Depuis 2013, le service des urgences du centre hospitalier intercommunal de Meulan-Les Mureaux (78) propose de soulager la douleur à l’aide de l’hypnoanalgésie. Une pratique qui peut être utilisée quel que soit l’âge du patient, de plus petit au plus grand.
L’hypnoanalgésie est de plus en plus utilisée au sein des hôpitaux en complément du traitement médicamenteux, que ce soit au bloc opératoire, en pédiatrie, en hôpital de jour, en chirurgie, entre autres. Tous les patients qui arrivent aux urgences ont généralement un état d’esprit négatif, dominé par le stress, la souffrance, l’angoisse, la peur et la perspective de l’attente… L’hypnoanalgésie est une technique non médicamenteuse orientée vers les soins dans la prise en charge de la douleur ou de l’anxiété en modifiant la perception de celles-ci.
Au centre hospitalier intercommunal de Meulan-Les Mureaux (Chimm), nous utilisons l’hypnoanalgésie aux urgences depuis 2013, suite à une formation de trois jours qui a eu lieu au sein même de l’hôpital : « Introduction à l’hypnoanalgésie pour les soins douloureux ». L’objectif de cette technique étant d’induire une dissociation afin de permettre une diminution de la perception de la douleur physique et une modulation de l’anxiété du patient. Celle-ci se rajoute à nos compétences infirmières au quotidien.
Le service des urgences est particulier, car il réunit à lui seul plusieurs contraintes :
→ organisationnelles : il faut gérer une séance d’hypnoanalgésie en faisant fi du bruit environnant, du flux continu de patients (environ 90 par jour), des arrivées bruyantes des ambulanciers, des pompiers, des collègues… ;
→ temporelles : les patients n’ont pas la même vision du temps que nous ;
→ humaines : le patient va-t-il me suivre dans mes propositions ? vais-je trouver la bonne sensorialité qui me permettra de l’amener vers l’hypnose ?
Ainsi, aux urgences, il s’agira d’utiliser des techniques hypnotiques de courte durée pendant les soins, de façon à gérer la douleur aiguë et iatrogène, et l’angoisse associée aux gestes douloureux, mais aussi d’améliorer la communication entre le soignant et le soigné.
Le petit Lucas est agité et il refuse tout soin. Nous décidons par conséquent d’amorcer une séance d’hypnoanalgésie pour l’aider à gérer son angoisse et faciliter la prise en charge par le médecin et le personnel soignant. Je lui propose donc de s’amuser avec un tube à bulles et suggère à l’un des parents de se joindre à nous. Une fois l’attention de l’enfant fixée sur les bulles, le médecin se prépare pendant que j’installe le matériel. Petit à petit, Lucas se laisse faire et même les parents semblent plus détendus. L’enfant s’amuse et se laisse gentiment allonger. Nous profitons pour créer, avec lui, une histoire. Le petit garçon est un passionné de dinosaures, nous choisissons donc de construire son histoire autour de ces grandes bêtes. Chaque geste du soin sera intégré dans cette aventure. Pendant que nous lui racontons le conte, le médecin procède, lui, à l’anesthésie locale puis réalise les points de suture. Cette histoire finalement aide l’enfant à mieux accepter le soin. Le tout avec moins de pleurs, moins de cris et moins de contraintes.
Aux urgences, il est difficile de procéder à une séance d’hypnoanalgésie sans être dérangé… d’autant que les séances ne peuvent pas se prévoir à l’avance. Nous avons ainsi créé une pancarte « Soins en cours, ne pas déranger » que nous installons à chaque séance. Si nous n’avons pas le temps de la placer, nos collègues s’en chargent dès qu’ils notent une modification de notre voix qui devient plus douce, plus calme, nos gestes plus lents, etc.
Ces techniques hypnotiques proposent une prise en charge différente, établissent un lien de confiance entre le soignant (médecin, infirmière ou aide-soignante formés ou pas) et le patient, et permettent de soulager la douleur physique et l’anxiété.
Le rôle du soignant est de trouver le canal le plus adapté – visuel, auditif, gustatif, kinesthésique, olfactif – pour induire un état hypnotique. Il est préférable de se mettre en condition, c’est-à-dire, être disponible et se recentrer. Il s’agit de ne plus penser au plâtre qu’il faut poser, à la perfusion qui attend, au patient qui s’impatiente…
Accompagner le patient ne peut se faire qu’une fois que l’on est soi-même détendu. Ce qui n’est pas toujours simple, car la séance se fait de façon impromptue, pendant 10 à 15 minutes, dans une des salles de soins ou parfois même à l’accueil des urgences. L’hypnoanalgésie permet une rencontre particulière avec le patient, avec soi et avec ses collègues. Un moment d’échange et de prise en charge riche. Une reconnaissance aussi quand un jeune patient sort de la salle de soins, le sourire aux lèvres, en lançant : « Toi, tu es une magicienne »…
Cette pratique a changé notre façon de nous adresser au patient et de faire les soins. Elle est aujourd’hui partie prenante de notre projet de soins. Et nous a appris à éviter des mots qui induisent une émotion ou une réaction négative. Plutôt que « C’est une petite piqûre qui ne fera pas mal. Allez, je vous pique… », il vaut mieux dire « Je vous prélève, vous pouvez ressentir une sensation différente ». Face à l’enfant, éviter « Arrête de bouger » pour « Et si on jouait à la statue ? Peux-tu rester parfaitement immobile ? » Au début, nous y faisions très attention, puis cela devient plus spontané. Aujour-d’hui, notre vocabulaire a changé :
→ « N’ayez pas peur » : « Soyez rassuré » ;
→ Ça ne fera pas mal » : « Vous pouvez ressentir une sensation inhabituelle » ;
→ « Arrête de hurler » : « Je me demande si tu cries plus fort que la sirène des pompiers ».
L’hypnoanalgesie va plus loin dans l’accompagnement. Un accompagnement au plus près du malade, de son ressenti, de ses émotions. Et si le patient se sent écouté et accompagné, il devient acteur de son parcours de soin.
Lucas, 6 ans, arrive en pleurs aux urgences de notre hôpital, dans les bras de ses parents qui sont visiblement très inquiets. Il est tombé de la balançoire et présente une plaie suturable au front. Nous parvenons avec peine à le détacher de ses parents, mais il refuse de s’allonger sur le brancard. Les parents, eux, se tiennent à côté de leur enfant, mutiques. Les cris de Lucas redoublent dès qu’on s’approche de lui avec notre matériel. Le soin semble compliqué.
→ 2013 : Appel à projets Apicil « Douleur et urgences : une pratique innovante ».
→ 2014 : Formation interne « Initiation à l’hypnoanalgésie » avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, à l’origine du premier DU d’hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière et Ambroise Paré et directeur du centre Hypnosis. L’hypnoanalgésie est mise en place aux urgences du Chimm et dans d’autres services.
→ Depuis 2015 : Trois médecins formés au DU d’hypnose médicale et une infirmière au DU d’hypnoanalgésie. Ouverture d’une consultation d’hypnoanalgésie pour les patients douloureux chroniques.
→ 2016 : Inscription de la formation hypnoanalgésie au plan de formation du Chimm. Ouverture d’une consultation d’hypnose médicale.
En 2013, le Dr Michel-Dhaine, urgentiste, algologue, et présidente du Clud, a répondu à un appel à projets de la fondation Apicil « Douleur et urgences : pratique innovante. » Nous avons proposé de comparer l’impact de l’hypno-analgésie dans la prise en charge des plaies de l’enfant en la comparant à la pratique habituelle du Méopa. Pendant trois mois, nous avons recueilli, à partir d’un outil- questionnaire, les avis d’une trentaine d’enfants (de 4 à 14 ans) et parents, après la suture de la plaie à l’aide d’antalgiques et du Méopa. Le dossier a été étudié par la fondation Apicil et nous avons reçu une subvention pour la formation à l’hypno-analgésie, dispensée par le Dr Jean-Marc Benhaiem et l’équipe de l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale (AFEHM), à destination du personnel des urgences et d’autres services. Après cette première formation, le Chimm a inscrit ce projet au plan de formation. Plus de 97 soignants médicaux et paramédicaux ont été formés à ce jour, dans tous les services de l’hôpital et une session de formation est prévue chaque année pour 30 professionnels.