L'infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016

 

AUTISME

ACTUALITÉS

REGARDS CROISÉS

FLORENCE RAYNAL  

Interdisant cette technique d’enveloppement dans le secteur médico-social, une récente circulaire a ravivé la polémique sur la prise en charge de l’autisme. Une pratique, qui pour les uns, aide ces enfants à intégrer leurs limites corporelles, mais est critiquée par d’autres.

Dr Anne-Marie Vaillant-Juteau « L’autisme est un territoire où les haines sont énormes »

En quoi consiste le packing et comment le pratiquez-vous ?

Le packing est un soin primordial chez les enfants autistes qui s’automutilent. Il n’existe aucun autre traitement efficace, y compris médicamenteux. Notre méthode consiste à envelopper durant 45 minutes le corps de l’enfant avec des serviettes passées sous l’eau froide et une alèse pour que le réchauffement soit rapide. L’idéal est de le pratiquer deux fois par semaine avec quatre personnes, dont un médecin et une IDE. Le packing n’a rien d’une contention : même en cas d’agitation et de mutilations, nous n’y avons recours qu’à heures fixes. Des pictos permettent à l’enfant de suivre le déroulement du soin. À partir de ses paroles ou de dessins, nous travaillons aussi sur ses angoisses. En pédopsychiatrie, nous recourons beaucoup aux outils cognitivo-comportementaux et le packing s’intègre à d’autres propositions.

Quels effets constatez-vous ?

Nous observons une amélioration du sommeil, de l’appétit, du contact. Nous n’avons jamais eu d’échecs avec des enfants qui s’automutilent, se dispersent dans l’espace et avec qui l’entrée en relation est difficile. Certains s’enroulent même tout seul par la suite dans des linges trempés pour se soulager. Les effets sont durables et les enfants ne se remutilent pas. L’une des raisons est que, lors du réchauffement, l’enfant perçoit son corps, ses limites. Certains enfants en ont une image partiellement construite et expliquent éprouver des moments de démantèlement, des angoisses terribles de vidage, d’explosion. Le pack est un soin corporel, mais aussi psychique, et il permet à l’enfant de se sentir unifié.

Certains l’assimilent pourtant à une maltraitance… Que pensez-vous de la circulaire du 22 avril ?

La maltraitance est de ne pas agir sur les automutilations. Les gens critiquant le packing ne le connaissent pas. Cela nécessite une forte alliance avec les parents. Nous n’en effectuons jamais sans leur accord, ni sans leur fournir une information complète. Des associations de parents tels le RAAHP(1) ou La main à l’oreille y sont d’ailleurs favorables. Le CHRU de Lille s’apprête à énoncer les résultats très probants cliniquement d’une vaste recherche à laquelle nous avons participé (voir encadré). Il est étrange que le Gouvernement ait produit une circulaire sans en tenir compte… Mais certains lobbies, qui défendent des approches purement cognitivo-comportementalistes à des fins financières, sont très puissants. L’attaque actuelle vise, à terme, la suppression des hôpitaux de jour et du sanitaire. L’autisme est un territoire où les haines sont énormes.

La prise en charge de l’autisme ne gagnerait-elle pas à réunir plusieurs approches ?

Nous sommes contre toute hégémonie, qu’elle soit psychanalytique ou comportementaliste. Les structures comportementalistes(2) coûtent très cher et leurs résultats ne sont pas meilleurs que ceux des hôpitaux de jour. Certains enfants n’ont pas d’enveloppe corporelle et ne peuvent pas faire d’acquisitions pédagogiques. C’est en les aidant dans les deux registres, en associant plusieurs méthodes, qu’ils pourront progresser.

M’hammed Sajidi « C’est une “mal traitance” au sens où on est là dans un défaut de soins »

Dès 2007, Vaincre l’autisme a alerté l’opinion sur le recours au packing. Que reprochez-vous à ce soin ?

Il n’existe aucun soin, ni traitement reconnu utile. La notion de « soin » est une terminologie de la psychiatrie française. Or, aucune étude n’a démontré l’intérêt du packing. Cette pratique, qui vise à calmer les personnes, vient de l’hydrothérapie. Cela n’a rien à voir avec les besoins des enfants autistes, qui n’ont par ailleurs rien à faire dans les structures psychiatriques, l’autisme étant un trouble neuro-développemental. Les promoteurs du packing disent qu’il ne s’adresse qu’aux cas les plus difficiles, mais nous, nous voyons surtout des enfants qui s’automutilent par carence de prise en charge. Quant à l’idée qu’ils en redemandent, cela pointe leur vulnérabilité. Le problème d’un enfant autiste, c’est la routine. Si on l’habitue à une pratique, il la réclamera par la suite. Cela ne prouve rien.

Quelles sont pour vous les alternatives à l’intervention psychiatrique ?

Au vu des données actuelles(1), les seules prises en charge donnant des résultats probants sont éducatives et comportementales. Et ces méthodes sont d’abord préventives. Après évaluation précise des difficultés et compétences de l’enfant, les programmes mis en place lui permettent d’évoluer et de ne surtout pas subir les frustrations qui génèrent justement des troubles du comportement. Toute personne autiste peut tirer profit de ces programmes, qui répondent au cas par cas à ses besoins. La France a 50 ans de retard en matière de prise en charge de l’autisme, car elle l’a toujours abordé comme un problème psychiatrique et a appliqué l’idéologie psychanalytique ou psychothérapique, ce que décrie la communauté scientifique internationale.

En quoi le packing serait-il une maltraitance ?

En dehors de la maltraitance directe - car en plus, beaucoup le pratiquent n’importe comment -, c’est d’abord une « mal traitance » au sens où on est là dans un défaut de soins, puisqu’on sait ce qu’il faut faire et qu’on ne le fait pas. On propose des traitements inadaptés et on prive nos enfants d’alternatives adéquates. Certains sont aujourd’hui complètement abandonnés chez eux. C’est intolérable. Ils n’ont pas à subir le retard des médecins. Accéder aux meilleurs traitements est une question de droit fondamental. Et donc de choix politique. Pourquoi l’État finance-t-il ces prises en charge sans résultats et qui ne font que psychiatriser ou médicaliser les personnes autistes ?

En limitant la pratique du packing, la récente circulaire va-t-elle dans le bon sens ?

La circulaire dit seulement qu’on ne financera pas le packing dans certains établissements, elle n’interdit rien : si ces structures obtiennent des fonds privés, elles pourront le pratiquer. Le packing est par ailleurs surtout utilisé en psychiatrie, l’interdiction doit donc émaner du ministère de la Santé. Vaincre l’autisme a demandé, en 2009, un moratoire sur son usage et continuera son combat dans ce sens. Le Gouvernement doit interdire définitivement cette pratique.

1 - Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle.

2 - Il s’agit, en particulier, des écoles utilisant l’approche éducative ABA (Applied Behaviour Analysis ou analyse appliquée du comportement).

1 - HAS, « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent », recommandations par consensus formalisé, mars 2012.

ANNE-MARIE VAILLANT-JUTEAU

PÉDOPSYCHIATRE, PRATICIEN HOSPITALIER

→ Depuis 1998 : exerce à l’hôpital de jour pour enfants séquentiel (ex-CATTP), à Corrèze (19), où elle a commencé à pratiquer le packing

→ 2011 : intègre l’HDJ « Les trois jardins » au sein du CH d’Aulnay-sous-Bois (93)

M’HAMMED SAJIDI

PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION VAINCRE L’AUTISME

→ 2001 : fonde l’association Léa pour Samy, qui deviendra Vaincre l’autisme en 2010

→ 2004 : retire des hôpitaux psychiatriques Samy, son fils autiste âgé de 14ans

→ 2009 : ouverture par l’association de la structure ABA FuturoSchool Paris

POINTS CLÉS

→ Circulaire Opposée au packing, la secrétaire d’État Ségolène Neuville a souligné le 21 avril 2016, devant le comité national autisme, que « cette technique n’est pas recommandée par la HAS et l’Anesm », qu’elle est considérée par l’ONU comme « un acte de maltraitance » et ne doit donc plus être employée dans les établissements médico-sociaux. Le 22 avril, une circulaire a interdit aux ARS de conclure des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec ceux qui y auraient recours. En réaction, une pétition en ligne a été lancée par les défenseurs du packing (bit.ly/29WRXk1).

→ Recherches Deux études sont en cours. Sous la responsabilité du Pr Delion, la première est menée depuis 2008 par le CHRU de Lille. Financée par le ministère de la Santé, elle compare pack humide et pack sec. Les résultats, jugés positifs, doivent paraître en septembre. La seconde étude se déroule à la Pitié Salpêtrière, à Paris. Selon le Pr Cohen, chef du service de psychiatrie et de l’adolescent, « les résultats préliminaires montrent que l’enveloppement humide par rapport à l’enveloppement sec provoque des modifications des paramètres physiologiques allant dans le sens d’une plus grande détente ».