QUID DE LA SÉDATION PROFONDE - L'Infirmière Magazine n° 372 du 01/06/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 372 du 01/06/2016

 

FIN DE VIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

MARIE FUKS  

En écho à l’actualité récente, la sédation profonde et continue était au menu des Journées nationales des infirmiers libéraux (Jnil), organisées les 31 mars et 1er avril. L’occasion pour les Idel d’appréhender les problématiques soulevées par ces nouvelles dispositions.

Depuis le 2 février, la loi créant de nouveaux droits en faveur des personnes en fin de vie autorise les acteurs de santé, à domicile comme en établissements de soins, à mettre en place une sédation profonde et continue (SPC) à la demande des patients. « Selon l’article 3, cette sédation a pour but, par des moyens médicamenteux(1), de rechercher une diminution de la vigilance, pouvant aller jusqu’à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient », explique Brigitte Hérisson, infirmière clinicienne en équipe mobile douleur et soins palliatifs gériatriques et responsable d’une enquête auprès de 133 infirmières libérales sur la mise en place d’une sédation à domicile dans un contexte de fin de vie(2).

Cette enquête montre que 70 % des Idel reconnaissent manquer de formation pour faire face à cette prise en charge alors que 60 % d’entre elles ont eu à mettre en place une sédation au moins une fois dans leur carrière. Elle souligne également, dans ce contexte, les diffi?cultés induites par l’isolement du soignant à domicile, le manque de présence des médecins traitants face à cette prescription, l’aspect chronophage de la surveillance et de l’accompagnement du patient et de sa famille (voir encadré), la lourdeur de l’organisation (traitement dispensé par les pharmacies hospitalières) et de la coordination à mettre en place, le manque de liens entre les acteurs et la difficulté de prendre des décisions collégiales à domicile.

Certains soignants évoquent aussi la crainte que ce traitement se banalise. Inversement, d’autres voient en la SPC une forme de libération, car, par sa demande, le patient détermine la réponse et le devoir du professionnel. « Ils perçoivent comme un progrès le fait que le patient puisse décider de sa fin de vie et sont eux-mêmes soulagés de disposer d’un environnement légal leur permettant de répondre à la demande de sédation des patients lorsque tous les moyens disponibles et adaptés ont été mis en œuvre en vain », poursuit Brigitte Hérisson.

De la pratique à l’éthique

Naturellement, la dimension éthique n’est pas sans interpeller un grand nombre de soignants qui s’inter?rogent sur l’ambiguïté du terme « sédation ». Le législateur a préféré à « sédation terminale », terme initial qui pouvait être interprété comme une euthanasie déguisée, celui de « sédation profonde et continue », plus en phase avec le caractère possiblement intermittent ou transitoire de la sédation. « Pour autant, souligne Brigitte Eugène, infirmière clinicienne et formatrice, la sédation reste un sujet qui prête à confusion et renvoie les soignants à de nombreuses questions éthiques : qu’en est-il de la vie intrapsychique des patients dans le coma pharmaco-induit ? La “bonne mort”, est-ce maîtriser et choisir le moment de sa mort ? Est-ce qu’une loi peut ré?pondre à la complexité de situations singulières qui renvoient toutes à la souffrance en fin de vie ? S’il faut mourir sans souffrance, l’idéal est-il de mourir en dormant ? »

Le fait que ce soit le malade qui, par sa demande, détermine la réponse et le devoir du soignant ne doit pas empêcher ce dernier de s’interroger sur la dimension éthique et le contenu de sa réponse et de son devoir.

1- Le médicament de référence est le midazolam (Hypnovel(r), Versed(r)).

2- Réalisée de septembre à fin octobre 2015.

À DOMICILE

Une disponibilité permanente

Chez l’adulte, la sédation profonde et continue consiste à injecter une dose horaire en perfusion continue égale à 50 % de la dose nécessaire pour obtenir un score de 4 sur l’échelle de Rudkin (yeux fermés répondant à une stimulation tactile légère). Le soignant doit évaluer la profondeur de la sédation toutes les 15 mn pendant la première heure, puis au minimum deux fois par jour (y compris la nuit) en adaptant la posologie du sédatif d’après le niveau de soulagement évalué par la profondeur de la sédation (score de Rudkin), l’intensité des effets secondaires, la douleur, la détresse respiratoire et l’agitation. Par ailleurs, un soutien et un accompagnement des proches doit être poursuivi, voire renforcé. Et en cas de sédation prolongée, le bien-fondé de son maintien au cours du temps doit être régulièrement questionné dans le cadre d’une réflexion collégiale, impliquant si possible le patient, la famille, le médecin traitant et l’infirmière.

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