Prévenir les infections associées aux soins, former ses collègues ou encore s’assurer de la qualité de l’eau ou de l’air au sein de son établissement… Pour mener à bien ses missions, l’IDE en hygiène doit faire preuve de diplomatie et de patience.
La formule est simple : à l’hôpital, plus d’hygiène égale moins d’infections associées aux soins (IAS). La multiplication des règles en la matière a ainsi permis de voir le nombre d’IAS drastiquement baisser ces dernières années. Malgré tout, il semble qu’un seuil soit aujourd’hui atteint : selon l’enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales menée en 2012 par l’Institut de veille sanitaire, 5,1 % des établissements présentaient une ou plusieurs infections nosocomiales actives. On estime que les infections associées aux soins sont à l’origine de 9 000 décès par an. C’est pourquoi la mission des équipes d’hygiène, et notamment des infirmières hygiénistes, est plus que jamais centrale dans leur organisation.
Apparue dès les années 1960 aux États-Unis, la fonction d’infirmière conseil en hygiène hospitalière n’a vu le jour qu’en 1980 dans les établissements français. Cependant, les infirmières hygiénistes n’ont pas accédé à un statut particulier, contrairement aux puéricultrices ou aux Ibode. « Nous demandons la reconnaissance de notre spécialité depuis trente ans, mais ça ne se fera pas, regrette Michèle Aggoune, cadre supérieure hygiéniste au Cclin Paris Nord et vice-présidente de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). En ce moment, nous pensons plus à une organisation sous l’angle des pratiques avancées, à l’image des Ibode qui ont obtenu des délégations de tâches. Nous en sommes à l’enquête métiers auprès des équipes opérationnelles d’hygiène. Cela va prendre du temps. »
L’infirmière en hygiène hospitalière exerce son activité de façon transversale sur l’ensemble de l’établissement et est membre du comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin). Dans les hôpitaux, elle travaille au sein d’une équipe opérationnelle en hygiène hospitalière (EOH) pluridisciplinaire, dont le nombre de membres varie en fonction de la taille de l’établissement. Ses missions sont notamment définies par la circulaire n° 645 du 29 décembre 2000, relative à l’organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé (lire encadré p. 65). Celle-ci précise qu’elle doit comporter un paramédical (infirmière, cadre…) pour 400 lits et un médical (médecin, pharmacien) pour 800 lits.
La mission de l’infirmière hygiéniste consiste à lutter contre les infections associées aux soins, aussi bien à l’hôpital qu’au domicile. « Depuis le dernier programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias), les autorités ont décidé qu’on devait travailler à l’extérieur comme à l’hôpital : l’accent est donc mis sur l’ambulatoire, explique Michèle Aggoune. Nous menons un gros travail d’évaluation des pratiques dans les centres de santé, qui sont très demandeurs. On travaille aussi beaucoup sur l’hospitalisation à domicile (HAD) et les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). » Elle doit veiller à l’application des précautions standard et complémentaires en matière d’hygiène
Dans le détail, les activités de l’infirmière hygiéniste se déclinent en trois missions principales. Sur le volet prévention, elle est chargée de la mise en œuvre du programme de lutte contre les infections nosocomiales élaboré par le Clin. Elle « s’informe des programmes nationaux en matière d’hygiène (par exemple, en ce moment, le Propias 2015) et les décline au sein de son institution en rédigeant des protocoles et en les réactualisant, explique Sandrine Bonnotte. Il peut par exemple s’agir d’un protocole autour de la pose de cathéters centraux… ». Elle collabore avec les services techniques sur le risque infectieux associé à l’environnement hospitalier : qualité de l’eau servant aux soins (hygiène des mains, toilettes des patients, désinfection des dispositifs médicaux…) et de l’air (bonnes pratiques pour maîtriser la qualité de l’air aux blocs opératoires, services de patients immunodéprimés…). « Elle est aussi amenée à donner des conseils lors de travaux afin de protéger les patients fragiles des poussières émises, riches en germes pathogènes, insiste Sandrine Bonnotte. La gestion des déchets à risque infectieux entre aussi dans ses attributions, toujours en collaboration avec les services techniques concernés. Dans d’autres établissements, l’IDE en hygiène hospitalière contribue à l’élaboration des protocoles et à la formation des agents effectuant l’entretien des locaux, la prévention des accidents par exposition au sang… » L’hygiéniste se charge aussi d’un plan de formation au sein de l’établissement. Tout le personnel est concerné, mais aussi les patients, les bénévoles, les visiteurs… Il s’agit aussi bien de formation initiale que de formation continue. « Elle forme les différentes catégories professionnelles intervenant auprès du patient (IDE, AS, brancardiers, agents techniques…) et intervient dans les différents instituts de formation (Ifiade, Ifsi, Ifas) afin d’évaluer leur degré de conformité et de mettre en place avec les équipes des axes d’amélioration », explique Sandrine Bonnotte. Enfin, il lui incombe de communiquer les informations relatives à la prévention du risque infectieux aux unités de soins. « L’hygiéniste forme aussi des correspondants en hygiène qui lui serviront de relais au sein de chaque service. Elle doit animer ce réseau et créer une dynamique de travail. »
Pour remplir ses missions, l’infirmière doit disposer de certaines qualités personnelles, au premier rang desquelles « sa capacité à collaborer et à communiquer auprès des autres professionnels de santé, pointe Sandrine Bonnotte. Il ne faut jamais être dans le jugement, mais rester humble ; s’intéresser aux difficultés des autres et toujours apporter des pistes d’amélioration envisageables par les professionnels ». « Nous sommes amenés à interagir avec des personnes différentes : certaines sont à l’écoute, d’autres vont vous mettre en difficulté. Il faut donc avoir des arguments pour convaincre chacun, leur expliquer pourquoi on leur demande de faire les choses. Il est important de savoir adapter son discours à son interlocuteur, qu’il soit médecin, directeur, agent technique, etc. », ajoute Marion Benouachkou, IDE hygiéniste au CHU de Dijon (21). Il faut donc savoir faire preuve de diplomatie, de pédagogie et de patience.
Mais aussi être rigoureuse, afin de faire respecter les procédures et protocoles prévus par les textes. Une excellente connaissance de la législation en matière de lutte contre les infections nosocomiales est requise. « Il faut des connaissances, mais surtout de l’intérêt pour le sujet, résume Michèle Aggoune. Il faut aussi être curieux et toujours continuer à se former… Et beaucoup lire : il existe tellement de textes réglementaires ! Enfin, concevoir des grilles d’évaluation demande d’être méthodique. Et il faut rester mesuré dans ses propos, n’annoncer que des informations dont on est sûr. » Des qualités d’observation et de synthèse sont un plus : l’hygiéniste est amenée à mener des audits dans les services afin de déceler le risque infectieux et trouver des solutions adaptées. Enfin, il ne faut pas négliger les compétences informatiques : une grande partie du travail se fait sur ordinateur et il faut bien connaître les logiciels employés par l’établissement. « Il faut bien maîtriser la bureautique pour ce poste, notamment Powerpoint, puisque nous devons monter seules des formations », témoigne Marion Benouachkou. À noter que dès 2017, un portail unique de déclaration des événements indésirables devrait simplifier certaines procédures ; il faudra néanmoins savoir s’approprier ce nouvel outil.
Si les hygiénistes exercent souvent au sein d’une EOH, ce n’est pas systématique. Il est aussi possible de travailler pour un réseau régional, l’Antenne régionale de lutte contre les infections nosocomiales (Arlin), comme infirmière mobile de territoire. « Celles-ci interviennent dans les établissements médico-sociaux qui ont besoin d’un temps d’hygiéniste, mais ne disposent pas de personnel qualifié en interne, détaille Sandrine Bonnotte. Ces établissements signent une convention avec l’Arlin. Ces infirmières mobiles disposent d’une grande autonomie, elles travaillent de façon régulière sur plusieurs établissements et peuvent aussi être sollicitées par eux en période de crise. »
Autre type d’organisation possible : certains petits établissements se fédèrent entre eux pour se partager des équipes interétablissements. « Pour travailler de cette façon, il faut beaucoup d’expérience, je dirais sept ans, prévient Michèle Aggoune. Il faut avoir travaillé dans une EOH afin de connaître la diversité des risques (au bloc, en réa, en maternité…) et savoir évaluer ses pairs. »
Quoi qu’il en soit, « l’emploi du temps de l’infirmière hygiéniste n’est pas défini aussi précisément que celui d’une infirmière classique, alerte Sandrine Bonnotte. Il s’adapte en fonction des besoins, à savoir travail programmé ou situation d’urgence (la gestion d’épidémies non maîtrisées ou crise). Comme il s’agit d’une fonction support, elle dispose d’une grande autonomie et transversalité au sein de l’établissement. Experte en hygiène, elle participe au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et à la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIMRT). Elle met en place des actions de prévention, en prenant des rendez-vous avec les équipes. Quand un problème aigu survient, elle peut organiser des réunions de crise afin de procéder à des analyses de causes et de réajuster les pratiques. Il y a des périodes, par exemple en hiver, où l’on est particulièrement en alerte ».
Les conditions d’exercice varient en fonction des établissements : poste à plein temps ou à temps partiel, en 7 heures ou 12 heures. Mais en général, il n’y a pas de week-end ni de nuits… « Si on ne travaille ni les week-ends ni les jours fériés, il faut néanmoins faire preuve d’adaptabilité, nuance Sandrine Bonnotte. S’il faut assurer une formation pour les équipes de nuit, on se déplacera. »,« Dans les petites structures, où il n’y a pas de médecin hygiéniste, le travail est plus complexe, ajoute Michèle Aggoune. Dans un établissement de moins de 200 lits, on peut cumuler un temps partiel en hygiène avec un temps partiel au bloc. Ces autres missions peuvent interférer avec la mission de base. »
Côté rémunération, en raison de l’absence de statut particulier d’infirmière hygiéniste, la grille salariale est la même que celle des infirmières classiques. Mais comme elles ne travaillent ni les week-ends, ni les jours fériés, ni la nuit, elles ne bénéficient pas des primes correspondantes… Si les hygiénistes obtiennent les pratiques avancées (lire p. 17), une gratification financière pourrait y être associée.
En attendant, les services exigent tout de même qu’elles détiennent un diplôme universitaire d’hygiène hospitalière (lire encadré p. 65). « La circulaire ne précise pas l’obligation d’obtenir un diplôme universitaire en hygiène mais le recommande fortement », explique Sandrine Bonnotte. Dans les faits, les infirmières qui souhaitent devenir hygiénistes en sont titulaires ou s’engagent à le passer rapidement, dans les deux ans. Outre la formation, les établissements peuvent aussi demander de justifier d’un certain nombre d’années de pratique dans les unités de soins, en général cinq. « La fonction d’hygiéniste est une fonction support des autres professionnels de santé. Elle regroupe trois approches : la formation, la surveillance et la prévention, il faut donc savoir de quoi on parle, reprend Sandrine Bonnotte. C’est pourquoi un certain nombre d’années d’expérience en soins infirmiers sont nécessaires. Et ce, quelle que soit l’expérience : cela peut être en tant qu’Iade, que puéricultrice… Mais il est important de bien connaître le terrain et les différentes spécialités de l’institution. »
1- http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/100_recommandations.pdf
2- http://www.metiers-fonctionpubliquehospitaliere.sante.gouv.fr/pdf/metier.php?idmet=101
→ Arrêté du 19 octobre 1995 modifiant l’arrêté du 3 août 1992, circulaire DGS/DHOS/E2 – n° 645 du 29 décembre 2000, décret n° 2001-671 du 26 juillet 2001 relatifs à l’organisation de la lutte contre les infections nosocomiales.
→ Arrêté du 23 septembre 2004 portant création d’un comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins.
→ Circulaire n° 599 du 13 décembre 2004 et arrêté du 14 novembre 2005 : programme national de lutte contre les infections nosocomiales 2005/2008 dans les établissements de santé.
→ Circulaire DHOS/E2/DGS/5C/ 2006/82 du 24 février 2006 : mesures pour l’amélioration du niveau d’activités des établissements de santé en matière de lutte contre les infections nosocomiales.
→ Arrêté du 5 mai 2008 : bilan annuel des activités de lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé et Annexe n° 1 de l’arrêté.
→ Décret n° 2009-1763 du 30 décembre 2009, arrêté du 30 décembre 2009 et instruction n° DGOS/PF2/ 2011/211 du 6 juin 2011 à propos de la mise à disposition du public des résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins.
→ Arrêté du 7 avril 2011 : bilan annuel des activités de lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé.
→ Régionalement, les Cclin sont très actifs. Mais ils doivent s’effacer le 1er avril 2017 au profit des Arlin, calqués sur les nouvelles régions administratives.
www.cclin-arlin.fr/nosobase/index.htm
→ Au niveau national, la Société française et francophone d’hygiène hospitalière (SF2H) comporte une section dédiée aux infirmières hygiénistes.
→ En 2005 à l’initiative des Cclin, le Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (Grephh), met de nombreux outils à la disposition des hygiénistes, par exemple des grilles d’audit.
→ Il existe une vingtaine de diplômes universitaires (DU) en France, qui sont listés sur les sites des Cclin. Certains sont conçus spécialement pour les infirmières. D’une durée de 70 à 130 heures, ces formations s’étendent sur un à trois ans. Les programmes ne sont pas identiques : certains insisteront plus sur certains aspects, tels que la communication. Renseignez-vous afin de choisir celui qui correspond le mieux à vos besoins. Mais tous sont reconnus sur le marché du travail. « Le DU de l’université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, est très difficile mais reconnu au niveau européen, conseille Michèle Aggoune, vice-présidente de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Il mêle médecins, pharmaciens et cadres. Sinon, je recommande celui qui a été mis en place entre Lyon et Saint-Étienne : il propose deux filières, une pour les IDE et une pour les cadres. Cela peut être intéressant pour une infirmière qui démarre. »
→ Les Cclin proposent aussi des formations thématiques plus ponctuelles, par exemple sur l’infectiovigilance en période d’épidémie, les campagnes vaccinales, la prévention en Ehpad…
Cclin Paris Nord
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Cclin Est
Cclin Ouest