L'infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016

 

FORMATION

LE POINT SUR…

A.-G. M.*   DR Thierry Petitjean**  

Adressés par leur médecin à un centre du sommeil, les patients vont y subir une série d’examens pour confirmer le diagnostic d’apnée. Si celui-ci est avéré, un traitement et un suivi seront proposés.

Depuis décembre 2015, le centre du sommeil et des maladies respiratoires du CHU du Nord (hôpital de la Croix-Rousse), à Lyon (69), s’est agrandi : sa capacité est passée de 4 à 12 lits, permettant d’accueillir davantage de patients pour des dépistages. Voici le parcours d’un patient apnéique. Le patient est adressé par son médecin traitant ou un médecin spécialiste (pneumologue, cardiologue, ophtalmologiste, médecine interne…), pour un dépistage d’apnée obstructive du sommeil. « Nous travaillons régulièrement avec un réseau de médecins qui connaissent cette pathologie. Quand ils nous adressent un patient pour lequel est suspecté une maladie d’apnée du sommeil, nous réalisons d’emblée une polysomnographie », explique Christine Bonne, cadre de santé au centre du sommeil de l’hôpital de la Croix-Rousse.

La polysomnographie

Le patient est d’abord reçu par l’interne qui réalise un interrogatoire clinique et un examen clinique complets?: antécédents familiaux et personnels, signes cliniques (nocturnes et diurnes), traitements, etc. On le prépare ensuite pour un examen de polysomnographie. « Généralement le patient arrive en début d’après-midi, il passe la nuit dans le service et repart le lendemain vers 11 heures », détaille Christine Bonne. Deux IDE sont chargées de brancher les différents capteurs permettant d’effectuer les enregistrements :

– six électrodes au minimum sont collées sur le cuir chevelu du patient pour enregistrer l’électro-encéphalogramme (EEG) ;

– des capteurs sont placés autour des yeux pour mesurer les mouvements oculaires rapides (dérivation électro-oculographique) ;

– deux capteurs sont placés au niveau des muscles de la houpe du menton pour suivre l’évolution du tonus musculaire au cours du sommeil et notamment l’atonie du patient (électromyogramme de surface du mentonnier) ;

– électromyogrammes des muscles jambiers antérieurs pour détecter éventuellement les mouvements de jambe ;

– une canule de pression nasale est placée dans les orifices narinaires pour détecter le flux d’air ;

– un micro est placé à la base du cou pour enregistrer les ronflements ;

– un oxymètre de pouls permet de mesurer la saturation en oxygène du sang ;

– des ceintures thoracique et abdominale permettent de suivre les mouvements respiratoires ;

– une thermistance est placée devant la bouche, au cas où la canule de pression nasale se déplace ou en cas d’obstruction nasale ;

– un électrocardiogramme systématique est mis en place.

La pose des différents capteurs peut prendre, selon les cas, de 30 à 40 minutes. Les infirmières doivent, entre autres, vérifier que les contacts entre la peau et les électrodes permettent d’obtenir de bons signaux (impédances). Si des signaux « parasites » sont repérés, il faut replacer les électrodes. Chacune d’entre elles est placée à un endroit précis, au millimètre près.

Le patient prend son repas, puis, une fois qu’apparaît l’envie de dormir, les infirmières lancent l’enregistrement tout en vérifiant à nouveau que les signaux sont corrects.

L’enregistrement dure en moyenne 8 heures. L’équipe de nuit vérifie régulièrement que les capteurs ne se sont pas décollés et les replace si nécessaire. Le lendemain matin, les infirmières enlèvent les électrodes. Le médecin lit les tracés et les interprète. « Cette lecture peut prendre entre 40 minutes et 1 h 30 », explique le Dr Thierry Petitjean, médecin au centre du sommeil de l’hôpital de la Croix-Rousse. Généralement, le diagnostic est annoncé au patient dans la foulée et si l’apnée du sommeil est avérée, le médecin lui propose un traitement adapté. Si le patient donne son accord pour un traitement par pression positive continue (PPC), il est dirigé vers un prestataire qui se rend à son domicile pour lui proposer l’appareil et adapter son traitement.

Un tracé de contrôle est réalisé entre 6 et 12 mois après le début du traitement. Il est bien plus simple : seuls les signaux respiratoires sont enregistrés, grâce à une polygraphie ventilatoire. Cet examen permet d’enregistrer les paramètres suivants :

– saturation : oxymètre de pouls ;

– mécanique ventilatoire : mouvements thoraciques et abdominaux ;

– électrocardiogramme ;

– signaux de pression et de débit à l’aide d’un pneumo-tachographe.

Le patient est ensuite revu tous les ans pour le renouvellement de son traitement.

Test de maintien de l’éveil (TME)

Pour certaines professions, en particulier les professionnels de la route (chauffeurs routiers, chauffeurs de bus, de taxi, pilotes d’avion, etc.) ou pour des postes de travail en sécurité (centre d’aiguillage à la SNCF, surveillance d’une centrale nucléaire…), la reprise du travail après un diagnostic d’apnée du sommeil ne peut être effective qu’après un test permettant de prouver l’efficacité du traitement. Le test de maintien de l’éveil est un test médicolégal qui permet d’autoriser les conducteurs professionnels traités pour somnolence diurne excessive en relation avec une maladie d’apnées du sommeil, à la reprise de la conduite ou du poste de travail. Ce test est proposé après, au minimum, un mois de traitement.

Au préalable, la nuit précédant les TME, le patient est reçu pour une nuit d’enregistrement avec son appareil de PPC. Puis, le lendemain, un test de maintien de l’éveil permet de tester sa vigilance dans la journée. Le patient est assis sur un fauteuil dans une chambre, au calme, dans une ambiance très peu lumineuse, pendant 40 minutes. Il ne doit pas s’endormir pendant la durée du test. Si le patient ne s’endort pas, le test dure 40 minutes, mais il est interrompu en cas d’endormissement. Un EEG est réalisé afin de déterminer le temps d’endormissement. L’opération est renouvelée quatre fois dans la journée, à 2 heures d’intervalle. Entre les tests, le patient ne doit pas dormir. La latence d’endormissement correspond à la moyenne des quatre tests. D’un point de vue médico-légal, un conducteur objectivement somnolent suite à ces TME est jugé inapte à la conduite automobile.

Test itératif de latence d’endormissement (Tile)

Très rarement utilisé dans le cadre d’une apnée du sommeil, ce test est utile si une autre cause d’hypersomnie associée est suspectée. On installe le patient – allongé – dans la pénombre et on lui demande de dormir. Un montage polysomnographique permet de mesurer son endormissement. Le test est répété pendant 20 minutes, quatre à cinq fois dans la journée à 2 heures d’intervalle. Une latence moyenne d’endormissement inférieure à 8 minutes est anormale.

Le rôle de l’infirmière

Durant les examens

Son rôle est important dans le dépistage des apnées du sommeil. Et elle est assignée à plusieurs tâches.

→ La pose des capteurs pour la polygraphie ou la polysomnographie. « On explique ce qu’on fait et on rassure le patient, explique Laurence Arca, infirmière technicienne du sommeil au CHU de Tours (37). Le fait de prendre son temps, de les rassurer, ça les apaise. Au début, les patients sont un peu gênés par tous les capteurs et les fils, mais ensuite ils ne sentent plus le matériel. » Les infirmières ont un rôle d’explication et de sensibilisation aux risques encourus en cas d’apnée du sommeil.

→ La vérification de la qualité des signaux, avant et après le lancement de l’enregistrement.

→ La surveillance pendant la nuit des différents enregistrements et l’intervention si nécessaire pour replacer un capteur. « Il faut faire attention pour que les fils ne s’enlèvent pas, ils doivent avoir une longueur suffisante pour ne pas gêner le patient pendant son sommeil. Le but est quand même de laisser le patient dormir et de le déranger le moins possible », souligne l’infirmière.

→ Le débranchement des capteurs le lendemain matin et l’entretien du matériel.

→ Les questions d’usage. Demander au patient comment s’est passée sa nuit : était-elle comparable à ses nuits habituelles, s’est-il réveillé davantage ? « Les infirmières réalisent un petit questionnaire de sortie », note Laurence Arca.

→ La pré-lecture de l’enregistrement : les infirmières techniciennes du sommeil sont formées à l’interprétation des relevés et peuvent réaliser un « pré-scorage » des enregistrements. Tous les examens sont ensuite revus et validés par le médecin.

Suivi des patients

Certains prestataires à domicile font appel à des infirmières pour adapter les traitements par pression positive continue. Yvette Guillot, infirmière technicienne du sommeil à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, travaille également à mi-temps chez un prestataire. Dans ce cadre, elle est amenée à effectuer différentes tâches.

→ Une première consultation d’adaptation : « Je présente l’appareil de PPC et j’explique au patient l’entretien de l’appareil et des consommables », indique Yvette Guillot. Dans un second temps, elle adapte le masque au patient et fait un essai de traitement pendant 5 minutes. « On apprend ensuite au patient à se servir lui-même de la machine. » Enfin, cette visite est également l’occasion d’expliquer au patient la prise en charge de son traitement, qui se fait à 60 % par l’Assurance maladie et à 40 % par sa mutuelle. « On lui indique aussi qu’il peut joindre l’entreprise via une ligne dédiée 24 heures/24 et on lui explique ce qu’il faut faire en cas de déplacement. » En effet, en cas de voyage à l’étranger, le patient doit demander un certificat de douane pour sa machine.

→ Un rendez-vous deux à trois semaines après le début du traitement, pour un relevé de titration du niveau de pression positive efficace. « Ce rendez-vous permet de préciser quel niveau de pression a été atteint au 95e centile, ce qui permettra de déterminer le niveau de pression efficace ou les niveaux de pression si la PPC est laissée en mode autopiloté, détaille Yvette Guillot. Il s’agit de leur pression “personnelle” pour ouvrir leurs voies aériennes correctement. »

→ Un rendez-vous, au bout d’un mois, permet d’évaluer l’observance, grâce aux enregistrements réalisés par la machine. Puis, le prestataire revient tous les six mois pour relever les données du traitement par PPC, renouveler le masque, les tuyaux et vérifier le bon fonctionnement de la machine. « Entre temps, on effectue des télévisites : on appelle les patients pour s’assurer que tout va bien. » Yvette Guillot note que les problèmes les plus fréquemment rencontrés sont les fuites, les plaintes de sécheresse buccale. « Pour y remédier, on peut utiliser un humidificateur », précise-t-elle. De même, pour éviter les risques de rhinites, il est possible de relier un tuyau chauffant à la machine, ce qui empêche le patient de respirer de l’air trop froid.

→ En cas de problèmes d’observance, une infirmière d’éducation thérapeutique peut intervenir pour écouter les questions et problèmes du patient et y répondre (voir p. 52).

ÉCHELLE D’EPWORTH

Un outil pour évaluer la somnolence subjective

→ À la première consultation en centre du sommeil, puis au cours du suivi (en particulier quand les patients reviennent pour un test de maintien de l’éveil), les médecins peuvent réaliser une échelle de somnolence d’Epworth. Il s’agit d’une échelle subjective de quantification de la somnolence, composée d’une série de huit questions, pour lesquelles le patient met une note de 0 (si c’est exclu) à 3 (si c’est systématique).

→ Les questions sont les suivantes : vous arrive-t-il de somnoler ou de vous endormir (dans la journée) dans les situations suivantes : pendant que vous êtes occupé à lire un document ? devant la télévision ou au cinéma ? assis inactif dans un lieu public ? passager depuis au moins une heure sans interruption d’une voiture ou d’un transport en commun ? allongé pour une sieste, lorsque les circonstances le permettent ? en position assise au cours d’une conversation (ou au téléphone) avec un proche ? tranquillement assis à table à la fin d’un repas sans alcool ? au volant d’une voiture immobilisée depuis quelques minutes dans un embouteillage ?

→ Si le score est de 12, le patient est subjectivement assez somnolent.

→ S’il est supérieur à 15, le patient peut souffrir d’une autre maladie du sommeil (exemple : narcolepsie, hypersomnie idiopathique) ou d’une dépression.

SAVOIR PLUS

→ Troubles du sommeil, Pr Damien Léger, Éd. Doin, collection conduites, 2001.

→ HAS, « Apnées du sommeil : de nouvelles recommandations de prise en charge des patients », 2014, (http://bit.ly/2cZkOVz).

→ Fuhrman C., Nguyen X.-L., Fleury B., Boussac-Zarebska M., Druet C., Delmas M.-C., « Le syndrome d’apnées du sommeil en France : un syndrome fréquent et sous-diagnostiqué », BEH 2012;44-45:510-4.