Quel que soit son service ou son lieu d’exercice, l’IDE est régulièrement confrontée au DT2. Une pathologie qu’elle doit connaître pour en tenir compte dans sa prise en charge, mais aussi pour aider les patients à optimiser le contrôle de leur maladie.
Plus de 3 millions de personnes, soit 4,7 % de la population française, sont traitées pour un diabète
– 92 % sont des diabétiques de type 2 (DT2) ;
– 6 % des diabétiques de type 1 (DT1) ;
– 2 % concernent des formes moins connues
Le DT2 est une maladie métabolique caractérisée par une insulinorésistance que n’arrive pas à compenser une sécrétion d’insuline insuffisante. Les facteurs environnementaux (sédentarité, surpoids, obésité) sont déterminants dans la genèse du DT2.
→ Sédentarité et obésité jouent un rôle majeur. Près de 90 % des DT2 présentent, ou ont présenté, un excès pondéral. Selon l’étude Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) 2007-2010, 39 % sont en surpoids (IMC 25-29 kg/m2) et 41 % sont obèses (IMC ≥ 30 kg/m2)
→ Impact physiopathologique : associées, l’obésité et la sédentarité engendrent un besoin accru en insuline pour réguler la glycémie. Il en résulte une surproduction initiale d’insuline à laquelle fait suite, à terme, une insulinopénie. Le glucose qui ne peut pas être assimilé s’accumule dans le sang et entraine l’hyperglycémie (HPG). Parallèlement, les cellules des organes (foie en particulier), des muscles et des tissus adipeux, qui ont développé une résistance à l’insuline, ne captent pas correctement le glucose ce qui majore globalement l’HPG, favorise la synthèse hépatique des triglycérides, stimule la néoglucogenèse (production de sucre par le foie) et l’HPG matinale à jeun. À distance, ces phénomènes concourent au défaut permanent de régulation du sucre et à la constitution d’une HPG chronique.
Selon les critères retenus par la Haute Autorité de santé (HAS), le diagnostic du diabète est posé biologiquement selon les critères suivants
– une glycémie (G) à jeun ≥ 1,26 g/L (7 mmol/L) vérifiée à deux reprises ;
– ou une G ≥ 2 g/L (11,1 mmol/L) à n’importe quel moment de la journée associée à des symptômes cliniques (polyurie, polydipsie, amaigrissement) ;
→ ou une G ≥ 2 g/L (11,1 mmol/L), 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose.
Toutefois, une G à jeun régulièrement comprise entre 1,10 g/L et 1,26 g/L, est une HPG. Dans ce cas, les patients présentent un risque de devenir diabétiques et doivent être rapidement pris en charge car, à elles seules, les mesures hygiéno-diététiques permettent de diminuer de 50 % l’apparition du DT2.
Le DT2 doit bénéficier d’une surveillance aujourd’hui bien codifiée
1. suivre l’équilibre glycémique à l’aide de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et de l’autosurveillance glycémique (AG) ;
2. assurer la surveillance biologique et la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires (HTA, dyslipidémies) associés au DT2 (le risque cardiovasculaire peut être équivalent à celui d’un patient non diabétique qui a fait un infarctus) ;
3. dépister les complications du DT2 grâce à la surveillance ophtalmologique, podologique, biologique sanguine et urinaire (complications rénales).
Comme le soulignent la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le dosage régulier de l’HbA1c est l’examen du suivi du contrôle glycémique
Afin d’apprécier l’évolution du diabète et de prévenir la survenue de complications, il est recommandé de réaliser chaque année différents bilans.
→ Bilan lipidique (cholestérol total, HDL-C, LDL-C, triglycérides) + ECG.
→ Bilan rénal :
– créatininémie sanguine qui permet l’estimation du débit de filtration glomérulaire (DFG) et d’apprécier la fonction rénale ;
– albuminurie-protéinémie (une microalbuminurie et la présence d’une protéinurie sont souvent les premiers signes d’atteinte rénale due au diabète).
→ Bilan dentaire : les parodontites et infections dentaires, au même titre que tout foyer infectieux, peuvent déséquilibrer le diabète. L’étude Entred 2007-2010(
→ Bilan opthalmologique (fond d’œil) : ce bilan, annuel si l’HbA1c est > 7 %, peut être réalisé tous les deux ans si le patient est équilibré (HbA1c < 7 %). D’autres techniques de dépistage se développent telle que la photographie rétinienne. En présence d’une rétinopathie sévère, une angiofluorographie permet de repérer les zones ischémiques de la rétine et de les traiter par photocoagulation laser pour empêcher l’évolution vers une rétinopathie proliférante.
Un DT2 instable et mal équilibré peut engendrer, à court terme, des complications métaboliques aiguës et, à distance, des complications chroniques micro et macro-vasculaires, principalement responsables de la morbi-mortalité du DT2.
Qu’elles aient pour origine une hypoglycémie (HG) (voir encadré ci-dessus) ou une HPG, elles ont en commun d’atteindre à leur paroxysme un état de coma relevant d’une prise en charge en urgence.
→ Complications hyperglycémiques : l’hyperosmolarité diabétique se traduit par une forte élévation de la glycémie (5 g/L voire plus), accompagnée de troubles hydroélectriques et de déshydratation. Elle concerne principalement des patients âgés dépendants. De moins en moins fréquente, son pronostic s’est amélioré mais reste extrêmement sévère : 20 % des patients présentant un coma hyperosmolaire décèdent.
→ Complications hypoglycémiques : elles sont directement liées à une mauvaise gestion du traitement antidiabétique. L’étude Dialog
→ Complications microvasculaires (microangiopathiques) : elles atteignent les petits vaisseaux des nerfs, de la rétine et des reins, principalement.
• La neuropathie diabétique (ND) est la complication microvasculaire la plus fréquente du DT2. Elle se manifeste par des fourmillements dans les jambes, des décharges électriques nocturnes caractéristiques et une perte de sensibilité. Celle-ci peut être objectivée par le test au monofilament de 10 g (le patient ne sent pas l’appui du fil de nylon semi rigide sous son pied), plus simple et plus performant que le test du diapason (la vibration du diapason posé sur le pied est mal ou non ressentie par le patient)
• La rétinopathie concerne, à des stades plus ou moins graves, plus de 50 % des diabétiques après 15 ans d’évolution déséquilibrée de la maladie
• La néphropathie est longtemps silencieuse. Son dépistage repose sur la réalisation d’examens sanguins et urinaires réguliers. Elle impose souvent de substituer l’insuline à la plupart des antidiabétiques oraux et d’assurer une surveillance rapprochée de la tension et des paramètres biologiques pour éviter une aggravation vers l’insuffisance rénale chronique.
→ Complications macrovasculaires (macroangiopathiques) : elles atteignent les gros vaisseaux irriguant le cœur (infarctus du myocarde), le cerveau (AVC) et les membres inférieurs (Aomi). L’Aomi s’associe à la neuropathie des membres inférieurs dans la genèse des plaies du pied.
• Les complications cardiovasculaires sont les plus fréquentes et résultent de la coexistence de facteurs de risque (HTA, dyslipidémies, tabagisme) associés au diabète. Il est donc important de normaliser la tension et les paramètres lipidiques (voir encadré ci-dessus). Selon l’étude UKPDS 38
• L’artérite des membres inférieurs (Aomi) est deux à cinq fois plus fréquente que chez le patient non diabétique. D’évolution lente, elle entraîne une diminution de la lumière artérielle et de la perfusion des muscles et des tissus cutanés situés entre le genou et les orteils qui, lorsqu’elle est aggravée par des facteurs de risques (âge, tabagisme, HTA, surpoids, sédentarité, hypercholestérolémie), peut conduire à la gangrène et à l’amputation. Ce risque impose de surveiller la température des extrémités et les pouls pédieux et tibiaux postérieurs.
Chaque année, en France, ces complications sont responsables de 20 000 hospitalisations pour plaie du pied – dont 8 000 pour amputations –, 17 000 AVC, 12 000 hospitalisations pour infarctus du myocarde (risque multiplié par trois à cinq chez le DT2) et 4 000 nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale(
1- InVS, BEH n° 34-35, novembre 2015.
2- Diabète de type 3 (fréquent chez les Africains et les Indiens) ; diabète Mody (Maturity Onset Diabetes of the Young ou diabète monogénique) qui résulte d’une mutation monogénique, et affecte les adolescents et les jeunes adultes ; diabètes iatrogènes provoqués par des médicaments (corticoïdes, bétabloquants, diurétiques) ; diabètes secondaires à certaines maladies (cancer du pancréas, hémochromatose par exemple).
3- InVS, BEH, n° 42-43, novembre 2010.
4- Cnamts/DSES/ DEPP&DEOS. Personnes prises en charge pour diabète en 2014. Mise à jour août 2016. À télécharger sur www.ameli.fr (bit.ly/2ibCddz).
5- InVS, Étude Entred 2007-2010. (bit.ly/2hY9tce).
6- HAS, Guide du Parcours de soins – DT2 de l’adulte. Mars 2014 (bit.ly/1rJE6fn).
7- HAS, ANSM, Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2. Janvier 2013 (bit.ly/1FTdKyy).
8- InVS, BEH 30-31, novembre 2014.
9- Cariou et al. Fréquence des hypoglycémies chez 4 424 diabétiques insulino-traités en France : résultats du suivi observationnel prospectif de l’étude Dialog. Diabetes & Metabolism, volume 39, n° S1, mars 2013.
10- SFD paramédical (www.sfdiabete.org).
11- AFD (www.afd.asso.fr).
12- A. Krivitsky, R. Cohen, S. Franc, A. Pernot. Prise en charge du DT2 – Conférence aux Entretiens de Bichat septembre 2000.
→ Définition
• Glycémie < 0,70 g/L en présence de signes cliniques.
• Glycémie < 0,60 g/L sans signes.
→ Signes adrénergiques : palpitations, pâleur, sueur, tremblements.
→ Signes neuroglucopéniques (manque de sucre au niveau du cerveau) : irritabilité, comportements inhabituels, pseudo-ébrieux, vision floue, troubles de la parole, fatigue, somnolence, coma, convulsions…
→ Causes possibles : saut de repas et/ou collation, apport glucidique insuffisant, activité physique non compensée, erreur d’injection de l’insuline (dose > au besoin), LPD (low-protein diet).
→ Que faire ? Prendre trois morceaux de sucre ou équivalent (verre de jus de fruits ou soda non diététique par ex.) ; renouveler la prise si pas d’amélioration probante dans les 15 mn suivant la première prise. En cas d’HG sévère n’autorisant pas le resucrage per os, l’administration IV de glucosé (2 à 3 ampoules de G30) est recommandée, en particulier chez les patients sous médicaments insulinosécréteurs qui ne doivent pas recevoir de glucagon en s/c ou IM.
Objectifs idéaux moyens de normalisation tensionnelle et lipidique (LDL-c) chez le DT2.
→ Les objectifs de tension artérielle (TA) ont beaucoup évolué dans le temps et se sont légèrement assouplis au fil des résultats et des études. Les chiffres cibles actuels font encore l’objet de débats et ne sont pas consensuels. Ces objectifs seront, comme pour l’HbA1c, adaptés à chaque patient. Les cibles hautes de TA doivent être < 140/90 et < 135/85 en automesure tensionnelle. Celle-ci repose sur la règle des 3 :
– 3 mesures consécutives (à quelques minutes d’intervalle) le matin avant le petit déjeuner ;
– 3 mesures consécutives (à quelques minutes d’intervalle) le soir entre le dîner et le coucher ;
– 3 jours de suite (voir fiche de relevé www.automesure.com).
→ Les objectifs de LDL-c
dépendent de la situation du patient.
– Il doit être < 0,7 g/L chez les patients à très haut risque cardiovasculaire (CV) (patients en prévention CV secondaire, présence d’une néphropathie…).
– Il doit être < 1 g/L chez les autres.