L'infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

ADELINE FARGE  

Cadencement unique, révision du nombre d’échelons, modalités de reclassements… Les décrets et arrêtés parus fin mai visent à valoriser et harmoniser les carrières des agents dans les trois fonctions publiques.

Le protocole sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) commencera bientôt à porter ses premiers fruits dans les hôpitaux. Publiés le 21 mai dernier au Journal officiel, les décrets et arrêtés visent à harmoniser et à favoriser les avancements de carrière des agents paramédicaux et sociaux, afin de mieux reconnaître leurs qualifications.

Réorganisations des carrières

• Selon les dispositions relatives à certains corps paramédicaux de la catégorie A (décret n° 2016-639 du 19 mai 2016), les trois premiers grades du corps des IDE ne compteront plus que 10 échelons au lieu de 11. Le quatrième grade ne comportera plus que 6 échelons contre 7 actuellement.

• Du côté, des infirmières de catégorie B (décret n° 2016-640 du 19 mai 2016), la « classe normale » passera de 9 à 8 échelons tandis que la « classe supérieure » comprendra 8 échelons contre 7 actuellement.

• Les règles de reclassements des agents concernés dans les nouvelles structures de carrières, qui toutes prendront effet au 1er janvier 2017, sont également précisées. Ainsi, une infirmière en soins généraux et spécialisés de catégorie A qui était jusqu’à présent au 9e échelon du premier grade sera reclassée au 8e échelon du même grade. Elle bénéficiera cependant du maintien de son ancienneté acquise dans son échelon d’origine. « C’est une question de justice entre les professionnels. Les infirmières qui étaient au 2e échelon vont se retrouver au même niveau que celles recrutées récemment. Il faut tenir compte de cette différence dans leurs années d’exercices et ne pas leur faire recommencer leur carrière de zéro », explique Florent Le Fraper, consultant chez Gereso.

Cadencement unique

• Parmi les autres mesures phares du protocole PPCR figure l’instauration depuis le 22 mai 2016 d’un cadencement unique pour l’avancement des échelons. « Le cadencement unique supprime donc les durées d’avancement maximales, moyennes et minimales au profit d’une durée d’avancement d’échelon fixe accordée de droit à chaque agent », souligne l’instruction ministérielle du 21 juillet 2016.

• Autrement dit, l’avancement d’échelon, accordé de plein droit et de façon automatique, est seule fonction de l’ancienneté. La valeur professionnelle n’étant plus prise en compte, les agents ne pourront plus profiter d’une réduction d’ancienneté et devront respecter les durées prévues à chaque échelon pour progresser dans leur carrière.

• À noter, pour l’année 2016, seuls les personnels dont l’avancement d’échelon à la durée minimale prend effet au plus tard le 21 mai 2016 peuvent bénéficier de cet avancement accéléré, et ce, quelle que soit la date de la commission administrative paritaire locale.

• Ce changement vise à harmoniser les déroulements de carrières dans les trois versants de la fonction publique et à résorber les inégalités entre les agents. « Qu’ils travaillent dans une maison de retraite ou bien dans un centre hospitalier, les agents avanceront tous à la même vitesse. Auparavant, les agents dotés d’une note supérieure à la moyenne de leur catégorie pouvaient bénéficier d’une bonification de leur avancement selon le bon vouloir de leur direction. Dans les plus petits établissements, en raison des contraintes budgétaires, peu en profitaient », rappelle Annick Bessat, secrétaire fédérale en charge de la fonction publique hospitalière de la CFDT santé sociaux. De son côté, Florent Le Fraper prévient que « mécaniquement, les agents vont subir un ralentissement de leur déroulement de carrière. Ils mettront plus de temps à atteindre l’échelon à partir duquel ils sont promouvables à la classe supérieure ».

Avancement de grades…

• Pour être promouvable au second grade, l’IDE de catégorie A en soins généraux et spécialisés doit disposer de deux ans d’ancienneté dans le 4e échelon et dix ans de services effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois à caractère paramédical de la catégorie A.

• Peuvent être promus au troisième cadre les agents du deuxième grade titulaires soit du DE d’infirmier de bloc opératoire, soit du DE de puéricultrice, soit d’une autorisation d’exercer ces professions, comptant au moins un an d’ancienneté dans le 4e échelon de leur grade et ayant accompli 10 ans de services effectifs.

• Les agents du troisième grade titulaires du DE d’infirmier anesthésiste ou d’une autorisation d’exercer cette profession, ayant atteint au moins un an d’ancienneté dans le 4e échelon de leur grade et ayant accompli dix ans de services effectifs, peuvent être promus au 4e grade.

• Les personnels restés en catégorie active (B) pourront être promus à la classe supérieure s’ils justifient d’au moins deux ans d’ancienneté dans le 4e échelon du premier grade et 10 ans de services effectifs dans un corps, cadre d’emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau.

… selon des critères variables

• Attention, contrairement à l’avancement d’échelon, le passage au grade supérieur, qui correspond à une grille plus intéressante, ne constitue pas un droit pour les fonctionnaires. Au-delà de l’ancienneté, les agents éligibles à un avancement par choix doivent remplir plusieurs critères, variables selon les établissements, comme la valeur professionnelle.

• Après avoir appliqué les taux de promotion fixés par arrêtés ministériels, les services des ressources humaines soumettent les tableaux d’avancement de grades comme ceux relatifs aux échelons, à l’avis des commissions administratives paritaires locales (CAPL). Ces derniers doivent également être mis à disposition des agents au sein de l’établissement. « Ces commissions s’assurent de l’équité dans les déroulements de carrière. L’avancement de grade est laissé à la discrétion de l’employeur. Mais les agents ont la possibilité de faire valoir leur situation auprès du service des ressources humaines ou de leur direction », insiste Matthieu Girier, vice-président de l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess).

• Afin d’éviter que certains fonctionnaires plafonnent dans leur carrière, le protocole PPCR réaffirme toutefois le principe selon lequel chaque fonctionnaire, dont la valeur professionnelle le justifie, pourra effectuer une carrière complète sur au moins deux grades.

Des mobilités simplifiées

• Le protocole PPCR prévoit d’offrir des parcours plus diversifiés et de faciliter les mobilités entre les trois versants de la fonction publique, mais aussi entre établissements, notamment sur un même territoire. Les détachements seront simplifiés grâce à l’élaboration d’architectures de carrières et de rémunérations communes aux filières professionnelles identiques. « Les infirmiers en soins généraux et spécialisés qui avaient, avant leur nomination, la qualité de fonctionnaires d’un corps ou d’un cadre d’emplois de catégorie A, B et C ou de même niveau sont classés dans leur grade à l’échelon comportant un indice brut égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à l’indice brut qu’ils détenaient dans leur grade d’origine », précise le décret relatif à l’organisation des carrières de certains corps paramédicaux de la catégorie A. Le but ? Limiter les enjambements de carrière, c’est à dire une rupture d’égalité entre deux agents intervenant lors d’un changement de corps du fait d’une nouvelle réglementation.

• Des bourses d’emplois publics seront également crées pour apporter une plus grande transparence sur les vacances de postes.

• Par ailleurs, une concertation devrait être conduite avec les membres du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière pour fixer les modalités de mise en place d’un droit à la mutation entre établissements.

SAVOIR PLUS

→ Décret n° 2016-639 du 19 mai 2016 (organisation des carrières pour la catégorie A)

→ Décrets n° 2016-582 du 11 mai 2016 et n° 2016-640 du 19 mai 2016 (catégorie B)

→ Instruction ministérielle n° DGOS/RH4/DGCS/4B/2016/237 du 21 juillet 2016 (http://bit.ly/2cgcvoI)

→ Site de la fonction publique : http://bit.ly/2cL3oM5

INTERVIEW

RENAUD DE LAUBIER AVOCAT SPÉCIALISÉ EN DROIT DE LA SANTÉ ET DE LA FONCTION PUBLIQUE AU BARREAU DE MARSEILLE

Quelles sont les avancées du protocole PPCR sur les carrières ?

• Le protocole sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR) tend à corriger les inégalités et à réduire les risques de discriminations. Désormais, l’avancement d’échelon sera de droit et les durées fixes. Le cadencement unique atténue la place de la valeur professionnelle dans les avancements d’échelon. Celle-ci pouvait être affectée par les mauvaises relations avec l’employeur et ne pas être toujours objective. Cette réforme va assurer une meilleure transparence dans les déroulements de carrière.

• Comment les établissements hospitaliers vont devoir s’adapter ?

• Le PPCR va faciliter la gestion des carrières pour les employeurs. Le plus technique sera de reclasser les agents dans les nouvelles grilles et d’adapter les systèmes informatiques. Les services des ressources humaines vont devoir remettre à jour leur logiciel de paie, harmoniser les durées d’avancement pour chaque catégorie de personnel… Comme seule l’ancienneté sera prise en compte pour l’avancement d’échelon, les risques d’erreurs seront par la suite limités. Les contrôles par les commissions administratives paritaires locales seront aussi simplifiées. Cependant, les agents peuvent toujours s’informer auprès du service des ressources humaines de la date de la prochaine commission et demander leur inscription sur les tableaux d’avancement de grade.

• Quelles démarches doit effectuer un agent s’il se retrouve lésé dans son avancement ?

• Un agent confronté à une discrimination, une inégalité ou encore un refus d’inscription au tableau d’avancement, a la possibilité de contester les décisions prises par la direction. Même s’il sera difficile d’aller jusqu’au bout, le professionnel pourra engager un contentieux si le déroulement de sa carrière est pénalisé par le cadencement unique ou un reclassement à un mauvais échelon. Il faut commencer par adresser un recours gracieux au directeur de son établissement ou au DRH. Si au bout de deux mois, il n’a pas eu de retour, l’agent devra engager un recours devant le tribunal administratif. Si sa situation est devenue complexe, il peut se tourner vers les organisations syndicales ou être assisté par un professionnel du droit.

PROPOS RECUEILLIS PAR A. F.