L'infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017

 

SANTÉ PUBLIQUE

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

PR BERTRAND DAUTZENBERG*   KARIM MAMERI**  

En Europe, 7,5 millions de personnes utilisent régulièrement la cigarette électronique, révèle une étude de la revue Addiction en 2016(1). Le vapotage, comme le tabac, est soumis à une réglementation. « La loi interdit de fumer ou de vapoter dans un lieu de travail fermé à usage collectif.Il faut donc appliquer la loi », lance d’emblée le Pr Bertrand Dautzenberg, praticien à La Pitié Salpêtrière (AP-HP), Paris, et coordonnateur d’un rapport sur la cigarette électronique pour le ministère de la Santé en 2013. Cela s’applique particulièrement aux lieux de passage ou d’accueil de mineurs. Si cette interdiction d’utiliser la cigarette électronique n’a pas réglementairement besoin d’être affichée dans les couloirs de l’hôpital, les règles de l’établissement concernant la vape devraient être précisées dans le règlement intérieur et communiquées à tout le personnel. Dans ses recommandations, le réseau de prévention des addictions (Respadd) estime que si le vapotage dans les pièces de soins et lieux de passage est interdit par la loi, « il est possible d’autoriser les fumeurs et ex-fumeurs à vapoter dans les bureaux individuels et dans les chambres de garde individuelles si la ventilation de ces pièces est satisfaisante ». Il propose également d’aménager, quand cela est opportun, dans les services de psychiatrie, d’addictologie, de long séjour ou de soins palliatifs, ou dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), une salle dédiée au vapotage en dérogation de la loi générale. La légalité de cette dernière recommandation demande cependant à être précisée. « La vape dans les hôpitaux ne doit pas nuire aux non-vapoteurs et aux non-fumeurs, ni ne doit constituer une incitation à vapoter pour les non-fumeurs. Toutefois, elle doit pouvoir être largement utilisée par les fumeurs […] afin de faciliter l’abandon du tabac », indique le Respadd. En effet, ajoute le Pr Dautzenberg, la cigarette électronique est une voie de sortie ou de réduction du tabac, et n’est pas une porte d’entrée dans le tabagisme. La preuve : 35,1 % des utilisateurs réguliers de e-cigarette ont arrêté de fumer et 32,2 % ont réduit leur consommation tabagique(1).

1- « Electronic cigarette use in the European Union : analysis of a representative sample of 27 460 Europeans from 28 countries », Farsalinos, Poulas, Voudris et Le Houezec, Addiction, 2016.

LES BONNES PRATIQUES

→ Choisir des e-liquides adaptés et utiliser une ventilation du clearomiseur faible pour ne pas émettre trop de vapeur.

→ vapoter à l’extérieur et pas dans les lieux de passage.

→ Suivre la consigne donnée par son établissement. Celle-ci doit être clairement stipulée.

→ Dans toutes les situations, privilégier un vapotage discret. Éviter les vapoteuses plus puissantes qui émettent des quantités plus importantes de vapeur dans l’environnement.

→ Éviter les e-liquides à forte concentration de glycérine végétale, dont le parfum persiste plus longtemps, ou ayant des arômes trop forts.

→ Ne pas vapoter en tenue de soignant à la vue des patients.

Et le vapotage passif ?

→ La e-cigarette conduit à vaporiser des e-liquides contenant des bases diluantes, avec ou sans nicotine.

Est-il pour autant moins nocif pour l’entourage ?

Le risque est infiniment moindre qu’avec la fumée du tabac, car il n’y a pas de combustion.

→ Cependant les études montrent que certains produits sont potentiellement irritants pour les sujets fragiles et il est relevé la présence de traces de nicotine dans les urines et le sang de personnes présentes à côté d’un vapoteur, même si ces taux restent faibles.

Que dit la loi ?

L’article 28 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé interdit l’usage de la cigarette électronique dans certains lieux publics, notamment « les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs ; dans les moyens de transport collectif fermés ; dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif ». L’entrée en vigueur de ces interdictions attend toutefois la publication d’un décret du Conseil d’État qui précisera ses conditions d’application.