Fraîchement diplômée, à 23 ans à peine, Véronique Bellenger prend une disponibilité de deux ans. Direction l’Arabie Saoudite. « Je cherchais un poste à l’étranger, c’était une opportunité de découvrir un autre univers. » Un « chauffeur » dormant chaque nuit devant sa porte pour sa sécurité…« Mon patron m’avais prévenue de la condition de la femme. » À Djeddah, Véronique dé?couvre les harems, la vie des saoudiennes. « Tu n’as rien compris, disaient-elles. Notre mari a plusieurs femmes, mais nous ne travaillons pas. Toi, tu es obligée d’être loin de chez toi pour gagner ta vie ! » CQFD.
De retour à Elbeuf, elle découvre le bloc. « Ça m’a plu, j’ai fait l’école d’Ibode. » Au cours d’une formation aux premiers secours, elle découvre la réserve sanitaire. « Une formatrice revenait d’Haïti, où ils avaient manqué d’Ibode. Je me suis renseignée, et j’ai rempli le dossier en ligne le soir-même ! ». Véronique se lance. « À la réserve, le cadre juridique est clair, je reste fonctionnaire et nous partons en sécurité. S’il y a danger, la mission est annulée. Je suis mère de famille, c’est important pour moi. Je pars pour une mission précise, faire X à l’hôpital Z, sauf contre ordre. »
→ En équipe. Pour Véronique, les départs se passent bien. « J’ai beaucoup expliqué, c’est essentiel que l’équipe comprenne, car c’est aussi grâce à elle que je peux m’absenter. » Après plusieurs formations, arrive sa première mission d’expertise médicale : direction la Lybie en 2011, après la mort du colonel Kadhafi, pour y recenser les besoins en matériel. « Je suis entrée dans un hangar plein de dons humanitaires. Tous les expatriés avaient été rapatriés à cause des conflits et personne ne savait ce qu’il y avait là. Une aide humanitaire sans coordination peut perdre son utilité… Avec notre pharmacien, nous nous en sommes occupé. » L’équipe, soudée, logeait dans un hôtel sécurisé de la ville. « Au retour, tu te retrouves seule sur un quai de gare après avoir passé 18 jours 24 heures/24 avec eux. À l’hôpital, les collègues demandent si tu as visité, s’il faisait chaud… il y a un vrai décalage, qu’il faut accepter. Heureusement, on reste en contact avec l’équipe, on échange beaucoup via les réseaux sociaux. »
L’année suivante, Véronique part au Congo, suite à l’explosion d’un dépôt de munitions. Une mission de soin, au bloc du CHU de Brazzaville, où « ils sont rois de la débrouille. Pour un pneumothorax, ils utilisaient une sonde urinaire faute de drain thoracique. Une poche au sol, le dénivelé permettant le drainage dans les meilleures conditions possible. » De fait Véronique relativise, aujourd’hui, quand un matériel n’arrive pas en temps et en heure. « J’ai pris de la distance avec les petits désa?gréments du quotidien ici », explique l’Ibode.
→ Nouveau challenge. Depuis, plus de missions, faute de disponibilité et de mission correspondant à son profil. « Je ne mets jamais mon équipe en porte-à-faux, si je vois que le planning ne le permet pas, je ne demande même pas à ma cadre. » Mais en 2014, un nouveau challenge lui est proposé : participer à la mise en place des formations d’exercice terrain (jusque-là effectué en externe). « On peut être force de proposition en tant que réserviste sanitaire, c’est un vrai plus. À l’hôpital, je n’ai jamais souhaité devenir cadre. En mission, en revanche, je pourrais être référente : responsable de l’organisation de la vie quotidienne en collaboration avec un médecin coordonnateur, en contact permanent avec le siège de la réserve et les autorités sur place. Pour des gens comme moi, en deuxième partie de carrière, ça permet de voir autre chose, qui n’a rien à voir avec l’exercice hospitalier habituel. »
Dans six ans, Véronique prendra sa retraite. « Je pourrai rester réserviste encore cinq ans, puis il faudra passer la main, mais il y a beaucoup de jeunes motivés ! J’aurai contribué au développement de cette institution encore “adolescente” à mon arrivée, c’est bien. »
1981 : Diplôme d’infirmière, Ifsi d’Elbeuf
1983 : Infirmière dans une clinique à Djeddah (Arabie Saoudite).
1996 : Diplôme d’Ibode, CHU de Tours.
2011 : S’engage comme réserviste sanitaire.
2011 : 18 jours en Lybie.
2012 : 12 jours au Congo.
Depuis 2014 : Réserviste référente.