L'infirmière Magazine n° 379 du 01/02/2017

 

Bloc opératoire

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

Annie Miserole  

Les téléphones mobiles devraient être éteints dans les lieux comportant des dispositifs électromédicaux à fonction critique ou servant au maintien de la vie (unités de soins intensifs, blocs opératoires, services d’urgence, néonatalogie, etc.), ainsi qu’à proximité des lits de patients connectés à des dispositifs électromédicaux. » Le rapport(1) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) rappelle en ces termes le bon usage du téléphone portable à l’hôpital. Son utilisation étant rendu « banal » par les soignants, y compris pour certaines applications professionnelles (appels d’urgence, calculs de score, dossier médical informatisé, etc.), cette interdiction « apparaît peu justifiée » : « Compte tenu de l’extrême diversité à la fois des sources de champ électromagnétique et des dispositifs médicaux électroniques, mais aussi des situations d’exposition des dispositifs médicaux, il n’est pas possible de définir une règle unique concernant une distance minimale à respecter entre les dispositifs médicaux et les sources électromagnétiques, applicable à toutes les situations. » C’est en ce sens que l’Anses recommande de mettre en place trois zones d’usage – autorisé, limité et interdit – afin de réduire les interférences avec les dispositifs médicaux. Autre solution mise en place depuis quelques années : le DECT (Digital Enhanced Cordless Telephone), qui émet une fréquence moindre et diminue le risque de perturbations électromagnétiques.

Quel que soit l’appareil, la question du risque infectieux demeure. Annie Miserole, Ibode au CH de Dunkerque, a étudié la question et estime que des protocoles de désinfection sur ces appareils devraient être mis en place, non pour permettre d’introduire des téléphones « plus propres » au bloc, mais pour garantir au mieux le respect des règles d’hygiène et de stérilité.

1- Anses. Compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des sources radiofréquences. Avril 2016 (bit.ly/2i9sxVD).

LES BONNES PRATIQUES

→ Éteindre les téléphones portables dans les lieux comportant des dispositifs électromédicaux à fonction critique ou servant au maintien de la vie : soins intensifs, blocs opératoires, néonatalogie, services d’urgence, etc.

→ Ne pas utiliser son téléphone à proximité du lit d’un patient connecté à un dispositif médical.

→ Au bloc opératoire, limiter l’usage du téléphone au portable professionnel de type DECT (Digital Enhanced Cordless Telephone) pour les chirurgiens et interdire tous les appareils personnels pour le reste des soignants.

→ Après avoir utilisé un téléphone, se laver les mains ou utiliser une solution hydroalcoolique.

→ Mettre en place un protocole de désinfection des téléphones portables.

Des soignants connectés

→ En juin 2013, une enquête a été réalisée au CH de Dunkerque pour évaluer le nombre de soignants qui avaient leur téléphone portable au bloc opératoire. 72 % des 32 soignants (6 chirurgiens, 3 anesthésistes, 8 IDE, 8 Ibode et 7 Iade) avaient ce jour-là leur portable personnel et/ou professionnel : 5 chirurgiens, 3 anesthésistes, 6 IDE, 3 Ibode et 5 Iade. « Les risques liés à l’usage du téléphone portable sont bien réels, insiste Annie Miserole, Ibode à l’origine de l’étude. Notamment le risque infectieux : des prélèvements réalisés sur 18 téléphones des soignants du bloc se sont tous révélés positifs, dont 12 en seuil “alerte” avec un taux de bactérie supérieur à 50UFC (unité formant colonie). Le risque d’erreur est aussi élevé, car les soignants sont perturbés par les sonneries. Le code de déontologie infirmier stipule que l’IDE doit respecter et faire respecter les règles d’hygiène. L’Ibode doit donc se positionner au bloc. Si l’étude montre qu’elle est minoritaire dans le port du téléphone, elle a tendance à fuir ses responsabilités, estimant que c’est au cadre de régler cette question. Or, son rôle est bien de bousculer les habitudes et de faire respecter les règles, et ce, malgré les contraintes organisationnelles et la gestion des urgences. »

Ce que dit la loi

→ La circulaire DH/EM 1 n° 40 du 9 octobre 1995 est la seule qui s’intéresse à l’usage du téléphone portable dans les établissements de soins. Elle se contente de signaler la responsabilité des établissements en cas d’interférence réciproque entre les dispositifs médicaux et les ondes émises par les téléphones. Et leur recommande donc d’informer leur personnel, les patients et les visiteurs, à l’aide d’une signalétique à l’entrée et à l’intérieur de l’établissement, sur la nécessité d’éteindre leur téléphone afin qu’il n’émette et ne reçoive plus de signaux.