Qu’ils soient liés à notre mode de vie, à des raisons physiologiques, psychologiques, organiques ou thérapeutiques, les troubles du sommeil empoisonnent les nuits d’une grande part de la population.
Elle touche environ 20 % de la population dont 10 % présentent une insomnie sévère handicapante pour la qualité de vie et le bien-être psychique. C’est le trouble du sommeil le plus fréquent.
→ Définition : elle est caractérisée par un temps d’endormissement supérieur à 30 mn et/ou au moins deux réveils par nuit associés à des difficultés à se rendormir et/ou un réveil prématuré (au moins une heure avant l’heure voulue) et une répercussion diurne (fatigue, manque de concentration, irritabilité…)
→ Types : on distingue l’insomnie aiguë transitoire et l’insomnie chronique. La première cède dès que la cause disparaît, tandis que la seconde se manifeste au moins 3 nuits par semaine et dure au moins 2 mois et jusqu’à plusieurs années ou dizaines d’années.
→ Causes : elles sont plurifactorielles et relèvent de facteurs génétiques, hormonaux (les femmes sont plus touchées), psychologiques (anxiété, stress, dépression) et comportementaux. L’insomnie chronique s’installe très souvent à la suite d’une insomnie aiguë durant laquelle la personne met en place des stratégies inadaptées, comme regarder la télévision la nuit, qui renforcent la pression d’éveil au lieu de favoriser la pression de sommeil.
→ Traitement
• Approche comportementale : il est important de mettre d’abord en place les bonnes pratiques (voir encadré p. 44) pour resynchroniser sans médicament l’horloge biologique (HB) et le rythme veille-sommeil. Si nécessaire, les patients peuvent être orientés vers des centres du sommeil où une thérapie cognitivo-comportementale pourra être mise en œuvre pour leur réapprendre à avoir confiance dans leur sommeil.
• Prise des hypnotiques : ils peuvent ponctuellement aider à passer un cap, mais ils doivent être prescrits par un médecin sur une durée limitée (pas plus de 3 à 4 semaines), selon un protocole d’administration précis (pour éviter l’accoutumance) et systématiquement associé à une bonne gestion du rythme veille-sommeil. Il peut consister à prendre le traitement en continu sur une période courte (2 semaines) suivie d’un sevrage progressif ou en discontinu en établissant des doses dégressives jusqu’à suppression du médicament sur un programme d’une semaine reproduit la semaine suivante (voir fiche p. 59).
Il touche 8,5 % de la population française (principalement les femmes) et commence en général entre 25 et 30 ans
→ Définition/symptômes : ce trouble moteur du sommeil, également appelé syndrome de Willis-Ekbom, se définit par des « impatiences » (sensations d’agacement musculaire, fourmillement, picotement) associées dans 80 % des cas à des secousses pseudo-rythmiques des jambes pendant le sommeil, répétées toutes les 20 à 40 secondes pendant plusieurs minutes
→ Causes : un déficit en dopamine, provoquant une activité insuffisante de certains neurones, et plus ou moins associé à un déficit ferrique, serait en cause. Il existe également des formes dites « secondaires » causées par la grossesse (surtout au 3e trimestre), des pathologies neurologiques (neuropathie, canal lombaire étroit), une maladie chronique (diabète, insuffisance rénale…), certains médicaments (antihistaminiques, antidépresseurs), le stress, la consommation d’alcool, de tabac…
→ Diagnostic : il repose en général sur l’examen clinique. Souvent tardif, car les symptômes peuvent être confondus avec ceux de certaines pathologies neurologiques ou vasculaires, il peut être associé à des examens complémentaires
– prise de sang, afin de vérifier le taux de fer ;
– enregistrement polysomnographique du sommeil.
En fonction de la sévérité des symptômes et de leurs répercussions, une consultation chez un neurologue ou un spécialiste des troubles du sommeil peut être utile pour optimiser la prise en charge médicale.
→ Traitement
• Traitement médical : il repose sur le traitement de la cause lorsqu’elle est connue. Dans le cas contraire, des médicaments symptomatiques à base d’agonistes dopaminergiques peuvent être prescrits pour soulager les patients présentant des formes modérées à sévères. Des opiacés, voire des anti-épileptiques utilisés à visée antalgique, sont parfois nécessaires pour lutter contre les formes rebelles et douloureuses
• Mesures comportementales : une bonne hygiène du sommeil doit être associée à l’éviction des facteurs susceptibles d’aggraver les symptômes : café, thé, alcool, certains neuroleptiques, antidépresseurs, antagonistes calciques et anti-émétiques, dépense physique intense en fin de journée. Lors des crises, différents moyens permettent de soulager les symptômes : massages, application de compresses d’eau froide (ou chaude pour certains), déambulation, exercices d’étirement, technique de relaxation… De même, une activité captant l’attention peut atténuer les symptômes ou en empêcher l’apparition.
Il s’agit d’anomalies du rythme veille-sommeil qui se traduisent par une désynchronisation de l’horloge interne, c’est-à-dire un déplacement (en avance ou en retard) de la phase des rythmes circadiens conduisant à des signes cliniques (fatigue, troubles du sommeil et de l’humeur). On distingue principalement les troubles du retard de phase et ceux liés aux horaires atypiques.
Ils se caractérisent par des horaires d’endormissement et de réveil tardifs. Ils concernent 6 à 17 % des adolescents et des jeunes adultes de moins de 25 ans. Mais ils touchent de plus en plus d’adultes, en particulier ceux vivant seuls et sans emploi, ainsi que les patients atteints de troubles bipolaires.
La tendance à entreprendre des activités tard le soir, les surfs et chats sur Internet sont souvent en cause. Indispensable, l’apprentissage d’une bonne hygiène veille-sommeil doit être associé à l’exposition à la lumière du jour – surtout le matin – pour resynchroniser l’horloge biologique. La prise de mélatonine le soir peut renforcer cet effet. Selon les indications, la lumière et la mélatonine sont utilisées seule ou en association ; elles représentent à elles deux une thérapeutique majeure pour ajuster le fonctionnement de l’horloge interne
Ils sont liés au travail de nuit ou au travail en décalé (3 x 8 par exemple) et concernent près d’un salarié sur quatre en France. Au-delà des conditions de travail qu’il convient d’aménager (préférer des rythmes de rotation de 4 à 5 jours plutôt que 2 à 3 jours, présence d’une lumière de haute intensité pendant le travail et limitation de l’exposition à la lumière en fin de poste), un certain nombre de recommandations
• respecter un temps de sommeil quotidien supérieur à 7 h par tranche de 24 h (les études montrent une diminution du temps de sommeil total associée à ces conditions de travail) ;
• maintenir des horaires de sommeil les plus réguliers possibles ;
• prendre un café en début de poste pour améliorer la vigilance au travail ;
• faire une sieste courte (moins de 30 minutes) avant la prise de poste ou pendant la pause de nuit (micro-sieste par exemple) ;
• porter des lunettes de soleil en quittant le travail si le jour est levé.
Ce trouble chronique du sommeil et de l’éveil est rare. Il concernerait 5 personnes pour 10 000.
→ Définition/symptômes : il se manifeste par une hypersomnie (somnolence diurne excessive et en?dormissement soudain), associée ou non à une cataplexie (perte brutale partielle ou totale du tonus musculaire sans altération de la conscience) à déterminisme émotionnel. Les patients ont beaucoup de mal à se réveiller le matin, s’endorment n’importe où et n’importe quand, ce qui est extrêmement dommageable à leur vie professionnelle et sociale. Ils peuvent avoir des hallucinations à l’endormissement ou au réveil, ainsi que des paralysies du sommeil qui peuvent être mal vécues.
→ Causes : bien que cette pathologie soit connue depuis 100 ans, sa cause – un déficit en hypocrétine (une hormone qui favorise l’éveil) consécutif à la destruction de la région du cerveau qui la produit – n’a été découverte qu’en 2000.
→ Diagnostic : souvent long à établir, il est confirmé par l’enregistrement polysomnographique montrant la nuit un endormissement direct en sommeil paradoxal dans environ 40 % des cas, une fragmentation du sommeil paradoxal, des éveils fréquents.
→ Traitement : certains médicaments favorisant l’éveil, comme le modafinil ou le gamma-OH, peuvent être prescrits. Mais ces derniers n’ont pas une efficacité tout au long de la journée, ce qui oblige les patients à programmer des siestes pour éviter de s’endormir de manière inopinée.
Les parasomnies sont des activations comportementales ou neurovégétatives (accélération du rythme cardiaque, de la respiration, sudation) qui se caractérisent par une activité/agitation corporelle ou des paroles alors que le cerveau dort. La plupart du temps, les personnes n’en gardent aucun souvenir. Les principales parasomnies sont les terreurs nocturnes, le somnambulisme et les rythmies du sommeil. Elles se manifestent principalement chez l’enfant contrairement à la somniloquie (fait de parler en dormant) ou au « trouble du comportement en sommeil paradoxal » (voir encadré ci-dessus), plus souvent observés chez l’adulte et le sujet âgé.
Elles apparaissent chez 1 à 6 % des enfants de 3 à 6 ans
C’est une déambulation nocturne, yeux ouverts, alors que l’enfant dort profondément. Il survient environ 1 à 3 heures après l’endormissement pendant le sommeil lent profond. Il concerne 17 % des enfants entre 8 et 12 ans
Elles surviennent à la transition entre éveil et sommeil. L’enfant, à plat ventre, prend appui sur ses bras et balance tout son corps de manière à provoquer un cognement du lit contre le mur dont le bruit entretient la parasomnie et encourage l’enfant à intensifier le mouvement de bercement. Souvent accompagné de vocalisations, ce trouble extrêmement bruyant est très perturbant pour l’entourage. Il n’y a pas de traitement. Il est plus souvent décrit chez l’enfant avec syndrome autistique, mais peut être retrouvé chez un enfant ne présentant aucune déficience mentale. En pratique, le moyen le plus efficace pour désamorcer le processus consiste à poser le matelas sur le sol.
AVEC LE CONCOURS des DR JOËLLE ADRIEN, neurobiologiste, directrice de recherche à l’Inserm, présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV,) et responsable de l’atelier de gestion du sommeil au centre du sommeil de l’Hôtel-Dieu de Paris (AP-HP),
ET DR NADÈGE LIMOUSIN, praticien hospitalier responsable du centre du sommeil, service de neurologie, CHRU Tours
1- Réseau Morphée http://reseau-morphee.fr/
2- Joëlle Adrien, Mieux dormir et vaincre l’insomnie, Éd. Larousse, 2014.
4- Yvan Touitou, « Désynchronisation de l’horloge interne, lumière et mélatonine » http://www.acadpharm.org/dos_public/sommei_11.10.11_-_Touitou.pdf
→ Le matin, s’exposer dès que possible à la lumière pour donner l’information au cerveau qu’il est en mode « éveil ».
→ Pratiquer une activité physique régulière : une heure de marche le matin serait idéal.
→ S’accorder du temps pour dormir.
→ Avoir des heures de veille – sommeil régulières.
→ Préserver l’environnement du sommeil la nuit :
– lieu protégé, silence, obscurité (pas de réveil lumineux) ;
– température ambiante à 18° (la température corporelle perd 1° la nuit) ;
– bonne literie ;
– plus d’ordinateur, de tablette et de téléphone au moins 1 h 30 avant de se coucher, surtout en cas de problèmes de sommeil ;
– débrancher tous les appareils lumineux (y compris réveil) pendant la nuit (leur lumière effondre la sécrétion de mélatonine en quelques minutes et empêche de se rendormir) ;
– prendre trois repas par jour de manière régulière ;
– consommer des aliments qui ne sont pas trop difficiles à digérer (limiter les protéines le soir), mais manger suffisamment et plutôt des sucres lents pour ne pas avoir faim la nuit et permettre au cerveau de se focaliser sur ses activités nocturnes.
À savoir : le sucre rapide favorise l’endormissement ;
– éviter tous les excitants le soir (café, tabac, thé) qui allègent et fragmentent le sommeil. De même, pratiquer une activité physique avant de se coucher va à l’encontre des conditions requises pour s’endormir ;
– mettre en place un rituel du coucher pour signaler à l’horloge biologique que l’on passe en mode sommeil. Se mettre en tenue de nuit, boire une tisane (camomille, tilleul, lavande, passiflore, valériane, houblon facilitent le sommeil), se démaquiller, se brosser les dents, fermer les volets, lire quelques lignes (de préférence en dehors du lit) ou se relaxer pour « lâcher prise » est bon pour l’endormissement.
Ce trouble rare se rencontre chez les sujets âgés, et en particulier chez certains patients atteints de la maladie de Parkinson. Il est souvent observé avant même que la maladie se déclare et peut donc constituer un signe d’alerte.
Il survient pendant le sommeil paradoxal du fait de lésions du cerveau qui altèrent le système d’inhibition qui commande normalement le blocage des muscles du corps durant cette phase du sommeil.
Lorsque le sujet rêve, ce dysfonctionnement lui donne la capacité de mimer physiquement (parfois violemment) son rêve (le dormeur « vit ses rêves ») par des mouvements qui évoquent un comportement d’éveil alors que la personne dort profondément.
Cette parasomnie atypique et très spectaculaire ne laisse aucun souvenir au sujet, si ce n’est celui d’avoir rêvé.