L'infirmière Magazine n° 379 du 01/02/2017

 

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COLLOQUES

Isabel Soubelet  

Dès ses premiers jours, le bruit est au cœur de la vie de l’être humain. Indispensable à son développement, il peut aussi être néfaste comme cela a été démontré lors des premières Rencontres nationales bruit et santé, organisées à Paris en décembre.

Dès sa naissance, et même dès la période prénatale, l’enfant est soumis à un environnement sonore. Ce dernier, riche et varié, est indispensable à son développement cognitif et à son adaptation au monde. Mais il peut s’avérer néfaste pour sa santé lorsque les niveaux sonores sont trop élevés et les durées d’exposition trop longues. C’est pour faire le point sur les risques liés aux excès sonores que les premières Rencontres nationales bruit et santé ont été organisées le 13 décembre à Paris par le Centre d’information et de documentation sur le bruit (CIDB), avec pour thème « Les conséquences du bruit sur les enfants et les adolescents et leur coût pour la société ».

La vulnérabilité des nouveau-nés

Lors des premiers mois de vie, les impacts du bruit sont déjà perceptibles. Le Pr Pierre Kuhn, du service de néonatologie et de réanimation néonatale au CHRU de Strasbourg (67) et membre du Groupe de réflexion et d’évaluation de l’environnement des nouveau-nés de la Société française de néonatologie (Green-SFN) l’explique clairement : « L’environnement peut affecter directement le développement du cerveau, et nous savons que 40 % des grands prématurés (< 7 mois) ont des troubles cognitifs à l’âge de 5 ans. Ensuite, il faut comprendre que le nouveau-né arrive dans un environnement atypique, celui de l’hôpital, très différent du tissu utérin. Il quitte le milieu aquatique pour le milieu aérien et subit des sons de 20 à 30 dB (A)(1) qu’il ne maîtrise pas et qui sont amplifiés par l’incubateur. Nous avons constaté qu’il pouvait être exposé jusqu’à 600 pics sonores en période de sommeil ! » Il est donc nécessaire de mettre en place des actions correctives pour réduire les expositions aux stimulations délétères, notamment des matériels, en choisissant mieux l’emplacement des alarmes et le lieu d’ouverture des emballages stériles.

Une approche partagée par Frédérique Audeoud, pédiatre au CHU de Grenoble (38). « Les bébés ont besoin de silence et de calme, il faut être vigilent sur le choix des revêtements et veiller à l’irrégularité des sols, précise-t-elle. Il est judicieux de penser à écarter tout ce qui peut venir cogner les couveuses et de faire appel aux voix de tous leurs proches afin de les éveiller au langage. »

Une étude de l’environnement sonore du prématuré menée au CHU de Limoges (87) par l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle Aquitaine a montré, à l’aide d’un dosimètre (mesure du niveau intérieur) et un sonomètre intégrateur à mémoire (mesure du niveau extérieur), que le bruit extérieur en journée influence le niveau sonore à l’intérieur de la couveuse. L’incubateur en veille enregistre 49 dB (A), il atteint 52 dB (A) en fonctionnement et monte à 66 dB (A) avec assistance respiratoire. À cela, il faut ajouter tout l’appareillage additionnel, sachant que tous les événements supérieurs à 50 dB (A) sont audibles à l’intérieur de l’incubateur. Quand on s’aperçoit que l’alarme annonce 73 dB (A), cela laisse imaginer la pollution sonore subie par le nouveau-né. À la suite de cette étude, de nombreuses recommandations ont été émises, à savoir : réaliser les échanges verbaux en dehors des box ou à voix basse, préparer les matériels de soin si possible à l’extérieur des box, afficher le niveau sonore dans les parties communes afin d’informer le personnel et le public, réaliser des campagnes de communication auprès des parents et des personnels soignants pour les sensibiliser à la qualité de l’environnement sonore. Si le Plan national santé environnement (2015-2019) a retenu le bruit comme enjeu de santé publique majeur, des mesures d’envergure restent à prendre. Il est nécessaire d’intégrer le bruit dans la culture de développement durable des établissements et de former les professionnels de santé. À écouter !

1- Le dB (A) est utilisé pour mesurer les bruits environnementaux. Il s’agit d’un décibel pondéré A, qui constitue une unité du niveau de pression acoustique.

SANTÉ

Le coût du bruit

D’après une étude(1) qui compile des travaux français et européens, 9 millions de personnes en France sont fortement exposées au bruit des transports. Avec un coût sur la santé qui s’élève à 11,5 milliards d’euros par an dont 8 % induit par le trafic routier, 9 % par le trafic ferroviaire et 2 % par le trafic aérien. Les principaux impacts sont les troubles du sommeil, la gêne, et les maladies cardio-vasculaires. Par ailleurs, les accidents du travail et la surdité provoqués par le bruit en milieu professionnel sont estimés à 1,2 milliards d’euros par an. Au total, l’étude conclut à un coût total de 57 milliards d’euros par an pour l’ensemble des pollutions sonores. Difficile de ne pas tendre l’oreille…

1- « Le coût social des pollutions sonores », mai 2016, étude réalisée pour le Conseil national du bruit (CNB) et l’Ademe, par EY.