée la pose du Piccline. L’EOH, ne connaissant pas le dispositif, doit se former. Elle sollicite la collaboration d’une IDE support de la société fournissant le dispositif. Des fiches d’audit sont créées à l’aide des recommandations du laboratoire et du protocole institutionnel du CHU sur les voies veineuses centrales. En effet, en 2012, il n’existe pas encore de recommandations nationales pour ces cathéters à insertion périphérique.
→ En radiologie interventionnelle, les observations concernant la pose du dispositif portent sur :
– la réalisation de la friction chirurgicale grâce à un outil clé en main réalisé par le GREPHH
– les bonnes pratiques de réalisation de l’antisepsie ;
– l’entretien de la sonde d’échographie entre chaque pose échoguidée ;
– l’application des précautions standard dans une salle à empoussièrement maîtrisé
→ En secteur d’hématologie, les observations portent sur les gestes les plus à risque au niveau infectieux :
– la réfection de pansement ;
– les manipulations des lignes.
Ceci implique que les IDE d’hématologie prennent contact avec l’EOH en cas de réfection de pansement ou lors de branchement des perfusions. L’IDE hygiéniste se rend alors dans l’unité et observe le soin grâce à ses fiches d’audit « réfection de pansements » et « évaluations des manipulations ». Ainsi, les pratiques observées sont comparées à un référentiel et sont déclarées conformes ou non. La non-conformité d’une pratique si elle est fréquente et/ou grave peut engendrer un écart et fera l’objet d’une action d’amélioration à mettre en place. Une non-conformité peu fréquente et partiellement maîtrisée est un point sensible et fera l’objet d’un rappel.
→ En radiologie, l’audit est orienté sur la pose du dispositif. Le nombre d’observations est assez faible (8 poses auditées). Si les pratiques sont conformes dans l’ensemble, quelques points sont sensibles :
– temps de la friction chirurgicale non optimum ;
– non-respect du temps de séchage de l’antiseptique alcoolique avant ponction de la veine profonde.
→ En hématologie : 20 réfections de pansements et 53 manipulations de connexions sont observées dans les deux unités de soins (HC et HJ). Les IDE et étudiants en soins infirmiers de jour sont audités, 3 fois maximum, de juin à juillet.
• Des écarts de pratique sont retrouvés :
– absence du port de masque pour le patient lors de la réfection du pansement (95 % de non-conformité) ;
– point de ponction non visible (100 % de non-conformité) ;
– utilisation des compresses non stériles lors de la manipulation des connexions (robinets).
• Des points sensibles sont évoqués :
– encombrement des chariots de pansement en HJ ;
– pas d’existence de fiche papier de surveillance ad hoc dans l’institution.
→ En radiologie, les dysfonctionnements sont rapidement améliorés avec une campagne sur l’hygiène des mains avec le caisson pédagogique. L’objectif étant une meilleure maîtrise de la friction chirurgicale par les médecins et de la friction simple par les manipulateurs en radiologie.
→ En hématologie, les professionnels audités s’approprient les résultats et participent à la mise en place d’actions de réajustement qui concernent la réfection des pansements :
– port de masque pour le patient lors de la réfection du pansement ;
– visibilité du point de ponction le plus souvent possible avec pansement transparent semi-imperméable (sauf si : allergie au pansement, refus du patient de voir le point de ponction…) ;
– respect du temps de séchage de 30 s minimum de l’antiseptique alcoolique avant de poser le pansement transparent semi-imperméable ;
– organisation optimum du chariot de pansement ;
– utilisation des compresses stériles pour la manipulation des connexions ;
– rédaction d’une fiche papier de surveillance.
Les audits réalisés sont dans l’ensemble conformes, certes. Les quelques écarts de pratiques soulignés peuvent-ils expliquer à eux seuls les phénomènes infectieux et/ou thromboemboliques ? Il n’est pas possible à ce stade d’identifier une cause principale responsable de la survenue de ce phénomène. Les causes sont multiples, à différents niveaux, et ont probablement toutes une part de responsabilité dans la survenue de ces infections.
Ces audits ont favorisé des moments d’échanges très riches avec les professionnels et également avec les patients, permettant de colliger d’autres causes possibles. Nous percevons d’autres risques potentiels infectieux sortant de notre champ hospitalier. Les patients rapportent les difficultés de prise en charge des Idel, mais aussi des autres professionnels exerçant en Ehpad, de CH, de Ssiad, etc., par manque de formation sur les Picclines. Afin d’optimiser la prise en charge de ce dispositif intravasculaire (DIV) tout au long du parcours de soins du patient, nous créons un livret de suivi remis au patient lors de sa sortie.
Alors que nous terminions la phase d’analyse des causes des infections sur Picclines en hématologie, un autre signalement interne nous confirme d’autres difficultés rencontrées par les infirmières. En octobre 2013, le chef de service de médecine interne, suspectant plusieurs infections sur Picclines et sur chambres implantables, alerte le service d’hygiène. Nous proposons le même audit que précédemment.
La prise en charge des chambres implantables, très usitées dans le service, est conforme au protocole institutionnel. Par contre, un manque de connaissances des Picclines génère du stress et met en difficulté les IDE du service. Le Piccline n’est pas maintenu à la peau par des fils, mais par un pansement collant dans lequel l’embase du Piccline vient se loger. La réfection est délicate, la mobilisation du cathéter est possible, ce qui génère une appréhension des IDE. Des moyens pour éviter d’enfoncer ou de ressortir le cathéter existent, mais faut-il encore les connaître. Parallèlement, nous recevons de nombreux appels des professionnels de gériatrie, de pédiatrie et de chirurgie qui évoquent les mêmes difficultés concernant l’entretien et la manipulation des Picclines. L’augmentation des poses sur le premier semestre 2013 est de 20 % par rapport au 1er semestre 2012.
En complément des audits effectués et devant l’ampleur de la problématique, nous avons réalisé une analyse systémique des causes avec le diagramme d’Ishikawa (voir ci-contre) afin de visualiser tous les facteurs favorisants cette problématique et de dégager un plan d’action global pour le CHU (voir tableau p. 44). Les axes d’amélioration sont identifiés et priorisés en fonction des causes relevées. En particulier, la méconnaissance de la technique de dépose du pansement transparent va conduire à organiser, conjointement avec le laboratoire les commercialisant, des informations sur la pose et dépose de pansement semi-imperméable transparent dans les services. Au vu de la généralisation des Picclines dans notre établissement, la nécessité de créer un outil pédagogique s’est avérée urgente.
Dans un premier temps, nous avons essayé de réaliser un film qui décline les différentes étapes du protocole institutionnel. Cette approche innovante et visuelle nous semblait pertinente et plus attractive pour l’apprentissage d’un geste nouveau. Mais le manque de matériel adapté et performant nous a conduit à réorienter notre travail. Nous nous sommes alors mobilisés pour créer un atelier en deux temps : une partie théorique qui permet de développer les connaissances, et une partie pratique pour simuler la manipulation du dispositif (réfection du pansement et manipulation du système de fixation à la peau, geste délicat, à risque infectieux et stressant pour les professionnels). En octobre 2013, un premier atelier sur la réfection de pansement est mis en place, avec une organisation adaptée à la disponibilité des soignants. Les sessions, planifiées sur 1 h avec soit 30 mn d’enseignement théorique, soit 30 mn d’enseignement pratique, s’enchaînent de 14 h à 17 h.
La partie théorique animée par les IDE hygiénistes, expertes des recommandations et des bonnes pratiques en hygiène, permet aux soignants de prendre connaissance du dispositif (indications, matériel posé au CHU, précautions standard, présentation des protocoles institutionnels, surveillance et traçabilité) et de reparler de toutes les voies centrales.
La partie pratique, animée par les IDE d’hématologie, expertes du soin sur les Picclines, recrée les conditions en service en simulant la réfection de pansement et manipulations des connexions. La réfection se réalise sur un bras mannequin prêté par l’Ifsi et crée ainsi une simulation de procédure.
Afin de faciliter l’information et le tutorat dans les équipes, les participants repartent avec les documents en lien avec cette formation.
Précision : nous ne présentons pas l’atelier comme un atelier de simulation. En effet la pédagogie par simulation est très cadrée : elle doit répondre à des critères définis par la HAS et être dispensée par des professionnels formés à cette approche. Notre expérience est un « embryon » de simulation.
146 personnes ont participé aux six séances proposées jusqu’en 2015. Nous avons accueilli des IDE, des puéricultrices, des préparateurs en pharmacie, des pharmaciens, des étudiants… Ces ateliers ont également été proposés aux formateurs de l’Ifsi et sont reconduits chaque année aux étudiants de 3e année.
Cette expérience a permis de stopper la survenue d’évènements indésirables liés aux risques infectieux et de développer la culture qualité chez les professionnels. Effectivement, suite aux causes évoquées lors des audits, les professionnels – loin de rester dans une attitude de culpabilité – ont participé activement aux réajustements de leurs pratiques et se sont engagés dans une démarche d’amélioration au niveau de notre institution. La dynamique des ateliers signe pour notre service, équipe support experte en hygiène hospitalière, toute la richesse d’une collaboration avec les professionnels du terrain. La démarche qualité et sécurité des soins au service des patients prend ici tout son sens. L’envie d’approfondir la pédagogie par simulation est très forte au sein de l’équipe d’hygiène, car celle-ci répond à la formation continue des professionnels d’une façon dynamique, participative. Nous disposons d’une unité de simulation en santé (Useem) au sein de notre établissement. En 2015, le programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) recommande de mettre à disposition des actions de formation par simulation, notamment pour prévenir le risque infectieux lié aux DIV.
La formation continue des personnels hospitaliers, de plus en plus contrainte face aux conditions de travail, reste une étape fondamentale. Une séance de simulation répondant aux critères de la HAS peut être validée en développement professionnel continu (DPC). Ainsi, les IDE hygiénistes du service d’épidémiologie et d’hygiène hospitalière ont participé à plusieurs sessions de formation sur la simulation. La prise en charge des patients en précautions complémentaires, prévention du risque infectieux lié au sondage urinaire sont les thèmes prégnants que nous voudrions enseigner par simulation, reste à écrire les scénariis. Le rapprochement avec l’Useem est en marche, et nous souhaitons vivement développer ces formations pour répondre à un besoin de constructions des compétences des professionnels au sein de notre établissement.
1- Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière. (www.grephh.fr/PDF/HygMains/technique/mains2_grilles.pdf).
2- « Gestion préopératoire du risque infectieux. Mise à jour de la conférence de consensus », SF2H, octobre 2013.
→ La démarche qualité est une dynamique de progression qui vise à réduire les écarts entre ce qui est fait et ce qui devrait être fait selon les référentiels ; des écarts mis en lumière lors d’évaluations des pratiques. Elle touche donc le cœur de métier : l’évaluation consiste à réaliser l’état des lieux de ses prestations et de son organisation, pour pouvoir prendre les bonnes décisions. La gestion des événements indésirables (EI) s’intègre dans cette démarche.
→ L’exemple décrit dans cet article reprend donc toutes les étapes d’une gestion d’EI : signalement (plusieurs cas d’infection sur Piccline), recherche et analyse des causes (causes immédiates et causes racines), à l’aide de la grille Alarm (voir schéma p. 45), mise en place d’actions visant à réduire les écarts.
→ La démarche de gestion des risques ne doit pas se centrer uniquement sur le traitement des causes humaines immédiates, visibles, des événements indésirables mais, pour lutter efficacement contre leur survenue, rechercher et traiter les conditions défavorables du système, c’est-à-dire les causes profondes ou dites latentes. Cette approche est la clé de la démarche qualité pour permettre aux professionnels de se dégager du sentiment de « faute » liée à une erreur humaine et les inciter ainsi à s’impliquer dans un réajustement des pratiques.
Les preuves scientifiques conduisent les professionnels à modifier leurs pratiques. Au CHU de Dijon, l’équipe opérationnelle en hygiène formalise la pose et la réfection des pansements des cathéters en une seule étape antiseptique, en s’appuyant sur :
→ la publication de la SF2H « Gestion préopératoire du risque infectieux » (2013), qui précise qu’ « aucune recommandation ne peut être émise concernant la détersion avant la réalisation d’une antisepsie sur une peau sans souillure » ;
→ l’étude Clean du Dr Olivier Mimoz, parue en 2015 dans The Lancet, qui fera bientôt l’objet de recommandations. Elle énonce que l’antisepsie en 4 temps n’apporte pas de bénéfice par rapport à l’antisepsie en 1 temps, pour la prévention des infections liées aux KT centraux de courte durée.
Dr Ludwig-Serge Aho-Glélé, chef de service épidémiologie et hygiène hospitalières,
Dr Caillot, service d’hématologie clinique,
Pr Loffroy, service de radiologie,
Pr Bonnotte, service de médecine interne.
L’une formatrice et l’autre apprenante, deux infirmières nous livrent leur retour d’expérience des ateliers pédagogiques mis en place au CHU de Dijon.
→ Delphine Naulier, IDE en hématologie
Elle se souvient de l’introduction au CHU, il y a quatre ans, des Picclines sans formation préalable des équipes : « Aucun service n’avait été informé des modalités à suivre pour faire la réfection du pansement par exemple, alors qu’il y a un système particulier de fixation du Piccline. Les soignants pensaient que c’était un cathéter veineux périphérique et non central. » L’audit, qui a duré plusieurs semaines, a été plus ou moins bien perçu selon les personnes. « Beaucoup de collègues ont vécu cela comme une période de stress. Ils avaient l’impression de redevenir étudiants. Et il fallait dégager du temps pour accueillir le service d’hygiène, ce qui n’était pas toujours évident. Il venait en milieu de matinée et nous suivait pendant la réfection du pansement. Au début, on était simplement observés. Puis, au fil du temps, l’équipe nous a posé des questions pour évaluer nos pratiques. » Néanmoins, l’infirmière reconnaît les bénéfices apportés par l’audit et la formation qui a suivi. « Cela nous a permis d’améliorer nos pratiques, nos connaissances, et de se réapproprier les protocoles internes au CHU, notamment par rapport à l’hygiène. Beaucoup de collègues viennent d’horizons différents et cela permet d’harmoniser nos pratiques. » Correspondante du service d’hygiène, elle a participé à la formation sur les Picclines. « Il y a eu de nombreuses demandes de la part des services et beaucoup de monde a suivi les ateliers. Les gens étaient plus intéressés par le côté pratique que théorique. Grâce à cette formation, la manipulation des Picclines est plus aisée. » Quant aux infections, « il n’y en a quasiment plus en hématologie ».
→ Éliane de Lapparent, IDE hygiéniste
Impliquée dans le mise en place des ateliers pédagogique, Éliane de Lapparent souligne l’importance de l’information et de la formation, notamment pratique, sous forme de mise en situation sur un bras artificiel fourni par l’Ifsi : « C’est plus simple d’expliquer les choses grâce à une démonstration concrète, plutôt que d’employer de grands discours. L’objectif était de mettre en situation l’infirmière pour qu’elle s’imagine en train de refaire le pansement à un patient et qu’elle puisse recenser les fautes à éviter. Les infirmières sont venues en nombre à l’atelier, ce qui prouve qu’il y avait un réel besoin. Le facteur stress pour les infirmières lors de la réalisation du pansement du cathéter était très important, car elles ne le maîtrisaient pas. Le pansement utilisé est très particulier, car le cathéter s’insère à l’intérieur et les infirmières avaient peur de l’arracher en changeant le pansement. » Même si l’audit s’était concentré sur le service d’hématologie, la formation, elle, a intéressé les autres services. « L’information s’est diffusée très vite dans d’autres unités, car ce n’est pas évident pour une infirmière qui travaille en Ehpad ou dans un service de rééducation de savoir de quoi il s’agit quand elle voit un patient avec un Piccline. Cette problématique de formation dépasse largement le cadre hospitalier car il faut aussi tenir compte de l’hospitalisation à domicile. C’est plus compliqué pour les infirmières libérales. » Éliane de Lapparent remarque qu’elles « prennent souvent les renseignements dont elles ont besoin auprès des infirmières hospitalières ». Ensuite, « c’est une question de pratique. Plus l’infirmière fait de pansements avec ce type de matériel, plus elle a une expérience. Les IDE qui sortent de l’Ifsi adhèrent vite à ce genre de dispositif, mais pour les infirmières plus âgées c’est plus compliqué, Elles ont besoin de plus de temps pour maîtriser tout ça ». Les réflexes semblent désormais acquis et les demandes d’informations se sont taries. « À l’heure actuelle, nous n’avons pas eu besoin de refaire d’atelier depuis l’année dernière. Cela valait la peine de consacrer du temps à tout ça. »
ANNE-GAËLLE MOULUN