La fatigue - L'Infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016

 

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

J’ai du mal à me mettre en route le matin et j’ai des gros coups de pompe dans la journée. J’ai peur de me tromper. Que dois-je faire ?

La plainte de fatigue est de plus en plus courante dans le monde du travail, a fortiori au sein de la population infirmière. Mais que recouvre cette notion ? Dans une première approche, on peut dire que la fatigue est un ressenti. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), co-auteur d’un rapport de recherche(1) en donne cette définition : « La fatigue des infirmières est un sentiment subjectif de fatigue (ressenti par les infirmières) qui pénètre physiquement et mentalement. Elle varie de la simple fatigue à l’épuisement, causant un état général tenace qui nuit à la capacité physique et cognitive de la personne de fonctionner normalement. » De multiples facteurs sont en cause à la fois propres à chaque individu (vie personnelle, facteurs physiologiques) et liés à son environnement : station debout, horaires atypiques, interruptions de tâches… Pour le sociologue Marc Loriol, « la plainte de fatigue venant des infirmières exprime aussi souvent l’insatisfaction de ne pouvoir réaliser le travail idéal et de devoir se consacrer à des tâches moins valorisées »(2), en l’occurrence les tâches administratives au détriment des soins. Le médecin, lui, parle « d’asthénie définie comme un symptôme général qui pourra nécessiter d’en rechercher les causes », précise le Dr Durand-Moreau, du centre ressources maladies professionnelles du CHRU de Brest (voir ci-dessous).

1- « La fatigue des infirmières et la sécurité des patients », rapport de recherche de l’AIIC, 2010 (http://bit.ly/2dI4pU0).

2- « Donner un sens à la plainte de fatigue au travail », Marc Loriol, L’Année sociologique, PUF, 2003/2 (vol. 53), pp. 459-486.

LES BONNES PRATIQUES

→ Ne banalisez pas la fatigue et analysez-la : est-elle permanente, discontinue, d’intensité variable, améliorée au repos ? N’hésitez-pas à consulter votre médecin.

→ La fatigue peut constituer un vrai risque professionnel. Interrogez-vous sur :

– les contraintes de votre poste de travail, notamment s’il associe travail de nuit ou en 12 h et une charge mentale et/ou physique soutenue. Un changement de poste est peut-être à envisager ;

– l’équilibre vie privée et vie professionnelle.

→ N’hésitez pas à rencontrer le médecin du travail afin d’évoquer avec lui votre situation au travail, d’essayer de comprendre la problématique derrière la fatigue.

→ Pensez à des solutions en termes d’hygiène de vie :

– faites de vraies pauses, en particulier si vous travaillez sur les postes de nuit ou en 12 h, de courtes siestes. Une option à évoquer avec le cadre de santé ;

– faites du sommeil une priorité et bannissez les écrans avant le coucher ;

– pratiquez une activité physique régulière.

Conséquences

La fatigue peut être responsable :

→ D’une baisse de la vigilance et des performances cognitives, avec pour conséquence, entre autres, une moindre précision des gestes, des difficultés de concentration, des pertes de mémoire. Il en résulte des risques d’erreurs accrus pouvant avoir un impact sur la sécurité des soins. Attention aux organisations du travail privilégiant les postes de longue durée. Une revue de littérature(1) portant sur les postes en 12 h pointe une augmentation de la fatigue, du risque d’endormissement au travail. Les risques d’accidents sont plus élevés dans les deux dernières heures du service.

→ De risques d’accident de trajet et de fractures.

→ D’une perturbation de la qualité de vie, de la santé physique et morale.

1- « Organisation du travail en 2 X 12 h : les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ». Références en santé au travail n° 137, mars 2014.

Des causes multiples

→ Une sensation de fatigue après un effort intense, qu’il soit physique ou intellectuel, est normale.

→ La fatigue ou asthénie devient anormale lorsque, malgré un temps de sommeil correct et du repos, elle persiste même partiellement. Il y a lieu alors de faire un bilan et d’en rechercher les causes.

→ On distingue plusieurs types d’asthénies : réactionnelle (par exemple due à un surmenage, des problèmes psychosociaux, etc.), psychique (se manifestant par une lassitude matinale, des insomnies, la perte d’appétit…), physique.

→ L’asthénie peut être liée à une pathologie. Il peut s’agir d’infections, de cancers, d’une maladie inflammatoire de l’intestin, musculaire, du sang, d’insuffisance thyroïdienne, de maladies neurologiques (sclérose en plaques, maladie de Parkinson), d’une dépression… Des médicaments peuvent aussi être en cause.

→ Des pathologies du sommeil sont aussi à l’origine de fatigue, à l’image du syndrome d’apnée du sommeil et de la narcolepsie (lire aussi p. 40).