L'infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

Annabelle Alix  

La réduction du temps de travail obéit à une réglementation stricte et précise… en constante évolution. Pas facile de s’y retrouver. Le point sur le casse-tête du temps partiel et de ses heures complémentaires.

Question temps partiel, le principe est simple : l’employeur est en droit de le refuser au salarié qui en fait la demande, sauf cas particuliers », pose Julien Pérony, juriste en droit social à l’Assad-HAD Touraine. La grossesse, le congé parental d’éducation à temps partiel ou les raisons médicales qui imposent une réduction du temps de travail font ainsi figure d’exception. Dans les autres cas, à l’appui de son refus, l’employeur doit démontrer qu’aucun poste à temps partiel équivalant à celui du salarié (ou relevant de la même catégorie professionnelle) n’est disponible. Retour sur les modalités de mise en place d’un temps partiel choisi.

Un temps de travail réduit

• Si elle obtient son temps partiel, l’infirmière est placée sur un pied d’égalité par rapport à son homologue à temps plein. Sa rémunération sera alors proportionnellement égale, elle jouit des mêmes avantages conventionnels et en cas de licenciement ou de départ en retraite, ses indemnités seront calculées au prorata. Son temps de travail, quant à lui, est strictement réglementé.

• À temps partiel, la durée hebdomadaire du travail est toujours inférieure à 35 h (ou son équivalent sur la période considérée). Mais elle atteint au minimum 24 h, ou son équivalent sur un mois ou sur une autre période prévue par accord collectif. Telle est l’obligation posée par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

• La durée du travail peut toutefois se réduire dans l’intérêt du salarié : étudiant de moins de 26 ans, raisons personnelles, ou pour permettre au salarié de cumuler les temps partiels en vue d’atteindre un plein temps (ou, à défaut, 24 h de travail). Les conventions collectives et accords de branche peuvent aussi réduire la durée hebdomadaire du travail en dessous de 24 h, sous réserve de contreparties pour le salarié. Même chose en cas d’horaires hachés : à temps partiel, les interruptions du travail entre deux plages d’intervention ne peuvent dépasser 2 h que si la convention collective de référence prévoit des compensations (voir interview ci-contre).

Dans le public aussi

• Dans la fonction publique, le temps partiel de droit (pour naissance, adoption, soigner un membre de sa famille, créer ou reprendre une entreprise, ou encore en raison d’un handicap de l’agent) permet de réduire la durée du travail à 50, 60, 70 ou 80 % d’un temps complet.

• Pour les agents de la fonction publique hospitalière, et uniquement pour eux, le temps partiel – accordé sous réserve de nécessités de service (avec l’accord de l’administration) – donne lieu aux mêmes réductions de temps de travail avec deux options possibles en plus : une à 90 %, et une à 75 %. Le temps partiel est demandé par écrit par l’agent pour une période de 6 mois à un an, renouvelable par tacite reconduction dans la limite de 3 ans.

• La rémunération est exactement proportionnelle au temps travaillé, sauf en cas d’un 80 % (rémunéré à 85,7 %) ou d’un 90 % (91,4 %).

Un formalisme imposé dans le privé

• « La conclusion d’un contrat à temps partiel impose un écrit », rappelle Julien Pérony. Contrairement au CDI à temps plein qui peut se résumer à un accord oral (sauf disposition de la convention collective), celui-là demande à être rédigé. Et certaines mentions doivent obligatoirement y figurer (voir encadré ci-contre).

Parmi elles, la durée hebdomadaire de travail. « Mis à part dans le secteur de l’aide à domicile, le contrat doit même prévoir la répartition des heures travaillées pour chaque jour de la semaine ou chaque semaine du mois », insiste le juriste. À défaut, le salarié est présumé embauché à temps plein ! En cas de litige aux prud’hommes, le contrat pourra se voir requalifié en temps plein. Et « pour éviter cette issue, l’employeur devra prouver, à la fois, la durée de travail et le fait que le salarié ne se tenait pas constamment à sa disposition et qu’il n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler », explique Éric Rocheblave, avocat en droit social au barreau de Montpellier (34). La cour de cassation s’est prononcée en ce sens dans un arrêt du 2 avril 2014.

• Toute modification dans la répartition de la durée du travail prévue au contrat doit, par ailleurs, être communiquée au salarié 7 jours en amont. Sous réserve de contreparties, les conventions collectives peuvent prévoir un délai plus court, dans la limite de 3 jours. Les entreprises et associations d’aide à domicile peuvent encore écourter ce délai dans les cas d’urgence prévus par convention, par accord d’entreprise, par accord d’établissement ou par accord collectif de branche étendu. « Cette disposition se justifie par les besoins des usagers, par exemple, lors des sorties d’hospitalisation soudaines qui nécessitent d’emblée une intervention à domicile », pointe Julien Pérony.

Des heures en complément

• En parallèle, le salarié peut effectuer des heures dites « complémentaires » dans les limites fixées au contrat. « Légalement, ces heures peuvent allonger de 10 % au maximum la durée de travail initialement prévue au contrat, développe Julien Pérony. Leur rémunération est majorée de 10 % ». Certaines conventions – celle de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD) ou celle des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (Fehap) – ou accords collectifs prévoient des dérogations permettant, quant à elles, d’augmenter d’un tiers la durée du travail initiale.

• Du côté de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), des compléments d’heures peuvent être prévus par avenant au contrat de travail pour des périodes temporaires. Hors ceux qui visent le remplacement d’un salarié absent, ces avenants sont limités à 8 par an, dont 4 à la demande de l’employeur. Le complément d’heures effectué dans ce cadre est majoré de 10 %. Toute heure complémentaire travaillée au-delà des 10 % légales ou de celles prévues par ces avenants est majorée de 25 %.

À noter : Les heures complémentaires ne peuvent pas être récupérées au moyen de jours de repos.

• Dans tous les cas, le refus d’accomplir des heures complémentaires au-delà des limites prévues au contrat ou lorsque le délai de prévenance de 3 jours n’a pas été respecté ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement.

Attention aux heures en trop

• Attention à ce que la durée du travail n’égale pas celle d’un poste à plein temps ! « Un contrat de 30 h auquel se rajouterait 10 h complémentaires conduirait le salarié à travailler 40 h par semaine, soit plus d’un temps plein », explique Julien Pérony. Or, en cas de litige aux prud’hommes, « si vous travaillez à 35 h, ne serait-ce que pendant un mois, votre contrat est automatiquement requalifié à temps complet », note Éric Rocheblave, reprenant les conclusions de la cour de cassation rendues dans un arrêt du 16 décembre 2015. En clair, « la durée du travail des infirmières à temps partiel ne doit pas excéder 34 h par semaine, heures complémentaires comprises ! », résume Julien Pérony.

• Les heures complémentaires s’étalant sur 12 semaines – consécutives ou non – sont également à proscrire si elles dépassent en moyenne 2 h par semaine. En effet, « si l’IDE a signé un contrat de 10 h par semaine, mais qu’elle en a réalisé 13 en moyenne sur une période de 12 semaines, elle peut demander à ce que son contrat passe à 13 h par semaine », conclut Julien Pérony.

Le document

Le contrat de travail à temps partiel

Un contrat de travail à temps partiel comporte certaines mentions obligatoires, décrites à l’article L. 3123-14 du code du travail :

– la qualification du salarié ;

– les éléments de la rémunération ;

– la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail ;

– la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (sauf pour les salariés des associations et entreprises de l’aide à domicile et ceux relevant d’un accord collectif de travail sur le sujet) ;

– les cas de modification éventuelle de la répartition de la durée du travail ;

– les modalités de communication écrite des horaires de travail au salarié (communication mensuelle pour les salariés de l’aide à domicile) ;

– les limites dans lesquelles les heures complémentaires peuvent être accomplies.

SAVOIR PLUS

→ Articles L. 3123-1 et suivants du code de travail sur le travail à temps partiel.

→ Accord de branche du 3 juin 2014 relatif au travail à temps partiel (FHP, Synerpa).

→ Chapitre premier de la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

→ Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

→ Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 relative au statut de la fonction publique hospitalière, art. 41-1, 46, 46-1, 47.

→ Décret n° 82-1003 du 23 novembre 1982 relatif aux modalités d’application du régime de travail à temps partiel des fonctionnaires hospitaliers.

INTERVIEW

JULIEN PÉRONY JURISTE EN DROIT SOCIAL À L’ASSAD-HAD, TOURS (37)

Qu’est-ce que le temps partiel annualisé ?

• Il s’agit d’un dispositif d’aménagement du temps de travail, mis en place par accord collectif, dont nous faisons l’usage à l’Assad-HAD. Ce dispositif (interdit dans la fonction publique hospitalière, NDLR) permet de décompter et répartir les heures de travail d’un salarié recruté à temps partiel, non plus sur la semaine, ni sur le mois… mais sur l’année (ou sur une période de référence définie au contrat).

Comment cela se passe-t-il en pratique ?

• À l’embauche, le volume horaire de travail de l’infirmière est évalué sur l’année, en incluant les périodes « hautes » (semaines de forte activité) et des périodes « basses » (semaines de plus faible activité). La moyenne des heures effectuées sur ces différentes périodes nous donne la durée de travail hebdomadaire à inscrire au contrat. Il sera convenu d’une rémunération fixe, correspondant à la durée moyenne hebdomadaire de travail. En fin d’année – ou à la fin de la période de référence définie au contrat –, nous dressons la somme des heures réellement effectuées.

Que se passe-t-il en cas d’écart avec le nombre d’heures initialement prévues sur l’année ?

• Une fois ce calcul effectué, si le nombre d’heures travaillées excède celui prévu au contrat, nous rémunérons les heures effectuées en trop au titre d’heures complémentaires. Celles-ci sont donc majorées de 10 % ou 25 %, selon leur nombre. Dans le cas contraire, nous ne demandons pas de remboursement au salarié, bien sûr !

Quel est l’avantage de ce dispositif ?

• Cette organisation nous offre une plus grande flexibilité. Nous pouvons adapter le volume horaire des infirmières en fonction des besoins du terrain. Le dispositif évite également la multiplication des avenants. Mais il est plutôt à l’avantage de l’employeur, car le calcul des heures complémentaires se fait en fin de période, ce qui permet de rééquilibrer en cours d’exercice le temps de travail de chaque salarié.

PROPOS RECUEILLIS PAR A.A.