L'infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016

 

ROMAN

RENDEZ-VOUS

ZOOM

Catherine Faye  

« Bonsoir Madame. Veuillez excuser mes compagnes, c’est pareil toutes les nuits, c’est plus fort qu’elles, il faut qu’elles racontent. » Tandis que Madame dort, trois femmes s’affairent autour, troublées par sa présence. Piquées de curiosité, Mo, Nin et Percie cherchent à découvrir les raisons de l’internement de la nouvelle venue. Dans la chambre que seuls quatre lits, quatre chaises et quelques vêtements blancs et grèges habillent, les trois femmes lèvent peu à peu le voile sur son secret, se le réappropriant, chacune à sa manière, avec sa propre langue, sa propre histoire. Ce roman met en scène ces patientes, consignées dans une chambre d’asile psychiatrique, au cours d’une nuit scandée par le passage d’un veilleur invisible. « Nous sommes sur la scène du monde », argue Percie, et Mo s’interroge : « Qui regarde ? » Ce huis clos semble faire écho à la pièce de Sartre dans laquelle Inès décoche à ses codétenus : « Pour qui jouez-vous la comédie ? Nous sommes entre nous. » François Emmanuel tisse un suspens fêlé et poétique dans ce texte où les sonorités lexicales renforcent un rythme sans appel. On sent en filigrane la démarche du psychiatre où la cure est fondée sur les activités artistiques. « D’ici on voit les gens comme ils vont et viennent, comme ils se détachent, et parfois on entend le froissement des âmes. » C’est une humanité mise à nu qui s’époumone dans le jeu d’approches de ces femmes. Au-delà de leur singularité. « On entend le monde, mais il parle par la bouche des folles. Quelquefois, c’est inaudible et quelquefois très doux. » Un enchevêtrement de dialogues puissants.

Les Consolantes, François Emmanuel, Éd. Actes sud, 12 €