GLOBULE NOIR S’ATTAQUE AU RACISME - L'Infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016

 

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JEAN-BERNARD GERVAIS  

Constitué cette année, ce collectif de soignants racisés vise à lutter contre le racisme ordinaire en milieu hospitalier.

Tu es belle… pour une noire », « Tu serais plus professionnelle sans tes cheveux afro, tu devrais les lisser »… Vous avez déjà entendu ces remarques à la machine à café de l’hôpital, avant de prendre votre service ? Autant « d’humiliations qualifiées de blagues ou de dérapages, alors que c’est du racisme », dénonce Calypso Cleaver, soignante en région parisienne et fondatrice en 2016 du collectif Globule noir, dont l’objectif est de lutter contre le racisme à l’hôpital. Le sujet semble brûlant. De peur de représailles, cette soignante racisée, afrodescendante précise-t-elle, avance masquée : « Calypso Cleaver est un pseudonyme. Je ne veux pas risquer de perdre mon travail, ni subir les pressions et le harcèlement de ma hiérarchie et/ou de mes collègues, comme ça a été le cas pour l’une de nos membres il y a quelques mois (elle a été dénoncée par un collègue après un post sur Facebook) ou risquer d’être freinée dans ma carrière », se justifie-t-elle. Pour autant, cette militante n’est pas un troll, puisqu’on l’a vue cet été intervenir lors d’un atelier au camp d’été décolonial, qui s’est tenu fin août à Reims. Ce fut l’occasion d’étoffer le collectif, qui compte actuellement neuf membres, âgés entre 25 et 35 ans, évoluant dans les hôpitaux publics, privés et également en secteur libéral, principalement en région parisienne. Comment se sont-ils rencontrés ? « Ce qui nous réunit est que nous sommes des soignants (IDE, AS, kinés, internes en médecine) racisés (noirs, arabes et métisses) ayant subi, durant notre formation ou au sein de notre milieu professionnel, le racisme. »

Plafond de verre

Le nom de Globule noir est venu assez naturellement à Calypso Cleaver, du fait de ses origines afrodescendantes. « L’idée principale m’est venue pendant mes études paramédicales. J’ai compris qu’il y avait un énorme problème de racisme et plus largement de discrimination dans les hôpitaux », argumente-t-elle. Le collectif dénonce également le plafond de verre imposé aux soignants racisés : « On remarque que certains soignants racisés sont écartés de certaines formations et évolutions professionnelles. Combien y a-t-il de cadres de santé racisés dans les hôpitaux ? Combien y a-t-il de formateurs racisés dans les instituts de formation ? Très peu. »

Pour y remédier, Globule noir collecte des témoignages de soignants et/ou patients confrontés aux discriminations(1) : « Nous recevons en moyenne 20 messages par semaine de patients et de soignants, racisés pour la plupart, et des patients en situation de handicap, de détresse sociale… » Méfiant vis-à-vis des associations antiracistes classiques (SOS Racisme, Mrap, Livra…), Globule noir se revendique de l’antiracisme politique, qui considère que le racisme est structurel et systémique dans la société française. L’hôpital, en tant qu’institution, en est donc un bastion… Fort de ces ambitions, Globule noir travaille sur un rapport ayant trait au racisme à l’hôpital : « Nous souhaitons mener une étude objective sur le racisme à l’hôpital. Il en existe, mais elles ont été rédigées par des personnes non racisées. » L’accompagnement juridique, psychologique fait aussi partie des missions du collectif. Dans les mois qui viennent, Globule noir sera aussi attentif à la campagne présidentielle : « Nous étudierons avec attention les différents programmes concernant, entre autres, les discriminations, les mesures prises pour l’accès réel à la santé pour toutes les personnes présentes sur notre territoire, la non-discrimination des personnes ayant la CMU par certains praticiens. »

1- Pour les contacter : globulenoir.com (site en construction) ; mail : globulenoir@outlook.com ; twitter : @LeGlobuleNoir

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