Encourager les sourds à accéder aux métiers du soin : telle pourrait être l’une des clés pour améliorer leur prise en charge. Encore faudrait-il que les formations leur soient accessibles…
Qui mieux que les sourds peuvent comprendre leurs semblables et les soigner correctement ? Pour le Dr Benoît Drion, responsable de l’unité d’accueil et de soins pour sourds (UASS) de Lille (59), c’est une évidence : « Favoriser l’accès des étudiants sourds au métier de soignant est quelque chose qui me tient à cœur. Car, quel que soit le niveau de LSF que peut avoir un entendant, un sourd sera toujours beaucoup plus performant pour la communication. Il est le plus à même de posséder la double compétence : métier et LSF. » Travaillant aux côtés de soignants sourds (une infirmière, une art-thérapeute, des intermédiateurs, etc.), le médecin connaît d’expérience tous les bénéfices que représente l’accès des sourds aux métiers du soin. Bénéfices qui peuvent aussi toucher les entendants : personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles cognitifs, personnes déficientes intellectuelles, patients trachéotomisés, aphasiques… « Les sourds de naissance ont développé des stratégies de communication non verbales qui peuvent être utiles dans de nombreuses situations », souligne-t-il.
Mais pour le moment, peu de sourds parviennent à décrocher un diplôme dans le secteur de la santé, faute de cursus adapté et parfois d’a priori. Dans le Nord, l’Institut de formation d’aides-soignantes (Ifas) de Lomme propose depuis une dizaine d’années une formation accessible aux personnes sourdes avec l’appui d’interprètes LSF (prise en charge financièrement par l’Agefiph
Pourtant, l’Ifsi du centre de réadaptation et d’insertion professionnelle à Castelnau-le-Lez (34) forme chaque année entre un et trois infirmiers malentendants, selon les promotions
Mais les problèmes d’alarmes ou de sonnette peuvent, eux, être résolus avec un boîtier lumineux. « En stage, on remarque des étudiants qui développent d’autres aptitudes très appréciées, comme l’observation très fine, souligne Patrice Thuaud. Mais le problème ne se situe jamais du côté du patient, mais plutôt du côté des équipes. Avoir un collègue en situation de handicap n’est pas encore entré dans les mœurs à l’hôpital… » Car cela suppose en effet de modifier certaines modalités de travail, privilégier les échanges par SMS ou mail plutôt que par téléphone, par exemple. « Quand on embauche un sourd qui a dû se battre pour faire ses études, on a l’assurance d’avoir quelqu’un de très motivé », assure pourtant le Dr Benoît Drion. Une denrée pourtant rare, tellement rare que les UASS peinent souvent à recruter des infirmiers sourds…
1- Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
2- L’Ugecam Languedoc-Roussillon vient d’ajouter une formation d’aide-soignante, ouverte aux personnes malentendantes.
Sourd comme son interlocuteur, l’intermédiateur partage avec lui une langue, mais aussi une culture. Contrairement à un interprète LSF qui traduit de manière fidèle, celui-ci reformule le discours ou interpelle directement la personne sourde pour s’assurer qu’elle a bien compris. On pourrait penser qu’ajouter un échelon de plus dans la relation (intermédiateur, interprète, professionnel de santé) rendrait les choses plus complexes, mais « c’est tout le contraire, insiste Joëlle Blanchard, intermédiatrice au CHU de Grenoble (38). Certains sourds vont être bloqués face à un interprète, car ils ont été habitués à ce que leur famille parle à leur place. L’intermédiateur est là pour les rassurer et faciliter la communication. Son but est de permettre aux sourds d’être autonomes. » En 2014, une licence professionnelle a été créée à la faculté d’Aix-Marseille.