L'infirmière Magazine n° 376 du 01/11/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

Annabelle Alix  

Ils sont votre récompense, comme un droit de repos temporaire. Calculés, validés, fractionnés, parfois reportés… Tout ce que vous devez savoir au sujet de vos congés payés.

Chaque année travaillée permet d’accéder à des congés bien mérités. Bilan des gains ? Cinq semaines chômées, mais rémunérées, pour un plein temps effectué dans l’année civile (dans le public), ou entre le 1er juin et le 31 mai (dans le privé). Le total des congés annuels est égal à :

– 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif dans le privé, c’est-à-dire 30 jours ouvrables (5 semaines) ;

– cinq fois le nombre de jours travaillés par semaine dans le public. Pour les agents à temps partiel, les congés sont calculés au prorata du temps travaillé : par exemple, dans un service où les agents travaillent 5 jours par semaine, un agent travaillant 4 jours par semaine aura droit à 5 x 4 jours = 20 jours de congés annuels.

Des congés générateurs de… congés

• Certains congés sont assimilés à des jours travaillés. Dans le public comme dans le privé, c’est le cas des congés de maternité, de paternité ou d’adoption.

• Dans le public, les congés maladie, de formation professionnelle ou syndicale, les congés de solidarité familiale, les périodes d’instruction militaire ou d’activité dans la réserve opérationnelle, comptent aussi.

• Dans le privé, les congés payés, eux-mêmes, sont assimilés à des jours travaillés. Même chose pour les congés pour évènements familiaux (mariage, naissance, etc.), les congés de formation, les absences pour accident du travail, de trajet ou pour maladie professionnelle (d’un an maximum), les repos compensant les heures supplémentaires et ceux acquis dans le cadre de l’accord sur l’aménagement du temps de travail.

• Dans les établissements relevant de la convention collective de l’hospitalisation privée (FHP), les congés maladie (jusqu’à 30 jours, puis pour moitié), les congés de courte durée, les congés pour enfant malade et le temps passé à certaines réunions (instances paritaires…) comptent comme jours travaillés.

Quand les programmer ?

• L’employeur choisit la période des congés. Elle doit se situer entre le 1er mai et le 31 octobre, dans le public comme dans le privé. « Chez nous, le mois d’août connaît une baisse d’activité importante du fait des départs en vacances des chirurgiens », témoigne Raphaël Boulègue, responsable des ressources humaines (RRH) de l’Hôpital privé des Côtes d’Armor, situé à Plérin (22). Un mois qu’il juge donc propice aux congés, notamment pour les infirmières de bloc opératoire.

• Le chef de service, ou la direction, fixe ensuite les congés de chacun durant cette période, après consultation des intéressés. En pratique, les salariés, informés de la période de congés au moins deux mois auparavant (au 31 mars au plus tard dans la fonction publique), « ont formulé leurs souhaits de dates par écrit après s’être arrangés entre eux dans le service, reprend le RRH. En cas de conflit, c’est le chef de service qui tranche. S’il n’y parvient pas, la direction des ressources humaines s’en charge, sur la base de critères objectifs, à savoir l’ancienneté, l’activité éventuelle chez un autre employeur et la situation familiale du salarié. Un couple travaillant dans la même entreprise doit, par exemple, pouvoir bénéficier de ses congés payés en même temps, quitte à les décaler si les besoins du service l’exigent ».

• Une fois les dates de congés fixées, l’ordre et les dates de départ sont communiqués à chacun des intéressés et affichés dans les locaux de l’établissement. Dans le privé, sauf circonstances exceptionnelles, l’employeur ne pourra plus les modifier durant le mois précédant les départs.

Fractionner ses congés… les augmente !

• Dans la fonction publique, la durée des congés annuels posés entre le 1er mai et le 31 octobre ne peut excéder 31 jours calendaires consécutifs. Même contrainte dans le privé : la durée des congés se limite à 24 jours ouvrables, soit quatre semaines. La cinquième semaine doit donc être obligatoirement posée séparément…

• Un fractionnement plus important de ses congés peut aussi être demandé par l’infirmière. Ce fractionnement est autorisé sur tout ou partie des congés, au-delà de 12 jours. En pratique, « ces demandes restent rares », note Raphaël Boulègue.

Lorsqu’ils sont posés en dehors de la période des congés annuels, les repos donnent pourtant lieu à des jours de congés supplémentaires, dans le public comme dans le privé :

– 1 jour supplémentaire pour 3 à 5 jours de congés posés entre le 1er novembre et le 30 avril ;

– 2 jours supplémentaires pour 6 jours ou plus posés dans cette période.

Puis 1 jour par tranche de 6 jours de congés supplémentaires (dans la branche de la FHP uniquement, et en dehors de la 5e semaine).

Vacances reportées

• Lorsque la maladie vient gâcher l’arrivée des vacances, le congé maladie se substitue aux congés payés, sans les supprimer. Ils seront simplement décalés dans le temps. Rappelons, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail […] reconnaît à tout travailleur un droit au congé annuel payé. Sa finalité est « de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs ». La maladie ne saurait priver le salarié de ce droit au repos.

• À l’aube de ses congés, l’infirmière malade doit penser à en informer son employeur le plus rapidement possible (dans les 48 h, comme en temps normal). Un acte nécessaire pour que le congé bascule en arrêt maladie. Le cas échéant, il déclenchera le versement d’un complément d’indemnités par l’employeur. Les congés annuels prendront la suite directe de l’arrêt maladie ou seront reportés plus tard dans l’année.

À noter : Ce report n’est garanti que lorsque l’infirmière tombe malade avant le début de ses congés.

• Quid des congés qui n’ont pas pu être reportés dans l’année ? Dans le public, ils peuvent être posés l’année suivante (voir interview ci-contre). Dans le privé, ils sont perdus ! À moins qu’une convention collective ne prévoit le contraire. Celles de la FHP et de la Fehap ont pris les devants. Les congés non pris dans l’année en raison d’une absence pour maladie (professionnelle ou non) seront différés au retour du salarié… ou à une date ultérieure, fixée entre les parties. Les deux conventions collectives prévoient la même chose en cas d’absence pour accident du travail, pour un congé maternité, ou pour une formation professionnelle (pour la FHP uniquement).

À noter : à partir du 21e jour (dans le public) ou du 24e jour (dans le privé), les congés peuvent être affectés à un compte épargne temps (en vue d’une indemnisation, d’une prise en compte pour la retraite additionnelle de la fonction publique, etc.).

Licencié durant ses congés ?

• Se faire licencier durant ses congés, c’est possible. Un salarié en congés qui ignore avoir reçu une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement ne peut même pas invoquer son départ en vacances pour justifier son absence à l’entretien. Il aurait du « faire suivre son courrier pour pouvoir recevoir une éventuelle lettre de convocation », explique Me Éric Rocheblave sur son site, jurisprudence à l’appui(1).

• L’envoi d’une telle lettre au salarié en congés peut sembler vicieux. Il peut pourtant s’avérer pertinent lorsque le délai de prescription de l’action arrive à échéance. Un cas qui pourrait se présenter dans le cadre d’une action disciplinaire : l’employeur n’a que deux mois pour engager la procédure à partir du moment où il a connaissance des agissements fautifs de son salarié. Conclusion ? Mieux vaut éviter de négliger son courrier durant ses congés !

1- Cass. soc., 5 mars 1987 n° 85-43.126.

Modèle de lettre

Objet : demande de report de congés payés acquis

Conformément à l’article L. 3141-22 du code du travail et aux termes de la convention collective applicable (FHP/FEHAP/…), je sollicite le report de mes congés acquis entre le 1er juin (année n-1) et le 31 mai (année n), soit (nombre de jours ouvrables).

J’ai bien noté que ces congés devront être soldés au 31 décembre (année n+1).

SAVOIR PLUS

→ Décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels dans la fonction publique hospitalière.

→ Circulaire DGOS/RH3/ DGCS/4B n° 2013-121 du 20 mars 2013 relative à l’incidence des congés pour raisons de santé sur le report des congés annuels des fonctionnaires hospitaliers.

→ Instruction n° DGOS/RH3/ DGCS/2013/356 du 1er octobre 2013 relative à l’incidence du congé de maternité, du congé d’adoption, du congé de paternité et du congé parental sur le report des congés annuels des fonctionnaires hospitaliers.

→ Articles L. 3141-1 et suivants du code du travail.

→ Articles D. 3141-1 et suivants du code du travail.

INTERVIEW : SOPHIE HERREN AVOCATE AU BARREAU DE PARIS EN DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE

Y a-t-il un contentieux autour des congés annuels dans le secteur public hospitalier ?

• Ce contentieux n’est pas abondant. Le traitement informatisé des congés à l’hôpital limite considérablement les erreurs ou les négligences. Les affaires arrivant au contentieux ne concernent jamais la demande de congés en elle-même, ni la prise de congés. Elles touchent davantage à des points connexes comme le report des congés non pris d’une année sur l’autre, à cause des arrêts maladie survenus dans l’année.

Le report des congés pour ces raisons de santé est-il autorisé dans le public ?

• Oui, il est même automatique ! Mais seulement depuis 2013. Avant cela, tout congé non soldé dans l’année était perdu. La jurisprudence européenne a changé la donne en statuant en faveur du report. Elle précise même qu’un report limité à 9 mois dans le temps est insuffisant. La circulaire n° 2013-121 du 20 mars 2013 a entériné cette jurisprudence en France en permettant le report, jusqu’au 31 décembre de l’année suivante, des congés non pris pour raison de santé : absence prolongée pour maladie ordinaire, accident de service, maladie professionnelle, congé de longue ou grave maladie.

Existe-t-il d’autres motifs de report de congés ?

• Pas dans la fonction publique hospitalière. Une instruction ministérielle du 1er octobre 2013 a étendu les modalités du report de congés. Les agents qui n’ont pas pu solder leurs congés du fait d’un congé maternité, d’un congé d’adoption ou de paternité dans l’année peuvent désormais les utiliser l’année suivante. En cas de congé parental, les congés non pris sont automatiquement reportés à l’issue de ce congé, quelle qu’en ait été la durée.

Les dates des congés reportés peuvent-elles être refusées par l’employeur ?

• Oui, mais il doit notifier sa décision à l’agent dans les deux mois suivant la demande. Son silence vaut rejet, mais l’agent doit alors lui réclamer des explications. Car l’employeur doit obligatoirement motiver son refus par des nécessités de service, comme pour les demandes de dates de congés classiques. Le congé reporté est alors décalé plus tard dans l’année.

PROPOS RECUEILLIS PAR A. A.