L'infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016

 

RENCONTRE AVEC

CARRIÈRE

PARCOURS

F. R.  

“Dans cet univers marqué par la contrainte, avec ces jeunes à qui on n’a pas souvent demandé comment ils se sentent, la santé apporte une bouffée d’air”

C’est par un voisin éducateur qu’après avoir travaillé aux urgences, en psychiatrie, en rhumatologie, en chirurgie, en gynécologie… ou encore après avoir dirigé la halte-garderie des Français en Allemagne, puis goûté à la santé au travail à Besançon, qu’Annie Robert a connu la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). « L’exercice auprès d’ados en difficulté et sous mesure judiciaire semblait très intéressant », se souvient-elle. Un jour, l’éducateur lui a annoncé que la PJJ recrutait localement une seconde infirmière. « Je me suis dit pourquoi pas. J’ai été reçue en entretien par le directeur territorial adjoint. Le poste m’est apparu assez flou… Peut-être ne voulait-il pas que je mesure l’ampleur de la tâche ! », s’amuse-t-elle. Bref, l’infirmière se lance et, 13 ans après, elle exerce toujours à la PJJ, en tant que conseillère technique en promotion de la santé à la DT Franche-Comté. Un titre officiel auquel elle accole volontiers celui d’infirmière car, insiste-t-elle, « c’est mon cœur de métier ».

→ La force du partenariat. La place d’infirmière n’était pas facile à prendre, mais peu à peu les missions se sont clarifiées : les politiques de santé, le conseil technique au directeur, le soutien aux équipes éducatives. En particulier, un partenariat très riche avec la maison des adolescents se mettait en place. Durant cinq ans, Annie Robert y a ainsi exercé une mission à quart temps. « J’y serais sans doute encore si je n’étais pas ensuite partie à la PJJ à Lyon, pour suivre mon compagnon », explique-t-elle. Une « belle expérience » qu’elle aurait aimé prolonger, même si à Lyon, les publics étant différents, elle reconnaît s’être « nourrie de nouvelles approches ». À la maison des adolescents, l’infirmière a beaucoup apprécié la grande richesse du travail en pluridisciplinarité. « Ce partenariat a permis que les jeunes de la PJJ soient bien repérés, qu’ils aient des entrées facilitées et un meilleur accès aux soins. On montait aussi des ateliers de médiation visant à favoriser l’expression des jeunes… », se souvient-elle avec bonheur.

→ Au rythme des jeunes. Annie Robert apprécie fortement de s’impliquer pour les mineurs de la PJJ. « Aujourd’hui, je ne sais pas avec quel autre public je pourrais travailler. L’adolescence est vraiment une période de la vie intéressante. Rien n’est figé. On voit des évolutions hyper étonnantes », assure-t-elle. Avec ces ados, les relations sont, selon elle, toujours bonnes, les infirmiers à la PJJ n’ayant pas à faire de rappel au cadre. « Dans cet univers marqué par la contrainte, avec ces jeunes à qui on n’a pas souvent demandé comment ils se sentent, la santé apporte une bouffée d’air », analyse-t-elle. L’IDE apprécie par ailleurs de devoir sans cesse inventer. « Faire un Power Point sur les addictions, c’est mort d’avance ! Il faut partir de ce que les jeunes ont envie de faire, de dire, aller sur leur terrain. Si on leur impose, ça ne marche pas », assure-t-elle. Souplesse, créativité, capacité à rebondir sont indispensables. « On a de belles surprises, mais on essuie aussi des échecs. Inutile de se vexer, c’est que ce n’était pas le bon moment, c’est tout. Il ne faut surtout pas prendre pour soi les symptômes d’une souffrance », poursuit-elle. L’essentiel est de ne pas lâcher pour que s’établisse un lien de confiance et qu’un travail puisse s’effectuer.

→ Semer quelques graines. Si une large part de son activité s’effectue à distance des jeunes et des équipes éducatives, Annie Robert garde toujours en mémoire que le sens de sa mission est d’améliorer la santé des mineurs. Elle apprécie pour ce faire la grande liberté d’action laissée aux infirmières, qui permet de lancer diverses initiatives. Annie Robert sait cependant qu’il « ne faut rien attendre dans l’immédiat » et qu’il s’agit surtout de semer des petites graines. « Notre devoir, estime-t-elle, est d’étayer le jeune dans sa prise en charge en termes de santé, d’autonomie, d’estime de soi. Autrement dit de mieux-être… à défaut de bien-être. »

MOMENTS CLÉS

1984 : DE infirmier.

2004 : Entrée à la PJJ par voie de détachement de la fonction publique hospitalière (CHU de Rouen).

2007-2008 : DU « Adolescents difficiles, approche psycho-pathologique et éducative », à l’université Lyon 3.

2007-2016 : Exerce à la direction territoriale Franche-Comté (sauf de 2012 à 2013, où elle occupe le poste infirmier à la DT Rhône-Ain).