L'infirmière Magazine n° 373 du 01/07/2016

 

TEMPS DE TRAVAIL DES FONCTIONNAIRES

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FOCUS

AVELINE MARQUES  

Missionné par le Premier ministre, Philippe Laurent formule 34 recommandations destinées à réduire les différences, responsabiliser les acteurs… et rétablir certaines vérités.

C’est l’un des sujets les plus débattus, et pourtant l’un des moins connus. Près de quinze ans après la mise en place des 35 heures, il était urgent de réaliser un état des lieux du temps de travail dans la fonction publique (FP), objet de tous les fantasmes. « On oublie facilement ceux qui travaillent la nuit, les week-ends et jours fériés et dont la présence et les interventions sont devenues évidentes : IDE, sapeurs-pompiers, policiers… », souligne, en avant-propos, Philippe Laurent, président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Des contraintes de service public qui expliquent en partie que la durée annuelle de travail des fonctionnaires soit en moyenne inférieure de 1,4 % à la durée réglementaire (1 607 h) et plafonne à 1 584 h – voire 1 546 h dans la fonction publique hospitalière (FPH) –, bien loin des 1 694 h du secteur privé. Ainsi, les IDE de nuit ont une durée de travail hebdomadaire ramenée à 32 h 30. Lorsque ces sujétions n’ont pas d’impact sur la santé, le rapport appelle à les compenser par la rémunération, plutôt que par la durée du travail.

Exit les dérogations

Si certaines dérogations sont justifiées et prévues par la loi(1), d’autres posent question, comme les jours fériés locaux (Alsace-Moselle, DOM) ou les congés « exceptionnels » (fête des mères, etc.). Le rapport recommande d’inscrire dans les textes le principe d’une obligation annuelle de travail de 1 607 h, quel soit le nombre de jours fériés, et de mettre fin aux régimes dérogatoires et à l’attribution de jours d’absence dépourvus de base légale.

« La réduction du temps de travail dans la FP a sans doute été trop rapidement mise en œuvre et a été plaquée sur des organisations pré-existantes, non réexaminées », commente Philippe Laurent. Les jours de fractionnement(2) sont emblématiques : cette incitation à scinder ses congés pour la bonne marche du service « a perdu sa justification à partir du moment où les agents disposent d’un volume de jours RTT et de jours de congés tel qu’il est devenu aisé d’étaler ceux-ci tout au long de l’année », estime le rapport, qui préconise de laisser le bénéfice de ces jours aux seuls agents travaillant 35 h par semaine et ne disposant pas de RTT. « Les administrations sont confrontées aux demandes des agents de densifier leur temps de travail pour dégager davantage de jours de récupération ou de RTT. » Il en résulte un nombre de jours de congés et RTT cumulés de 45 jours en moyenne dans la FP, contre 36 dans le secteur privé. Mais dans la FPH, la tendance est inversée par la révision des accords sur le temps de travail, motivée par la nécessité de retrouver des marges budgétaires.

Afin de générer moins d’heures supplémentaires, le rapport propose de développer l’annualisation du temps de travail dans les services soumis à des variations saisonnières d’activité, comme la pédiatrie. Philippe Laurent suggère également d’aligner le temps de repos quotidien minimum de la FPH sur celui des deux autres versants, soit 11 h au lieu de 12, ou encore de mutualiser les astreintes qui donnent rarement lieu à des interventions.

1- Le décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail dans la FPH distingue les agents en repos variable (travaillant les week-ends et jours fériés) pour lesquels la durée maximale annuelle est de 1 582 heures par an, et ceux travaillant exclusivement de nuit (1 476 heures).

2- Dans la FPH, les agents ont 1 jour de fractionnement si les congés annuels sont pris en au moins trois périodes de 5 jours. De plus, ils bénéficient d’un congé « hors période » de 1 ou 2 jours s’ils posent plus de 3 jours ou de 6 jours entre le 01/11 et le 30/04.