L'infirmière Magazine n° 373 du 01/07/2016

 

VIH

DOSSIER

Un collectif d’associations se mobilise contre l’invisibilité des femmes atteintes par le VIH. Elles ont permis l’émergence d’une parole, mais les évolutions se font attendre.

Nous avons commencé à nous mobiliser lorsqu’il est apparu que les effets secondaires des traitements étaient différents pour les femmes, se souvient Carine Favier, co-présidente du Planning familial. Elles étaient, notamment, davantage concernées par les lipodystrophies (43 % contre 30 % des hommes). » En 2003, suite à un colloque du Planning familial, cinq associations se constituent donc en collectif afin de réfléchir et sensibiliser à la question : Act Up-Paris, Aides, le Kiosque, le Planning familial et Sida info service(1).

Outre les lipodystrophies, les femmes sous traitement sont exposées à une ostéopénie plus marquée, des accidents cardio-vasculaires plus fréquents, une élévation du taux de triglycérides. « Et comme elles sont peu intégrées aux essais thérapeutiques, elles sont régulièrement en surdosage », observe Carine Favier, qui exerce également comme infectiologue à Montpellier (34). Les femmes présentent également une moins bonne adhésion au traitement, souvent en raison d’une plus grande précarité sociale (difficultés du quotidien relatives au logement, à leurs ressources, à la gestion de la famille)(2). La dernière enquête ANRS-Vespa(3), en 2013, montre également que les femmes séropositives sont plus souvent déprimées et isolées.

Sensibilisation des professionnels de santé

Dès 2003, des premières rencontres sont organisées par le collectif interassociatif qui permettent également de se pencher sur les problématiques rencontrées dans la vie sexuelle : difficulté avec l’impératif du préservatif, sécheresse vaginale liée aux traitements, problème avec l’annonce du diagnostic à son partenaire ou lors d’une nouvelle rencontre. Les femmes concernées participent à des ateliers et trouvent enfin dans l’interassociatif des lieux pour parler. Les réunions du collectif et leurs journées annuelles ou bisannuelles se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui. Elles se sont également déclinées en région. « L’action du collectif a participé à la sensibilisation des professionnels de santé, remarque Carine Favier. Aujourd’hui, les médecins savent qu’ils doivent prêter une attention spécifique au suivi des femmes sous traitement, demander plus de dosages pour limiter la toxicité des traitements, etc. Mais c’est difficile de faire changer les choses. »

Et aujourd’hui, de nombreuses inégalités demeurent. « On a beaucoup parlé de l’insertion des femmes dans les essais cliniques, observe Carine Favier. Pour le VIH, elles sont aujourd’hui 15 % et cela stagne, alors qu’on compte environ 30 % de femmes parmi les nouvelles contaminations et que ce chiffre est en constante augmentation. »

L’une des préoccupations actuelles du collectif concerne la prophylaxie pré-exposition (Prep), un traitement actuellement proposé surtout aux homosexuels masculins. « Nous aimerions que la prévention soit axée sur les situations plutôt que sur les groupes auxquels les personnes appartiennent », explique l’infectiologue. En effet, de nombreuses femmes, engagées dans des échanges économico-sexuels pour survivre ou directement dans la prostitution, ne sont pas toujours en position de décider de l’usage du préservatif. « Et comme elles se sont montrées moins observantes dans les essais thérapeutiques sur la Prep, du coup, on ne leur propose pas, poursuit Carine Favier. Il reste donc à faire un vrai travail de sensibilisation pour que les femmes se sentent concernées et que la prévention soit proposée en fonction des situations à risques que l’on peut rencontrer. »

1- Le Collectif interassociatif femmes et VIH a évolué au fil des ans. Aujourd’hui, il réunit Act Up, le Planning familial, Sida info service, Médecins du monde, Aides, Frisse, Ikambéré, LFMR et Marie-Madeleine.

2- Burch L. et al. « Is the gender difference in viral load response to ART narrowing over time  » 15th European Aids Conference, Barcelona, abstract PS6/3, 2015.

3- L’enquête ANRS-Vespa a pour objectif de décrire de façon précise la vie des personnes séro-positives en France métropolitaine, aux Antilles et en Guyane depuis l’avènement des traitements contre l’infection VIH.

APPLICATION

Tavie-Femme 100 % féminine

La Chaire de recherche sur les nouvelles pratiques de soins infirmiers de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal (Canada) vient de développer une application pour tablettes et smartphones afin d’accompagner les femmes dans la gestion de leur traitement antirétroviral. Tavie-Femme est dérivée d’une application non genrée (VIH-Tavie) et inclut plusieurs modules sur écran en lien avec la contraception, la grossesse, l’annonce de la maladie aux enfants, le déni et doit permettre de lever les barrières à l’adhésion au traitement.