L'infirmière Magazine n° 373 du 01/07/2016

 

ÉDITORIAL

KAREN RAMSAY  

Excessives. Pertinentes. Dérangeantes. Informatives. Indécentes. Les campagnes de Médecins du monde divisent fréquemment l’opinion publique. « Make a child cry », « No excuses » : musclées, elles provoquent souvent, choquent parfois, mais ne laissent jamais indifférents… « Le prix de la vie », la petite dernière, n’est d’ailleurs pas en reste : dix affiches sur fond bicolore dénoncent avec cynisme le prix exorbitant des médicaments et la rentabilité des maladies chroniques… Refusée par les principaux réseaux d’affichage, elle en a fait un atout, criant à la censure au profit de l’industrie pharmaceutique. Car les chiffres laissent deviner un marché plutôt lucratif, et des marges conséquentes : 41 000 € pour douze semaines de traitement au Sovaldi, un antiviral à action directe utilisé contre l’hépatite C, pour un coût de production de 100 €(1) ; 40 000 € par an et par patient pour le Glivec, un traitement contre la leucémie, au coût de production de 200 €… Si les chiffres et les sources de cette campagne peuvent être questionnés, ils soulèvent malgré tout l’épineux débat sur le prix du médicament et des traitements innovants, la mainmise des laboratoires pharmaceutiques sur le système des brevets, et le poids que font peser ces traitements onéreux sur les finances publiques et, par conséquent, la question du remboursement de la Sécurité sociale. Une campagne coup de gueule « antilabos » ou vraie urgence sanitaire ? La polémique ne cesse d’enfler… Mais si d’aventure, une seule de ces affiches dit vrai, nous aurions déjà de quoi nous inquiéter. Pour le patient. Pour l’accès aux soins. Pour le prix de la vie.

1- Chiffres avancés par Médecins du monde, citant une étude du chercheur Andrew Hill, de l’université de Liverpool.