Les oubliés - L'Infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 374 du 01/09/2016

 

PATIENTS

DOSSIER

Directement concernées par la mise en place des GHT, les associations de patients et d’usagers regrettent de ne pas avoir été impliquées dans la nouvelle donne hospitalière.

Les agences régionales de santé ont fait comme Charles Pasqua en son temps avec la carte électorale… Elles ont pris des ciseaux et, seules dans leur coin, ont découpé les territoires pour assembler des hôpitaux les uns aux autres, sans aucune concertation avec les associations de patients », s’irrite Christian Saout, secrétaire général délégué du Collectif interassociatif de la santé (Ciss). Pourtant concernés au premier chef par la nouvelle organisation de l’offre de soins, patients et usagers semblent donc les grands oubliés des tours de table et négociations, alors même que la création des filières de soins que les GHT portent va structurellement modifier les modalités de prise en charge. « Il n’y a qu’à lire le modèle de convention constitutive rédigé par le ministère de la Santé pour se rendre compte qu’il existe un problème d’équation participative dans leur élaboration. Ainsi, le document détaille sur trois pages la composition et les missions de la commission médicale d’établissement alors qu’il consacre seulement deux lignes à la commission des usagers. Commission dont on ne sait toujours pas qui va la composer et quel sera son rôle ! Quant au projet médical partagé, avec qui va-t-il l’être ? Pas avec les bénéficiaires finaux en tout cas, puisqu’il ne sera même pas présenté aux conférences régionales de santé et de l’autonomie(1). Bref, à nos yeux, les GHT sont le symbole de l’entre-soi hospitalier », juge le secrétaire général délégué du Ciss.

Quid de la démocratie en santé ?

Une absence de dialogue qui « se traduit par une gouvernance des GHT en pelure d’oignon. La première couche est constituée par la direction du GHT et la commission médicale d’établissement qui détiennent le pouvoir de décision ; puis d’une seconde, constituée par les élus locaux mais qui, eux, ne participent pas aux décisions, et enfin par une troisième, où l’on trouve les associations de patients et les organisations syndicales qui restent très éloignées de toutes des discussions et réflexions et, par conséquent, absolument pas associées au processus décisionnel et au fonctionnement du groupement. De fait, les GHT sonnent un net recul de la démocratie en santé », estime Pierre Laporte, vice-président chargé de la solidarité du conseil départemental de Seine-Saint-Denis et qui a animé en juin dernier une conférence de santé de territoire dédiée aux GHT. Un constat partagé par Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy) : « Le ministère de la Santé ne nous a conviés à aucune rencontre ou discussion autour de la création des GHT. Les seuls travaux auxquels nous avons été associés ont eu lieu dans le cadre informel de réunions auxquelles participent les familles, les usagers, les professionnels avec les directeurs d’hôpitaux de la Fédération hospitalière de France (FHF), alors que cette réforme est faite au nom des patients ! »

Mais les GHT n’ont pas que des détracteurs dans le milieu associatif. Vice-présidente de La Ligue contre le cancer, Claudine Bergoignan-Esper estime que la réforme « est favorable aux patients puisque les GHT ont notamment pour objectif de traiter les inégalités de l’offre de soins entre les régions et l’inégal accès aux soins pour la population. En tant qu’association de patients, nous ne pouvons donc que souscrire à cette démarche ». Cependant pour la Ligue, il n’y a pas de chèque en blanc : « Une évaluation et un bilan du nouveau dispositif seront nécessaires afin de mettre en regard les objectifs initiaux et les résultats obtenus. »

Autre point soulevé par les associations : la diminution de la liberté d’aller et venir des usagers dans le système de soins au profit de la logique de filières déployée avec les GHT. « On a beau nous dire le contraire, la réalité plaide pour nous, poursuit Christian Saout. Par exemple, si vous habitez à Brioude et que l’hôpital est raccroché au Puy-en-Velay, l’hôpital de référence ne sera pas Clermont-Ferrand mais Saint-Étienne. Conséquence, au lieu d’une heure, il en faudra deux pour se rendre à une consultation ! Nous sommes très circonspects, avec la crainte, au fond, que le GHT, qui pourrait être un outil de mutualisation de moyens, soit celui de la restructuration et, qu’à terme, ferme des établissements. »

1 - Créée en 2009 par la loi HPST, la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) est une instance de démocratie sanitaire consultative qui concourt par ses avis à la politique régionale de la santé.